[e-med] "Accelerating Access" au service des compagnies pharmaceutiques

E-MED: "Accelerating Access" au service des compagnies pharmaceutiques
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Dossier de presse � 11 mai 2002
Act Up-Paris
Contact : Ga�lle Krikorian : + 33 6 09 17 70 55 / + 33 1 49 29 44 75

"Accelerating Access" au service des compagnies pharmaceutiques et de la
corruption des syst�mes sanitaires.

Le 11 mai 2002 vient de marquer le second anniversaire de l�initiative "
Accelerating Access ", lanc�e par l�ONUSIDA en partenariat avec plusieurs
agences des Nations Unies (OMS, FNUAP, UNICEF et Banque mondiale) et cinq
compagnies pharmaceutiques (Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb,
Glaxo SmithKline, Merck & Co., et Hoffman-La Roche[1]). Depuis la fin de
l�ann�e 2001 cette initiative se poursuit sous l��gide de l�OMS.

Selon les Nations Unies, " Accelerating Access " devait traduire " un
redoublement d�efforts des Coparrainants et du Secr�tariat de l'ONUSIDA
dans le domaine de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA ".

Cette initiative �tait suppos�e permettre aux pays en d�veloppement un
acc�s aux m�dicaments aux prix les plus bas, mais aussi leur apporter le
soutien technique � la mise en place d�un acc�s national aux traitements
antir�troviraux.

Deux ans plus tard, les activistes font le bilan : " Accelerating Access "
sert avant tout les laboratoires pharmaceutiques qui tirent profit du label
des institutions internationales pour conserver un monopole et limiter les
baisses de prix.

Selon des estimations particuli�rement optimistes, apr�s deux ans, seuls
quelques milliers personnes dans le monde auraient d�but� une th�rapie
antir�trovirale par l�interm�diaire d�" Accelerating Access " � soit moins
de 0,1% des 10 millions de personnes s�ropositives dont l��tat de sant�
n�cessite une mise sous traitement. En outre, une partie des patients
concern�s se voit prescrire des r�gimes antir�troviraux incomplets, tel que
des monoth�rapies, proscrites dans les pays d�velopp�s.

********** Pourquoi de si mauvais r�sultats ? **********

Parce que les compagnies pharmaceutiques impliqu�es se sont principalement
affair�es � n�gocier des arrangements avec les pays en d�veloppement qui
leur permettent de contr�ler l�approvisionnement en m�dicaments et de tenir
les producteurs de g�n�riques � l��cart. Parce qu�elles se sont efforc�es
de limiter les r�ductions de prix et d�imposer leurs conditions aux pays
b�n�ficiaires.

" Accelerating Access " n�offre aucun progr�s notable en terme de prix
parce que les compagnies pharmaceutiques d�tentrices de marques se sont
content�es d�aligner leur prix sur ceux des producteurs de g�n�riques.
Elles n�ont propos� que des r�ductions limit�es � pour certains traitements
seulement, pour certains secteurs, pour certains pays � assorties de
conditions portant sur le mode d�approvisionnement des pays, sur les
quantit�s de m�dicaments achet�s, sur les modes de distribution et l�usage
des traitements, sur le cadre national concernant la propri�t�
intellectuelle pour limiter la comp�tition avec les g�n�riques, etc.

Ainsi, chacun des rabais conc�d� par les laboratoires s�accompagne de
conditions particuli�res d�application et se traduit par la signature d�une
convention entre chaque compagnie et le minist�re de la sant� du pays
concern� (une convention dont une des clauses pr�cise en g�n�ral qu�il
s�agit d�un contrat dont les termes doivent demeurer secrets).

Par ailleurs, les prix de m�dicaments pour lesquels il n�existe pas de
v�ritable comp�tition g�n�rique restent tr�s �l�v�s et sont inabordables
pour les malades du sida des pays pauvres. Roche, par exemple, continue de
vendre l�inhibiteur de prot�ase nelfinavir (Viracept�) 3139 US$ par an dans
les pays les moins d�velopp�s.

