E-MED: Conf�rence de Cancun: un pas en avant, deux pas en arri�re ?
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Contribution de M�decins Sans Fronti�res
UN PAS EN AVANT, DEUX PAS EN ARRI�RE?
QUESTIONS A ABORDER LORS DE LA 5E CONF�RENCE MINIST�RIELLE DE L�OMC (CANC�N
2003)
En 2001, lors de la Conf�rence minist�rielle de Doha, au Qatar, les Membres
de l�Organisation mondiale du commerce (OMC) ont adopt� une �D�claration sur
l�Accord sur les ADPIC et la sant� publique�. Il s�agit d�un document
novateur qui reconna�t sans �quivoque la primaut� de la sant� publique sur
les int�r�ts commerciaux. La D�claration de Doha confirme certaines des
flexibilit�s cl�s de l�Accord sur les aspects des droits de propri�t�
intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et oblige les pays �
interpr�ter ce trait� d�une mani�re qui prot�ge la sant� publique et
favorise l�acc�s de tous aux m�dicaments. L��l�ment central de la
D�claration est le suivant:
�4. Nous convenons que l�Accord sur les ADPIC n�emp�che pas et ne devrait
pas emp�cher les Membres de prendre des mesures pour prot�ger la sant�
publique. En cons�quence, tout en r�it�rant notre attachement � l�Accord sur
les ADPIC, nous affirmons que ledit accord peut et devrait �tre interpr�t�
et mis en �uvre d�une mani�re qui appuie le droit des Membres de l�OMC de
prot�ger la sant� publique et, en particulier, de promouvoir l�acc�s de tous
aux m�dicaments.�
A la veille de la prochaine Conf�rence minist�rielle de l�OMC, � Canc�n
(Mexique), quel bilan peut-on tirer? Dans le pr�sent document, M�decins Sans
Fronti�res (MSF) r�sume � la fois les principaux �checs et les principaux
progr�s enregistr�s ces deux derni�res ann�es, et pr�sente les questions
cl�s qui devront �tre abord�es � Canc�n.
PROMESSES NON TENUES
Peu de temps apr�s l�adoption de la D�claration de Doha, l��esprit de Doha�,
qui �tait � l�optimisme, s�est �vapor�. Les pays riches � en particulier
ceux abritant le si�ge de grandes soci�t�s pharmaceutiques � n�ont cess� de
mener des tentatives visant � affaiblir la D�claration et � en r�duire la
port�e. Ces attaques concernaient trois domaines principaux:
N�gociations autour du Paragraphe 6: lors des d�bats qui ont eu lieu au
Conseil des ADPIC sur le Paragraphe 6, les Etats-Unis, l�Union europ�enne,
le Canada, la Suisse et le Japon ont n�goci� farouchement pour restreindre l
�acc�s des pays en d�veloppement aux m�dicaments g�n�riques. Le Paragraphe 6
de la D�claration de Doha avait donn� pour instruction au Conseil des ADPIC
de trouver une � solution rapide �, de telle sorte que les pays ne disposant
pas de capacit�s de production dans le secteur pharmaceutique puissent
recourir � des licences obligatoires afin d�importer des g�n�riques si
n�cessaire. Toutefois, de tr�s nombreuses tentatives ont �t� men�es pour
compliquer inutilement la proc�dure et/ou pour limiter la port�e de la
solution � une liste restreinte de maladies, � des pays importateurs
express�ment d�sign�s ou � des situations d�urgence. De telles propositions
semblent avoir �t� faites de mauvaise foi. Ainsi, la liste propos�e de
maladies �agr��es� ne reposait sur aucune donn�e objective de sant�
publique: pour la quasi-totalit� des maladies �num�r�es, il n�existait pas
de traitement m�dicamenteux, ou alors le traitement existant n��tait d�j�
plus prot�g� par un brevet � autrement dit, il s�agissait de maladies pour
lesquelles il n�y avait pas lieu de d�livrer des licences obligatoires (1).
La proposition qui a bien failli �tre adopt�e (sous de fortes pressions
li�es au calendrier), appel�e � texte du 16 d�cembre � ou � texte Motta �,
�tait tr�s imparfaite elle aussi. Si imparfaite m�me, qu�elle aurait rendu
la production des g�n�riques quasi irr�alisable �conomiquement au-del� de
2005, quand les principaux pays producteurs devront mettre en �uvre
int�gralement l�Accord sur les ADPIC. Au bout du compte, les possibilit�s d�
avoir acc�s � des versions financi�rement abordables de nouveaux m�dicaments
auraient �t� r�duites comme peau de chagrin, les pays en d�veloppement n�
ayant plus que tr�s peu de possibilit�s de contourner les prix �lev�s et les
monopoles de longue dur�e des grands laboratoires. Les prix r�duits des
antir�troviraux (ARV) originaux, propos�s par les grandes firmes
pharmaceutiques aux pays en d�veloppement, bien plus �lev�s que ceux des
g�n�riques �quivalents, donnent une id�e du niveau que le prix des
m�dicaments pourrait atteindre dans un syst�me post-Motta.
