E-MED: Accord sur les ADPIC et � l'acc�s aux technologies de la sant�

E-MED: Accord sur les ADPIC et � l'acc�s aux technologies de la sant�

MSF, HAI et CPT ont sign� une lettre ouverte aux pays membres de l'OMC au
sujet de la propri�t� intellectuelle et de la sant�.
Voici cette lettre qui vient d'�tre �dit�e en fran�ais. Cette lettre peut
�tre sign�e par les ONG, Associations qui le souhaitent. Contacter MSF ou
HAI pour cela.
J�r�me Dumoulin

16 novembre, 1999

Lettre ouverte aux pays Membres de lOMC concernant lAccord sur les ADPIC et
� lacc�s aux technologies de la sant�

Cher Membre de lOMC,

        Nous voulons exprimer, par cette lettre, notre point de vue
concernant les discussions qui auront lieu � lOMC sur les questions
relatives aux technologies de la sant�. Nous sommes une coalition des
professionnels de la sant� intervenant dans les pays en d�veloppement, des
groupes de d�fense de la sant� publique et des consommateurs, ainsi que
dONG actives dans la sant� et le d�veloppement. Nous voulons attirer votre
attention sur les probl�mes soulev�s par la mise en uvre de lAccord sur les
Aspects des Droits de Propri�t� Intellectuelle qui touchent au Commerce
(ADPIC) en mati�re dacc�s aux technologies de la sant�. Dinutiles obstacles
� lacc�s aux produits m�dicaux essentiels entra�neront une augmentation du
nombre de d�c�s et de
maladies qui pourraient �tre �vit�s, notamment dans les pays en
d�veloppement.

Nous consid�rons que la r�glementation des �changes internationaux de
produits m�dicaux essentiels n�cessite une nouvelle approche qui place
lint�r�t g�n�ral au dessus des int�r�ts commerciaux.

En mai 1999, apr�s plus dune ann�e de d�bats, lAssembl�e mondiale de la
Sant� a adopt� � lunanimit� la r�solution WHA52.19, priant instamment les
Etats Membres de l'OMS de :
(1) r�affirmer leur volont� d�laborer et dappliquer des
politiques pharmaceutiques nationales et d'en assurer le suivi, et de
prendre toutes les mesures concr�tes n�cessaires pour garantir un acc�s
�quitable aux m�dicaments essentiels ;

(2) de veiller � ce que les int�r�ts de la sant� publique
occupent une place pr�pond�rante dans les politiques pharmaceutiques et
sanitaires ;

(3) d�tudier et de r�examiner les options qui leur sont
offertes dans le cadre des accords internationaux pertinents, notamment des
accords commerciaux, pour pr�server lacc�s aux m�dicaments essentiels.

Cette r�solution de lAssembl�e Mondiale de la Sant� marque le d�but dun
dialogue n�cessaire sur les accords commerciaux et les technologies de la
sant� entre les gouvernements, les organisations internationales, les ONG
et lindustrie. Elle confie � lOrganisation Mondiale de la Sant� (OMS) le
nouveau mandat de surveiller les implications des accords commerciaux sur
la sant� et d'aider les pays � mettre en uvre les r�glementations
commerciales tout en prot�geant la sant� publique. Il y a des signes qui
montrent quune plus grande sensibilit� aux consid�rations de sant� publique
dans les questions de commerce
gagnent du terrain. A titre dexemple, de hauts responsables de lOMS, de
lONUSIDA, de la Banque mondiale et de diff�rents gouvernements se sont, au
cours des six derniers mois, montr�s favorables � la concession de licences
obligatoires pour faire face � la crise mondiale suscit�e par le VIH/SIDA.

Diff�rents d�bats denvergure internationale li�s � lAccord de lOMC sur les
ADPIC ont �t� ouverts pour d�terminer si des modifications devaient �tre
apport�es � cet Accord, ou comment celui-ci pourrait �tre interpr�t�, pour
que des consid�rations dint�r�t g�n�ral occupent bien une place
pr�pond�rante dans la politique commerciale.