Parce que l�OMS et l�ONUSIDA n�ont d�velopp� aucune assistance digne de ce
nom pour aider les pays � mettre en place des programmes d�acc�s aux
traitements ou � �tendre l�acc�s existant. De nombreux pays affichent ainsi
un label " Accelerating Access " sans pour autant que l�OMS et l�ONUSIDA
leur aient pr�t� assistance et sans qu�ils aient b�n�fici� de programme
d�acc�s aux traitements (Togo, Congo, Burkina Faso, etc.). Par ailleurs,
aucune aide sp�cifique n�a �t� mise en place par ces agences pour
rationaliser, assurer la qualit� et la p�rennit� de la dispensation
d�antir�troviraux dans les pays qui ont int�gr� " Accelerating Access ".

Parce que l�OMS et l�ONUSIDA se sont montr�es incapables de garantir aux
pays un cadre de n�gociations imposant la transparence, le respect de
standards �thiques minimum et une certaine obligation de r�sultats.

La mise en relation des compagnies avec les responsables des pays en
d�veloppement ne suit aucun sch�ma directeur. Cependant, dans tous les cas
de figure, les compagnies pharmaceutiques m�nent leurs n�gociations
directement avec les gouvernements ou les prestataires de service de sant�,
pays par pays, de fa�on ind�pendante les unes des autres et sans aucun
contr�le des agences des Nations Unies.

Ainsi, le label " Accelerating Access " recouvre et sert de caution � des
n�gociations sur lesquelles l�OMS et l�ONUSIDA n�ont aucun pouvoir et dont
elles suivent difficilement les �volutions.

Parce qu�en n�impliquant que quelques compagnies pharmaceutiques de marque,
les agences des Nations Unies ont tenu � l��cart les producteurs de
g�n�riques et enferm� les pays en d�veloppement dans une n�gociation
biais�e. La comp�tition avec les producteurs de g�n�riques[2], seul moteur
de l�existence et du maintien de prix bas, a ainsi �t� mis de c�t� au
profit d�un assujettissement des pays aux bonnes volont�s et aux exigences
de quelques multinationales.

********** D�innombrables effets pervers **********

Mais deux ann�es d� " Accelerating Access " ne se soldent pas simplement
par de mauvais r�sultats en terme d�acc�s aux m�dicaments et de vies sauv�es.

Cette initiative a �galement g�n�r� nombres d�effets pervers que l�OMS et
l�ONUSIDA ont non seulement �t� incapables d��viter mais surtout qu�ils ont
cautionn� : instrumentalisation des institutions internationales de sant�,
discrimination entre pays, contr�le des march�s, court-circuitage des
syst�mes nationaux d�approvisionnement en m�dicaments, d�veloppement de
prescriptions irrationnelles et dangereuses.

1. Le label de l�OMS, un faire-valoir marketing pour les laboratoires.

Depuis deux ans, la compagnie Roche se pr�vaut de faire partie de
l�initiative " Accelerating Access " et d��uvrer ainsi pour permettre un
acc�s aux traitements dans les pays en d�veloppement.

En r�alit� pourtant, Roche a toujours refus� de consentir des r�ductions de
prix sur ses produits. Il faut dire que la soci�t� n�est pas en situation
de concurrence avec les producteurs de g�n�riques, situation qui
l�obligerait � r�duire ses prix (en effet seul Aurobindo, fabriquant de
g�n�riques indien, produit � l�heure actuelle le nelfinavir)[3].

A la fin du mois d�avril 2002, M. Nabarro, directeur ex�cutif de l�OMS,
reconnaissait avoir des difficult�s avec certaines multinationales et
esp�rait que Roche accepte d�sormais dans les plus brefs d�lais de
respecter ses engagements.

2. " Accelerating Access " : un outil de discrimination entre pays pauvres.

