[e-med] Barrages africains et catastrophes sanitaires

E-MED: Barrages africains et catastrophes sanitaires
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Les barrages africains peuvent engendrer des catastrophes sanitaires

Le d�veloppement de l'irrigation dans les pays pauvres ne s'accompagne pas
suffisamment d'�tudes d'impact pr�alables sur les populations locales. D'o�
la prolif�ration de maladies graves favoris�es par la mise en eau permanente
des terres agricoles.

OUAGADOUGOU (Burkina Faso),
le Monde du 21 d�cembre 2000

La cr�ation de 1 200 hectares de rizi�res dans la plaine de Loumana, en
1957-1958, a suscit� une flamb�e d'onchocercose (c�cit� des rivi�res) qui a
ruin� l'am�nagement de cette r�gion du Burkina Faso. Pas moins de 15 % des
femmes et de 20 % des hommes adultes sont devenus aveugles en cinq ans.
Entre les casiers rizicoles, de petites chutes d'eau fournissaient des
conditions propices � l'installation permanente de larves de simulies, alors
qu'auparavant les seuls g�tes larvaires naturels �taient saisonniers.

Lors du colloque international � Eau et sant� - Impacts sanitaires et
nutritionnels des hydro-am�nagements en Afrique � qui s'est tenu �
Ouagadougou, au Burkina Faso, du 21 au 24 novembre 2000, Andr� Prost
(OMS-Gen�ve) a �num�r� les principales catastrophes sanitaires qui ont
jalonn� la r�alisation des barrages africains. A commencer par le premier
barrage d'Assouan, construit par les Britanniques en 1902. La mise en eau
progressive de l'installation a favoris� l'expansion de la bilharziose chez
les riverains, la faisant passer d'un taux de 10 % en 1934 � 75 % en 1937.
Une �pid�mie de paludisme, la plus grave jamais observ�e dans le monde sans
doute, y fit �galement 130 000 morts en 1942-1943. En 1968, au Ghana, 90 %
des enfants de 10 � 14 ans habitant pr�s des rives du barrage d'Akosombo ont
�t� atteints par la bilharziose en quelques mois � la suite de la cr�ation
de la retenue d'eau. Actuellement, les effets les plus n�fastes sont dus au
barrage anti-sel de Diama, entre S�n�gal et Mauritanie, qui a provoqu� une
importante �pid�mie de bilharziose intestinale.

Pour analyser les causes de telles catastrophes sanitaires, de nombreuses
�quipes de chercheurs ont �tudi� les diff�rents facteurs qui facilitent
l'irruption de maladies dans des zones peu touch�es avant l'�dification de
barrages. Pascal Handschumacher (Institut fran�ais de recherche pour le
d�veloppement, IRD-France) et deux de ses coll�gues du S�n�gal et de C�te
d'Ivoire se sont pench�s sur une �pid�mie de bilharziose intestinale apparue
en 1988 au S�n�gal. La maladie s'�tait alors d�velopp�e dans la ville de
Richard-Toll, situ�e en plein coeur du Sahel, un secteur tr�s �loign� de son
aire end�mique. L'exploitation de la canne � sucre sur 6 000 hectares de
terres irrigu�es et l'installation d'une usine de transformation avaient
drain� une tr�s importante main-d'oeuvre vers cette r�gion. Mais l'absence
d'un r�seau d'eau potable et des maladies.

La plupart des travaux indiquent que de tels probl�mes pourraient �tre
limit�s, voire �limin�s, si une �tude d'impact sanitaire et social �tait
r�alis�e avant la construction d'un nouvel ouvrage hydraulique. La
consultation de toutes les parties concern�es et, en particulier, des femmes
dont le r�le est essentiel dans la vie locale, conduirait �
l'�tablissement d'un projet global int�gr� o� l'on �viterait d'opposer les
diff�rents techniciens entre eux ou encore les techniciens avec les
d�cideurs �, plaide Blaide Sondo, chercheur au CNRST.

LUEUR D'ESPOIR

Si les risques sanitaires li�s � l'eau sont en g�n�ral connus, les
am�nageurs eux-m�mes les consid�rent encore trop souvent comme secondaires.
Bien souvent, � personne ne prend en compte les cons�quences d'une retenue
d'eau sur la sant� car nous manquons d'une culture de la sant� publique �,
pr�cise Matthias Som�, du minist�re de la sant� � Ouagadougou. Le docteur
Jean-Philippe Chippaux, de l'IRD-S�n�gal, exprime sa frustration � ce sujet
: � Nous disposons � la fois des moyens et des strat�gies pour lutter contre
le paludisme, la bilharziose et l'onchocercose. Mais sur le terrain, les
populations ne suivent pas les proc�dures et la continuit� administrative
fait d�faut. �

Face � ce constat n�gatif, le colloque de Ouagadougou laisse n�anmoins
percer une lueur d'espoir. Des techniques limitant la diffusion d'une
maladie existent. Les Chinois contr�lent la bilharziose dans les canaux
d'irrigation en creusant deux canaux parall�les mis en eau alternativement.
La succession des ass�chements emp�che le d�veloppement des mollusques.
D'autres �tudes indiquent que les r�percussions sanitaires de la mise en
eau d'un barrage ne sont pas toutes dramatiques et varient fortement d'une
r�gion � l'autre. Les ouvrages hydrauliques de C�te d'Ivoire (Soubre,
Kossou) n'ont pas entra�n� de catastrophe, ni ceux d'Afrique centrale. En
Chine, les barrages ont r�gularis� les cours d'eau, �vit� les inondations et
contribu� � la r�gression du paludisme.

Dans l'�tat actuel des choses, la suppression de l'irrigation n'est pas
envisageable en Afrique, car � l'objectif de l'autosuffisance alimentaire
n'est pas encore atteint �, a rappel� Mo�se Sonou, responsable de la mise en
valeur des eaux au bureau r�gional pour l'Afrique de la FAO. � Un hectare
irrigu� produit deux � trois fois plus qu'un hectare non irrigu� �, a-t-il
pr�cis�. Actuellement, le rendement moyen des zones irrigu�es en Afrique est
de 4 � 5 tonnes � l'hectare, et celui de la riziculture pluviale sans
irrigation de 1 tonne � l'hectare.

Au sud du Sahara, seulement 3 % des terres cultiv�es sont irrigu�es.
D'ici 2025, la pression d�mographique rendra le probl�me de l'eau encore
plus crucial. Une dizaine de pays se retrouveront en �tat de stress
hydrique, avec moins de 1 000 m�tres cubes d'eau par t�te d'habitant �,
ajoute le sp�cialiste. Il faudra alors trouver d'autres strat�gies que la
simple construction de barrages, en am�liorant la � productivit� de chaque
goutte d'eau � gr�ce � des techniques d'�conomie de l'eau ou de collecte
plus efficace de l'eau de pluie.

  Christiane Galus

[Informations compl�mentaires disponibles sur le site de l'IRD
http://www.ird.fr/fr/inst/actualites/dossiers/eau-sante.shtml
Post� par CB]

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