Nous recommandons aux pays Membres de lOMC dexaminer plusieurs actions
possibles lors de la r�union minist�rielle de Seattle. Nos propositions
refl�tent diff�rentes strat�gies ou tactiques et portent tant sur des
questions dordre g�n�ral que sur des probl�mes pr�cis. Certaines proposent
des modifications de lAccord sur les ADPIC, alors que dautres portent sur
la mise
en uvre de l'Accord tel qu'il existe. Ces recommandations sont les
suivantes :

        (i) Concernant les alternatives � lADPIC :

Entamer des discussions afin de d�finir une nouvelle approche applicable �
lADPIC sur les questions relatives aux produits m�dicaux essentiels dans le
but de favoriser � la fois la recherche et un acc�s �quitable aux soins.

Nous proposons d'entamer des discussions sur une nouvelle approche de
l'ADPIC pour les technologies de la sant� avec un syst�me obligeant les
pays � soutenir une recherche et d�veloppement essentielle qui r�ponde aux
besoins de sant� publique au lieu de laccent mis actuellement sur la
protection des droits commerciaux priv�s. Cette alternative inclurait un
syst�me de partage global du poids de la recherche en fonction du stade de
d�veloppement et de la capacit� financi�re des pays. Cette nouvelle
approche permettrait lacc�s aux nouvelles technologies de tous ceux qui en
ont besoin.

Nous demandons que lOMS, la Banque mondiale, lOrganisation Mondiale de la
Propri�t� Intellectuelle, lOMC, la Conf�rence des Nations Unies sur le
Commerce et le D�veloppement, les autres organisations internationales
concern�es, les gouvernements int�ress�s ainsi que les sp�cialistes de la
sant� publique et du commerce rencontrent les ONG actives dans le domaine
de la sant� publique afin de d�battre de cette proposition lann�e
prochaine.

        (ii) Dans le cadre de lAccord sur les ADPIC tel quil se pr�sente
aujourdhui :

1) Examiner la possibilit� d'allonger la p�riode de transition pour
appliquer lADPIC aux pays en d�veloppement et aux pays les moins avanc�s
jusqu� ce quaient �t� mis en place des m�canismes permettant de palier les
effets n�fastes sur lacc�s aux technologies sanitaires essentielles.

2) Soutenir les Membres de lOMC dans leurs efforts pour int�grer les
dispositions de lADPIC dans leur l�gislation nationale tout en donnant la
priorit� � la protection de lint�r�t g�n�ral et � la correction des abus
de situation dominante par les d�tenteurs de brevets.

Les objectifs et principes �nonc�s dans les articles 7 et 8 de lADPIC
offrent un cadre solide pour une interpr�tation et une ex�cution des droits
de propri�t� intellectuelle favorables � lint�r�t g�n�ral. Larticle 7
souligne la n�cessit� dassurer un �quilibre entre la protection des droits
de propri�t� intellectuelle dune part, et la promotion de l'innovation, le
transfert et la diffusion de la technologie dune mani�re propice au
bien-�tre social et �conomique dautre part. Larticle 8 souligne le droit
des membres � adopter des mesures visant � prot�ger la sant� publique, �
�viter lusage abusif des droits de propri�t� intellectuelle et � �viter le
recours � des pratiques pr�judiciables aux transferts internationaux de
technologie, � condition que ces mesures soient compatibles avec les
dispositions de lADPIC.

Les pays en d�veloppement en particulier devraient �tre fortement
encourag�s � tirer le meilleur parti de ces possibilit�s.

3) Appuyer les propositions dexemption des m�dicaments essentiels de
certaines obligations d�finies par lADPIC.