Au del� du fait que " Accelerating Access " ne recouvre que des
n�gociations bilat�rales, pays par pays et mol�cule par mol�cule � ce qui a
notamment pour effet de rendre impossible la n�gociation au niveau r�gional
et les �conomies d��chelle � cette initiative impose un traitement
discriminatoire � l��gard des pays en d�veloppement qui ne b�n�ficient pas
tous des m�mes r�ductions de prix.

Ainsi, dans les pays jug�s " trop riches " les laboratoires refusent de
conc�der les m�mes r�ductions que dans les pays les plus pauvres d�Afrique
Subsaharienne. C�est notamment ce qui s�est produit au Maroc ou en
Tha�lande, alors que les populations de ces pays n�ont pas plus les moyens
de payer les m�dicaments que celles d�autres pays jug�s plus pauvres.

En revanche, les compagnies n�h�sitent pas � menacer les pays de leur
vendre les m�dicaments au prix fort s�ils s�av�rent que ceux-ci
s�approvisionnent aupr�s de g�n�riqueurs (Tha�lande).

3. Des march�s captifs.

Au lendemain de la d�faite des compagnies pharmaceutiques en Afrique du Sud
au printemps 2001, les laboratoires ont redoubl� d�efforts pour inclure les
pays en d�veloppement dans " Accelerating Access " et imposer ainsi leur
pr�sence, leur autorit� et leur conception de la propri�t� intellectuelle
dans ces pays.

Les cons�quences sont imm�diates : malgr� les avantages que cela
repr�senterait pour eux, tr�s peu de pays osent se tourner vers les
g�n�riques. Au Burkina, le sommet international pour l�acc�s aux g�n�riques
qui devait se tenir dans la capitale du 3 au 7 mai 2001 est annul� sur la
demande du ministre de la Sant� au moment o� celui-ci signe avec les
laboratoires un accord pour une r�duction des prix.

En effet, dans le cadre d�" Accelerating Access " les laboratoires imposent
aux pays la signature de conventions, tenues secr�tes, dont diff�rentes
clauses garantissent leur monopole en entravant le recours aux g�n�riques :
clauses de respect de la propri�t� intellectuelle imposant des exigences
plus fortes que les accords internationaux eux-m�mes (TRIPS +), engagements
sur des quantit�s d�termin�es de m�dicaments achet�s.

Ainsi, certains pays, qui n�ont aucune l�gislation sur la propri�t�
intellectuelle, sont malgr� tout tenus de se fournir en antir�troviraux
aupr�s des compagnies de marque uniquement.

En cons�quence, dans certains pays, les malades pr�f�rent se fournir en
m�dicaments g�n�riques import�s par des ONG (MSF au Cameroun, l�ANSS au
Burundi, etc.) plut�t qu�aupr�s de leur gouvernement afin d�obtenir des
traitements � plus bas prix. Le contr�le de la circulation des m�dicaments
qui devrait �tre centralis� par le gouvernement et qu�" Accelerating Access
" est cens� garantir est donc dans les faits inexistant.

4. Court-circuitage des syst�mes nationaux d�achat de m�dicaments.

Depuis sa cr�ation " Accelerating Access " se pose en parall�le des
syst�mes nationaux. A l�heure actuelle, cette initiative entra�ne le
court-circuitage des syst�mes officiels d�achat des m�dicaments.

Depuis des ann�es, l�OMS promeut la mise en place de Centrales d�Achat
nationales fonctionnant sur la base d�appels d�offres publics et
transparents. Aujourd�hui l�Organisation Mondiale de la Sant� cautionne
pourtant la signature de contrats entre minist�res de la Sant� et
compagnies pharmaceutiques portant sur la vente de m�dicaments, qui
instaurent un approvisionnement parall�le � celui des Pharmacies
Nationales, une totale opacit� en mati�re de prix, l�absence d�appel
d�offre et donc de concurrence.

