[e-med] Lettre ouverte de M�decins sans Fronti�res aux Membres de lOMC

E-MED:Lettre ouverte de M�decins sans Fronti�res aux Membres de l�OMC
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Lettre ouverte de M�decins sans Fronti�res aux Membres de l�OMC

Paris, le 8 f�vrier 2003
Madame, Monsieur,

Lundi, le Pr�sident du Conseil des ADPIC doit proposer au Conseil g�n�ral de
l�OMC d�adopter le � Texte du Pr�sident Motta du 16 d�cembre � et
prononcer la d�claration suivante :

Avant de proposer l�adoption du texte du 16 d�cembre 2002, j�aimerais rendre
publiques certains points d'accord qui se sont d�gag�s des discussions qui
ont abouti � la r�daction de ce texte.
Premi�rement, toutes les d�l�gations ont confirm� leur adh�sion aux
dispositions de la D�claration de Doha sur l�accord sur les ADPIC et la
sant� publique et � la n�cessit� d'en respecter pleinement le contenu.
Deuxi�mement, les d�l�gations ont clairement indiqu� qu�elles consid�rent le
syst�me que nous sommes en train d��tablir aux termes du paragraphe 6 de
ladite D�claration comme �tant con�u essentiellement pour faire face aux
situations d�urgence nationale ou d�autres circonstances d�extr�me urgence.
Troisi�mement, les d�l�gations ont reconnu qu�il faut �viter de r�duire l�
importance de la protection de la propri�t� intellectuelle pour la mise au
point de nouveaux m�dicaments et ont aussi r�affirm� que l�accord sur les
ADPIC n�emp�che pas et ne devrait pas emp�cher les Membres de prendre des
mesures pour prot�ger la sant� publique.

Ayant not� ces points d'accord, je propose l�adoption du projet de d�cision
contenu dans�

Nous enjoignons instamment les Membres de l�OMC de rejeter cette d�claration
pour les raisons suivantes :

1. Le paragraphe 6 n�a jamais �t� con�u pour les seules situations d�urgence
nationale ou autres circonstances d�extr�me urgence, � essentiellement � ou
autrement. L�objectif du paragraphe 6 �tait d�assurer que les pays qui ne
disposent pas de capacit�s de fabrication puissent recourir r�ellement aux
licences obligatoires qui sont l�un des principaux m�canismes de sauvegarde
des ADPIC. Quiconque affirme le contraire r��crit l�histoire des
n�gociations de Doha.

Le texte du 16 d�cembre ne contient aucune restriction quant aux situations
d�urgence, ni pour une forme g�n�rale ni pour une forme r�gionale de zones
de commerce. Le fait que les Membres �taient dispos�s � accepter l�ensemble
du texte du 16 d�cembre � l�exception de la restriction concernant les
maladies couvertes indique qu�ils �taient bel et bien conscients que la
solution au paragraphe 6 ne se limite pas aux situations d�urgence.

Or s�ils admettent que le texte du 16 d�cembre peut s�appliquer � n�importe
quel probl�me de sant� publique, les Membres ne doivent pas chercher par la
suite � faire adopter ce texte tout en voulant limiter l�utilisation de la
solution au paragraphe 6 aux situations d�urgence. Ce serait faire preuve d�
une extr�me mauvaise foi et d�un d�sir de paralyser la solution par tous les
moyens possibles.

2. L�adoption de ce texte mettrait les pays qui n�ont pas la possibilit� de
fabriquer des m�dicaments en situation d�in�galit� flagrante par rapport aux
pays qui disposent de cette capacit�. La D�claration de Doha confirme le
droit des pays d�accorder des licences obligatoires dans son paragraphe 5
(b) :

Chaque Membre a le droit d�accorder des licences obligatoires et la libert�
de d�terminer les motifs pour lesquels de telles licences sont accord�es.

Lorsqu�une licence obligatoire est accord�e, les m�canismes de sauvegarde
pr�vus � l�article 31 des ADPIC doivent �tre respect�es, de mani�re � ce que
les int�r�ts des d�tenteurs de brevets demeurent prot�g�s. Le paragraphe 6
vise � r�gir la r�elle mise en oeuvre de licences obligatoires et non �
d�terminer si de telles licences peuvent �tre accord�es ou non. Or c�est
exactement cet effet qu�aura la d�claration du Pr�sident.