LOMS a publi� en 1977 sa premi�re liste mod�le des m�dicaments essentiels
(LME), d�finis comme �tant ceux qui satisfont aux besoins de la majorit� de
la population en mati�re de soins de sant� et qui doivent donc �tre
disponibles � tout moment en quantit� suffisante et sous la forme
pharmaceutique appropri�e. Il est important de souligner que les crit�res
dinclusion dans la liste de lOMS ne sont pas seulement la s�curit� et
lefficacit� mais ont �galement trait � des consid�rations �conomiques,
notamment le prix des produits. Nombre de m�dicaments consid�r�s essentiels
dun point de vue th�rapeutique ou de sant� publique n'ont pas �t�
s�lectionn�s en raison de leur co�t �lev�. Or, ces prix sont li�s aux
r�gles de propri�t� intellectuelle appliqu�es � ces m�dicaments.

4) Appuyer les discussions sur la question des exceptions aux brevets
pour la recherche m�dicale. A cet �gard, demander � lOMS dobtenir des
universitaires et des professionnels de la recherche commerciale des
commentaires sur les obstacles � la recherche m�dicale d�coulant des
syst�mes actuels de propri�t� intellectuelle, et de conseiller lOMC sur la
question des
int�r�ts l�gitimes des tiers dans la recherche m�dicale.

Il sera �galement important de fournir � lOMC de solides arguments en
faveur des exceptions aux brevets, dites exceptions "Bolar", existantes aux
Etats-Unis, au Canada, en Isra�l et dans quelques autres pays pour
permettre aux soci�t�s produisant des m�dicaments g�n�riques deffectuer des
essais sur la bio-�quivalence et autres tests sur des m�dicaments brevet�s.
Ces tests ont pour but de pr�parer les demandes d'autorisation de mise sur
le march� de m�dicaments g�n�riques � lexpiration des brevets. L� encore,
les pays et les organismes internationaux tels que lOMS peuvent fournir un
dossier pour �tayer
la l�gitimit� de ces exceptions aux brevets, dossier qui mettrait en relief
les avantages de la concurrence par les g�n�riques pour la sant� publique.

5) Eviter une interpr�tation restrictive et anti-concurrentielle des
obligations dun pays selon larticle 39 de lADPIC, sur les donn�es
denregistrement sanitaire.

Larticle 39 dADPIC est une disposition peu discut�e et mal comprise qui
demande aux Membres de lOMC d'emp�cher la divulgation des donn�es
denregistrement sanitaire et d'interdire leur utilisation � des fins
commerciales d�loyales. Certains ont consid�r� que m�me si les pays exigent
ces donn�es scientifiques pour autoriser la mise sur le march� dun produit
pharmaceutique, lAccord ADPIC impose aux pays d'assurer un certain degr�
dexclusivit� � ces donn�es, notamment en limitant la possibilit� de
sappuyer sur ces donn�es pour l'enregistrement d'un produit concurrent.
Dans les n�gociations commerciales bilat�rales, le gouvernement des
�tats-Unis a soutenu qu'en vertu de lADPIC, les pays doivent m�me emp�cher
les fabriquants de m�dicaments g�n�riques de s'appuyer sur des documents
scientifiques publi�s ou sur des autorisations des administrations
�trang�res, sans la permission des titulaires des donn�es sur lesquels sont
bas�s ces documents et autorisations.

En labsence dexclusivit� des donn�es, les m�dicaments g�n�riques ou des
m�dicaments produits dans le cadre dune licence obligatoire peuvent �tre
mis sur le march� apr�s de simples tests de bio-�quivalence, sans avoir �
reproduire les essais cliniques, longs et co�teux, n�cessaires pour �tablir
lefficacit� et linnocuit� des produits. Mais si lOMC impose aux pays une
protection excessive concernant lexclusivit� de ces donn�es, des probl�mes
vont appara�tre pour autoriser les m�dicaments g�n�riques et ceux produits
dans le cadre dune licence obligatoire � partir des donn�es existantes.