L�industrie pharmaceutique court-circuite ainsi les syst�mes publics
d�approvisionnement, renforce son pouvoir de contr�le sur quelques
responsables politiques ou m�decins et les possibilit�s de corruption en
mettant en place un syst�me absolument opaque.

5. Prescriptions et usages irrationnels ou dangereux de m�dicaments.

Parce qu�" Accelerating Access " n�inclut qu�un nombre r�duit de compagnies
pharmaceutiques et que les r�ductions ne concernent que certaines
mol�cules, la disponibilit� en m�dicaments par ce biais ne porte pas sur
l�ensemble de la palette th�rapeutique n�cessaire aux traitements des
malades du sida.

Ainsi, alors qu�un des pr�-requis � la participation des pays � "
Accelerating Access " devait �tre la garantie " d�un syst�me de
distribution efficace et s�r ", dans les faits cette initiative a entra�n�
le d�veloppement de prescriptions irrationnelles fond�es sur des imp�ratifs
�conomiques : le choix des mol�cules en fonction des rabais octroy�s par
l�industrie. S�ensuivent des prescriptions de combinaisons th�rapeutiques
inefficaces ou dangereuses en terme d�effets secondaires, dans le cadre
d�essais cliniques ou de programmes d�acc�s aux traitements.

En outre, jouant de leur influence sur les m�decins, certaines compagnies
poussent � la prescription de combinaisons th�rapeutiques incoh�rentes.

Ainsi au Kenya, Merck & Co. promeut la prescription d�une bith�rapie
incluant deux de ses mol�cules � indinavir (Crixivan�) et efavirenz
(Stocrin� ou Sustiva�) - une combinaison risqu�e puisque la pr�sence
d�efavirenz n�cessite une augmentation de la dose d�indinavir qui demande
alors une augmentation de l�hydratation et accro�t le risque de toxicit�
r�nale. En Afrique du Sud, BMS continue de pousser la prescription de ses
trois mol�cules ddI/d4T/hydroxyur�e, une combinaison dont les chercheurs
ont prouv� la dangerosit� potentielle.

" Accelerating Access " est un exemple criant de compromission entre
institutions internationales de la Sant� et industrie pharmaceutique au
m�pris de l�int�r�t des populations et de la sant� publique. L�OMS ne peut
impliquer les pays en d�veloppement dans des partenariats avec des
compagnies priv�es sans garantir un cadre de n�gociations transparent, le
respect de principes �thiques et un minimum d�obligation de r�sultats.

Aujourd�hui, l�OMS doit d�urgence revoir sa strat�gie.

Pour que les prix des m�dicaments soient r�ellement abordables, plusieurs
mesures sont indispensables :
- le d�veloppement d�achats group�s au niveau international [4] comme au
niveau r�gional qui permette de n�gocier de meilleurs prix sur la base de
l�achat de m�dicaments en grande quantit� ;
- le renforcement des capacit�s et un transfert de technologie afin de
favoriser la production locale dans les pays en d�veloppement ;
- les licences obligatoires et les importations parall�les ;
- la mise en comp�tition entre m�dicaments de marques et g�n�riques.

L�acc�s aux g�n�riques est un enjeu majeur pour les pays en d�veloppement,
et la seule perspective � long terme de pouvoir acc�der � la palette
th�rapeutique la plus large et la plus compl�te possible aux prix les plus bas.

L�OMS doit �tre en mesure de fournir aux pays une information la plus
exhaustive possible sur les sources d�approvisionnement en m�dicaments
contre le VIH/sida et leurs prix, incluant obligatoirement les producteurs
de g�n�riques.

Il est notamment indispensable que les centrales d�achat gouvernementales
ainsi que tout autre utilisateur potentiel puisse avoir acc�s � une
information objective sur le prix des antir�troviraux.

L�OMS doit soutenir les pays pour d�velopper l�achat group� de m�dicaments
au meilleur prix, ainsi que la production locale.

L�OMS doit fournir une assistance technique digne de ce nom aux pays qui
souhaitent mettre en place des programmes d�acc�s aux traitements.