La d�claration qu�envisage de faire le Pr�sident cr�erait un syst�me avec
des Membres de
� deuxi�me classe � qui n�auraient pas les m�mes possibilit�s d�exercer
leurs droits en vertu de l�accord sur les ADPIC et de la D�claration de Doha
que les pays qui ont des capacit�s de production. Il va sans dire que ce
sont les habitants des pays les plus d�favoris�s qui en souffriront de fa�on
disproportionn�e.

De fait, ces deux classes de Membres seront compos�es comme suit :

Les Membres de premi�re classe, qui disposent de capacit�s de fabrication,
pourront utiliser les licences obligatoires pour faire face � tous les
probl�mes de sant� publique qu�ils auront identifi�s.

Les Membres de deuxi�me classe, qui n�ont pas de capacit�s de fabrication,
ne pourront utiliser les licences obligatoires pour faire face � leurs
probl�mes de sant� publique qu�en cas de situation d�urgence nationale ou
dans d�autres circonstances d�extr�me urgence. En th�orie, ils peuvent
accorder une licence obligatoire pour rem�dier � n�importe quel probl�me de
sant� publique, mais en pratique ils ne pourront obtenir les m�dicaments
dont ils ont besoin dans le cadre de cette licence obligatoire qu�en cas de
situation d�urgence.

De plus, en ce qui concerne l�utilisation des licences obligatoires dans le
secteur public, l�accord sur les ADPIC place � l�utilisation publique non
commerciale � (ou � utilisation gouvernementale�) sur un pied d��galit� avec
les situations d�urgence, or le texte du Pr�sident exclurait �galement cette
situation.

Dans le cadre de l�OMC, de l�accord sur les ADPIC, de la D�claration de Doha
et de la solution au paragraphe 6, il n�est pas cens� exister de Membres de
premi�re et de deuxi�me classe. L�adoption de cette d�claration du Pr�sident
aurait pour effet d�annuler compl�tement tous les progr�s r�alis�s � Doha.

3. Le texte envisag� indiquerait que la � solution � au paragraphe 6 ne peut
pas �tre utilis�e aux fins de fabrication et d�achat de produits qui
serviraient � pr�venir une situation d�urgence nationale. De plus, m�me en
cas d�urgence, la solution ne pourrait pas �tre utilis�e � des fins de
pr�paration, mais seulement en cas d�extr�me urgence. Combien de temps
devrait, par exemple, attendre un pays qui voudrait tenter de pr�venir le
d�clenchement d'une �pid�mie par une campagne de vaccination ou un pays qui
souhaiterait s�approvisionner en m�dicaments dont il risque d�avoir besoin �
l�avenir (par exemple, pour traiter le public � la suite d�une possible
menace de contamination par les bacilles du charbon). Il est inacceptable
que certains pays en voie de d�veloppement ne puissent offrir des soins
pharmaceutiques qu�une fois leurs probl�mes de sant� publique devenus
incontr�lables.

4. Le fait de limiter la mise en �uvre de la solution au paragraphe 6 aux
situations d�urgence serait vu par certains Membres comme � preuve � du fait
que les licences obligatoires en g�n�ral ne sont pr�vues que pour faire face
aux situations d�urgence nationale ou autres circonstances d�extr�me
urgence. Il a fallu batailler � maintes reprises sur ce point avant Doha et,
malgr� la formulation limpide du paragraphe 5(b) de la D�claration de Doha,
il faudra reprendre le combat si ce texte est adopt�. L�adoption de ces
remarques aurait pour cons�quence in�vitable de forcer � l�avenir les pays
� r�duire leurs possibilit�s d�accorder des licences obligatoires pour des
raisons de sant� publique dans le cadre des ADPIC.