Actuellement, plusieurs pays dont les Etats-Unis et les Membres de lUnion
Europ�enne accordent plusieurs ann�es dexclusivit� des donn�es produites
aux fins denregistrement des produits pharmaceutiques. Il existe des
propositions, �manant de groupes de sant� publique, qui visent � remplacer
les r�gles sur lexclusivit� des donn�es en vigueur aux Etats-Unis et dans
lUnion Europ�enne par de nouvelles r�gles limitant les abus comme dans le
cas du Taxol (Paclitaxel). Il est aussi propos� d'obliger les soci�t�s �
r�v�ler publiquement le co�t v�ritable des essais cliniques et autres
essais quelles cherchent � prot�ger dun usage commercial d�loyal, et de
faire en sorte que la protection soit raisonnablement li�e aux co�ts r�els
dinvestissement.

Limpact v�ritable de larticle 39 sur la concurrence et lacc�s aux
m�dicaments nest pas tr�s clair du fait de labsence de pr�cision de
l'article concernant les obligations des pays. L'interpr�tation de ces
obligations par lOMC est fondamental.

Il est donc n�cessaire d'examiner les faits et lanalyse �conomique utilis�s
� l'appui des politiques nationales sur les droits exclusifs des donn�es
d'enregistrement, ainsi que les raisons historiques les ayant justifi�es.
LOMS devrait fournir � lOMC un rapport sur les politiques commerciales les
moins restrictives pour la protection de ces donn�es et recueillir des
commentaires publics sur les aspects anti-concurrentiels des syst�mes en
vigueur dans les diff�rents pays (par exemple sur la p�riode de protection
de dix ans en vigueur dans lUnion Europ�enne, introduite � lorigine pour
compenser le manque de protection par brevets en Espagne et au Portugal).
En fournissant � lOMC un argumentaire sur la n�cessit� d�viter un niveau
excessif et anti-concurrentiel dexclusivit� des donn�es, les pays peuvent
contribuer � l'�laboration sur cette question d'un programme d'action au
b�n�fice de la sant� publique.

6) Demander � lOMS de publier un rapport � lintention de lOMC sur les
exceptions aux brevets en vertu de larticle 30 de lADPIC, en rapport avec
lexportation de produits de pays avec des licences obligatoires. Il sagit
dun point tr�s important pour les pays dont les march�s int�rieurs sont
insuffisants pour permettre une production nationale de produits
pharmaceutiques, mais qui pourraient tirer parti de limportation dun
produit soumis � une licence obligatoire. Par exemple, un pays comme lInde
peut, avec son milliard dhabitants, se doter dune industrie pharmaceutique
sophistiqu�e, mais des pays plus petits comme le Botswana ou le Nicaragua
ne le peuvent pas.

Il ne rimerait � rien davoir un syst�me de commerce mondial qui permettrait
� la Chine, au Br�sil, � lInde, � lArgentine, � lAllemagne, aux Etats-Unis,
au Japon et � dautres grands pays de profiter du syst�me des licences
obligatoires alors que les petits pays ne pourraient pas en profiter. De
surcro�t, il est �conomiquement inefficace de limiter lapprovisionnement
national en produits pharmaceutiques aux seuls fournisseurs nationaux.
Dapr�s nous, un pays peut actuellement pr�voir une exception, dans sa
l�gislation nationale sur les brevets, pour des produits fabriqu�s pour
lexportation si les pays importateurs ont d�livr� des licences
obligatoires, conformes � lADPIC. Nous pensons que la d�livrance dune
licence obligatoire par le pays exportateur prot�ge les int�r�ts l�gitimes
du titulaire du brevet. Cependant, il serait extr�mement utile de demander
� lOMS de soumettre � lOMC un rapport sur ce point, afin de lever toute
ambiguit� et dinfluencer toute �ventuelle jurisprudence de la part de lOMC