N�gociations bilat�rales et r�gionales sur le commerce: les Etats-Unis
cherchent � conclure un certain nombre d�accords commerciaux r�gionaux ou
bilat�raux qui, de fait, affaiblissent voire annulent compl�tement la
D�claration de Doha. Des n�gociations visant � renforcer la protection par
les brevets sont en cours dans des r�gions o� le fardeau de la maladie est
lourd, notamment dans les pays de la Southern African Customs Union et en
Am�rique centrale (2). L�exemple le plus frappant est probablement celui du
Free Trade Area of the Americas (FTAA) Agreement, qui englobe 34 pays de l�
h�misph�re occidental et concerne 800 millions de personnes. Parmi les
mesures propos�es, on trouve : la limitation des circonstances dans
lesquelles des licences obligatoires sur les produits pharmaceutiques
peuvent �tre d�livr�es, l�allongement de la dur�e des brevets au-del� des 20
ans pr�vus par l�Accord sur les ADPIC, l�interdiction d�exporter des
m�dicaments produits sous licence obligatoire, et des droits exclusifs sur
les donn�es des essais pharmaceutiques qui retarderaient l�introduction de
g�n�riques m�me en l�absence de brevets. Le FTAA � voulu comme un mod�le
pour d�autres accords � court-circuiterait � la fois l�Accord sur les ADPIC
et la D�claration de Doha, et fermerait d�finitivement la porte aux
flexibilit�s cl�s con�ues pour prot�ger la sant� publique.
Assistance technique: certains pays riches fournissent une assistance
technique inappropri�e et dangereuse � des pays en d�veloppement. Tout en
d�clarant publiquement leur soutien � la D�claration de Doha, ces pays
riches s�emploient � saper cette m�me D�claration par des programmes d�aide
bilat�rale conduisant des pays en d�veloppement � mettre en �uvre des
politiques pr�judiciables � leur sant� publique et ne leur apportant que peu
d�avantages, si ce n�est aucun. Par exemple, l�agence am�ricaine du
d�veloppement international (US Agency for International Development, USAID)
a fourni un financement au D�partement am�ricain du commerce en vue de
prodiguer une assistance technique au Nigeria pour la r�vision de sa
l�gislation sur les brevets. Le projet de nouvelle l�gislation est beaucoup
plus strict que l�Accord sur les ADPIC et comporte des mesures telles que la
criminalisation du non-respect des brevets, qui sont de nature � dissuader
les Nig�rians de chercher � avoir acc�s � des m�dicaments g�n�riques
financi�rement abordables (3). De plus, l�Organisation mondiale de la
propri�t� intellectuelle (OMPI), charg�e de fournir aux pays du monde entier
une assistance technique sur les questions li�es � la propri�t�
intellectuelle, a �t� tr�s lente � prendre en compte la D�claration de Doha
dans ses activit�s (4).
APPLIQUER DOHA
En d�pit des multiples tentatives men�es pour affaiblir la D�claration de
Doha, certains pays se sont efforc�s, ces deux derni�res ann�es, de tirer
parti des flexibilit�s offertes par celle-ci. Ainsi, la nouvelle l�gislation
cambodgienne sur les brevets exclut les produits pharmaceutiques de la
protection par les brevets jusqu�en 2016, cela en vertu pr�cis�ment de la
D�claration de Doha (5). En outre, le Cameroun a pu acc�der � des ARV au
meilleur prix sur le march� international, son Minist�re de la sant� ayant
autoris� l�importation de versions g�n�riques de m�dicaments brevet�s � un
moment o� ils �taient disponibles � des prix inf�rieurs � ceux des produits
d�origine. En cons�quence l�agence nationale camerounaise d�
approvisionnement paie environ 277 dollars US par an sa combinaison
th�rapeutique de premi�re ligne � l�un des prix les plus bas sur le march�
mondial. De m�me, au Malawi, il est possible d�acheter une combinaison d�ARV
g�n�riques de premi�re ligne pour quelque 288 dollars US. Le Malawi, faisant
partie des Pays les Moins Avanc�s, est dispens� jusqu�en 2016 d�appliquer
les brevets pharmaceutiques. De leur c�t�, les autorit�s k�nyanes ont permis
� des organisations � but non lucratif d�importer au cas par cas des
versions g�n�riques d�ARV brevet�s, ce que permet la l�gislation du pays.