5. Le troisi�me paragraphe de la d�claration envisag�e par le Pr�sident est
superflu. Les Membres ont � de nombreuses reprises confirm� leur adh�sion �
l�accord sur les ADPIC, y compris dans la D�claration de Doha elle-m�me.
Aucun pays ne s�est jamais propos� de minimiser l�importance de la propri�t�
intellectuelle. Toutefois, les Membres de l�OMC ont reconnu dans la
D�claration de Doha leurs inqui�tudes concernant les effets des brevets sur
les prix des m�dicaments, inqui�tude que le Pr�sident n�a pas choisi de
r�it�rer dans sa d�claration. Souligner l'importance des � brevets � et non
celle des � prix �, c�est r��crire la D�claration de Doha sur les ADPIC et
la sant� publique.

6. Il y a une absence quasi-totale d�innovation dans le domaine des maladies
qui touchent les habitants des pays en voie de d�veloppement. Il est
illusoire de penser que cet �chec du march� sera r�solu via le syst�me de la
propri�t� intellectuelle. Pour financer la recherche et le d�veloppement de
nouveaux m�dicaments contre les maladies n�glig�es, il faudra d�autres
approches mondiales et novatrices. Il n�est donc peut-�tre pas enti�rement
appropri� dans ce contexte de saluer l�importance du syst�me de propri�t�
intellectuelle pour le d�veloppement de nouveaux m�dicaments pour les
populations des pays en voie de d�veloppement.

7. Qu�aucune d�l�gation ne se fasse l�illusion qu�une d�claration du
Pr�sident qui refl�te un accord entre toutes les parties � la n�gociation ne
peut avoir d�effet juridique. Le Pr�sident n�aurait pas pr�par� cette
d�claration si elle n�avait aucun effet juridique et il y a de s�rieuses
raisons de penser qu�elle pourrait effectivement �tre consid�r�e comme ayant
des effets juridiques aux termes de la Convention de Vienne. Par cons�quent,
si le texte du 16 d�cembre devait �tre invoqu� en dehors des situations d�
urgence, le Membre exportateur s�exposerait � un r�glement de litige pour
violation de ses obligations en vertu de l�article 31(f) des ADPIC.

En conclusion, l�adoption de ce texte constituerait un chapitre final
catastrophique � deux ans d�histoire de la D�claration de Doha sur les ADPIC
et la sant� publique.

Si les Membres adoptent ce texte, il ne sera plus possible de soutenir que
l�accord sur les ADPIC peut et devrait �tre interpr�t� et mis en �uvre d�
une mani�re qui appuie le droit des Membres de l�OMC de prot�ger la sant�
publique et, en particulier, de promouvoir l�acc�s de tous aux
m�dicaments. � C��tait l� le principal objectif et tout le succ�s du
processus de Doha, que la d�claration du Pr�sident va d�truire.

Nous proposons par cons�quent que les Membres de l�OMC prennent en
consid�ration cette formulation alternative � la d�claration du Pr�sident :

Les d�l�gations ont clairement indiqu� qu�elles consid�rent le syst�me que
nous sommes en train d��tablir aux termes de cette solution comme �tant
con�u pour promouvoir l�acc�s r�el � des traitements pour faire face aux
probl�mes de sant� publique qui frappent les pays ayant des capacit�s de
fabrication insuffisantes ou n�en disposant pas dans le secteur
pharmaceutique, ainsi que r�clam� au paragraphe 6 de la D�claration de Doha
sur l�accord sur les ADPIC et la sant� publique.

Avec ou sans d�claration d�accompagnement, le texte du Pr�sident Motta du 16
d�cembre est un compromis qui est loin d��tre parfait parce qu�il n�est ni
simple, ni pratique, ni �conomiquement viable. Il ne r�pond pas � ce que l�
on aurait pu et ce que l�on peut encore esp�rer � la suite de la proposition
de l�Organisation Mondiale de la Sant� du 17 septembre 2002. Nous maintenons
notre position selon laquelle il n�est pas trop tard pour rejeter les
propositions et explorer d�autres mani�res de r�aliser ce que visait la
D�claration de Doha : l�acc�s de tous aux m�dicaments.

Veuillez agr�er, Madame, Monsieur, mes sinc�res salutations.

Ellen 't Hoen
Campagne pour l�acc�s aux m�dicaments essentiels de MSF

Pour plus d�informations, veuillez contacter :
Ellen 't Hoen : + 33 6 22375871
Christopher Garrison : + 44 7720470622
christopher_garrison@london.msf.org

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