Finalement, � l�issue d�une n�gociation conjointe, dix pays d�Am�rique
latine (6) ont pu faire baisser le prix des tri-th�rapies d�un montant
compris entre 1000 et 5000 dollars US � un montant compris entre 350 et 690
dollars US, en fixant un prix de r�f�rence maximal que seuls les producteurs
de g�n�riques (et les laboratoires Abbott) ont accept� de respecter. Bien
que certains m�dicaments soient prot�g�s par des brevets dans certains de
ces pays, les gouvernements n�ont pas voulu que cet obstacle l�gal emp�che
la conclusion des n�gociations, ce qui leur permet de r�aliser une �conomie
estim�e globalement � 120 millions de dollars US par an. (La plupart des
exemples ci-dessus concernent les m�dicaments antisida, mais la D�claration
de Doha s�applique � tous les probl�mes de sant� publique et peut
certainement �tre invoqu�e pour favoriser l�acc�s � des m�dicaments
abordables pour d�autres maladies.)
En trouvant les moyens de surmonter les obstacles que constituent les
brevets, le Cambodge, le Cameroun, le Malawi, le Kenya et les pays d�
Am�rique latine agissent en conformit� avec le principe cl� de la
D�claration de Doha, selon lequel l�Accord sur les ADPIC doit �tre
�interpr�t� et mis en �uvre d�une mani�re qui appuie le droit des Membres de
l�OMC de prot�ger la sant� publique.�
Afin de prot�ger la sant� publique � Canc�n, MSF demande aux Membres de l�
OMC de:
METTRE EN �UVRE DOHA
� Les pays en d�veloppement doivent mettre en �uvre la D�claration de Doha
et saisir les occasions qu�elle offre. La marge de man�uvre politique existe
d�sormais pour que les brevets ne soient jamais un obstacle � l�acquisition
ou � la production de version g�n�riques de m�dicaments.
� Les pays les moins avanc�s ne doivent ni respecter les brevets existants,
ni d�livrer de nouveaux brevets sur les produits pharmaceutiques avant au
moins 2016. Ces pays disposent de la flexibilit� maximale pour ne pas tenir
compte des r�gles relatives aux brevets et � la protection des donn�es, et
sont encourag�s � agir dans ce sens en vue de prot�ger la sant� publique.
� Les Membres qualifi�s de l�OMC et les organisations internationales
doivent fournir aux Pays en D�veloppement une assistance technique
��quilibr�e, transparente et impartiale� pour la mise en �uvre de la
D�claration de Doha, comme l�a affirm� r�cemment l�Union europ�enne. Pour
pouvoir faire face � leurs probl�mes urgents de sant� publique, de nombreux
pays en d�veloppement d�pendent d�une mise en �uvre aussi efficace que
possible de la D�claration de Doha (7).
SOUTENIR DOHA
� MSF appelle les Membres � rejeter le �texte Motta� et toute autre solution
par trop restrictive au Paragraphe 6. La solution doit �tre simple,
�conomiquement viable et exempte de conditions trop lourdes. Elle ne doit
pas �tre limit�e � un certain nombre de maladies, produits ou pays, puisque
la D�claration sp�cifie que l�Accord sur les ADPIC doit �tre interpr�t� d�
une mani�re qui promeuve l�acc�s de tous � et non de quelques-uns
seulement � aux m�dicaments. D�s lors, MSF exhorte l�OMC � autoriser la
production pour l�exportation de nouveaux m�dicaments essentiels, sur la
base d�une exception limit�e. Tous les Membres doivent prendre le temps de
n�gocier une solution viable, plut�t que de succomber � la pression d�
�ch�ances artificielles. Les sp�cialistes de la sant� doivent �tre impliqu�s
dans le processus, leur contribution �tant cruciale dans des n�gociations
sur le commerce dont les implications sont aussi lourdes pour la sant�.
� MSF appelle les Membres � rejeter toute clause �ADPIC plus� et � faire de
la D�claration de Doha l�exigence maximale en mati�re de protection de la
propri�t� intellectuelle pour tous les accords commerciaux bilat�raux et
r�gionaux. En particulier, MSF demande que les clauses relatives � la
propri�t� intellectuelle soient supprim�es du FTAA.
Plus largement, MSF s�inqui�te de l�impact de l�Accord ADPIC sur l�acc�s
aux m�dicaments et pr�conise que l�OMC commence � aborder cette question �
Canc�n. En particulier:
� Comment assurer la production de versions financi�rement abordables de
nouveaux m�dicaments apr�s 2005, une fois que l�Accord sur les ADPIC sera
pleinement mis en application?
� Comment g�n�rer une Recherche & D�veloppement r�pondant aux besoins de
sant� des populations pauvres? La r�alit� indique que, contrairement � ce
qui avait �t� promis, l�Accord sur les ADPIC ne stimule et ne stimulera pas
la R&D sur les maladies qui touchent essentiellement les pays en
d�veloppement. A moins qu�une solution de substitution ne soit trouv�e,
cette grave lacune remet en question la l�gitimit� m�me du trait�.
Pour de plus amples informations, veuillez prendre contact avec:
www.accessmed-msf.org