Sante: qui veut liquider la CAMEG ?
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Le Pays (Ouagadougou)
26 Mai 2005
Publié sur le web le 26 Mai 2005
Le développement et la bonne santé économique d'un pays reposent sur la
santé de ses populations, qu'elles soient riches ou pauvres.
Et comme on aime à le dire " la santé n'a pas de prix", c'est l'affaire de
tous. Conscient de la situation, l'Etat burkinabè a vite fait de trouver une
solution aux problèmes liés au domaine, dans les villes et campagnes: les
médicaments essentiels génériques (MEG); des produits " aussi efficaces que
les spécialités" et dont les prix sont le plus social possible. C'est la
Centrale d'achat des médicaments essentiels génériques et des consommables
médicaux (CAMEG) qui a eu pour mission la ventilation de ces produits à
travers tout le territoire national; et ce, depuis 1994. Après plusieurs
années passées à asseoir la notoriété de ces produits devant la réticence
des populations (scepticisme lié au prix bas des médicaments essentiels
génériques), cette entité de droit privé a donné des résultats probants sur
le terrain. Selon des chiffres provenant du ministère de la Santé, la valeur
totale des importations de médicaments essentiels génériques (MEG) s'élevait
à 3,363 milliards de F CFA en 1997, la valeur totale de leur vente était
estimée, quant à elle, à 5 milliards de F CFA en 1999. Pourrait s'ajouter à
cela, le bond qualitatif au niveau du chiffre d'affaires de la CAMEG. De 2,4
milliards de F CFA en 1997, ce chiffre est passé en 1998, à 3,7 milliards de
F CFA.
L'eau s'est avérée poissonneuse. Et cela ne peut que faire aujourd'hui
l'affaire des "gros caïmans" friands et cupides.
Ces "gros caïmans" de la place, tenus en laisse par des multinationales ou
autres firmes pharmaceutiques internationales, s'attellent aujourd'hui à
déposséder la Centrale de son "quasi-monopole" (95% du marché du générique
au Burkina Faso). Certains envisagent même le démantèlement pur et simple de
cette institution pourtant véritable moyen de lutte contre la pauvreté. Il y
a donc péril en la demeure...
Nous sommes dans un monde en perpétuelle évolution, où le libéralisme occupe
de plus en plus du terrain. Cela justifie les privatisations par-ci et les
libéralisations par-là. Mais l'Etat burkinabè se doit de garder un oeil sur
ce domaine très sensible. Permettre à des aventuriers de tout acabit de se
lancer dans l'importation et la vente, sur le territoire national, des MEG,
représente une menace sérieuse pour les populations à majorité pauvres. Ce
sont plus de 40% de Burkinabè qui pataugent dans la pauvreté absolue et qui
ont profité de cette manne qu'est la CAMEG. Plus on est pauvre, plus on est
exposé aux maladies. Le démantèlement de cette institution n'aura pas
seulement pour conséquence l'envoi au chômage de centaines de personnes. Il
serait aussi synonyme d'anarchie dans la commercialisation des médicaments
essentiels génériques. L'Etat et les associations de consommateurs
présentent de nombreuses insuffisances en ce qui concerne les produits
alimentaires périmés ou de mauvaise qualité qui font leur entrée sur le
territoire. Combien de fois ont-ils été interpellés pour la présence de
produits non conformes aux normes sur le marché ? Quelles actions ont été
menées sur le terrain pour mettre fin à de telles pratiques ?
L'Etat et les associations de consommateurs sauront-ils contrôler la filière
des médicaments génériques, en cas de libéralisation de celle-ci ?
La concurrence , dans la pratique, est une bonne chose. Elle permet une
meilleure desserte des consommateurs. Elle permet également une meilleure
organisation des filières dans lesquelles elle a su s'imposer. Elle entraîne
enfin, une baisse des prix des produits. Mais dans le cas d'espèce, laisser
installer la concurrence dans la filière du générique, ne serait-ce pas
ouvrir les portes aux produits génériques déclassés, émanant des grandes
firmes occidentales ? Ou mieux, ne serait-ce pas exposer ces populations qui
côtoient pauvreté et maladies à des risques d'empoisonnement ?
La maîtrise de la gestion des médicaments essentiels génériques constitue un
des maillons essentiels pour la réussite des programmes de santé dans notre
pays. Des prix sociaux ont été arrêtés par le gouvernement; et des
directives sont prises pour s'assurer de la bonne qualité des produits avant
leur mise sur le marché. Le libéralisme sauvage en matière de concurrence
dans le domaine des MEG s'annonce comme une véritable menace sanitaire pour
les populations.
Le démantèlement d'une institution comme la CAMEG, dans un pays comme le
nôtre (les associations de consommateurs sont atones et aphones), est une
idée plus que suicidaire. Elle est même démentielle. Le domaine de la santé
ne doit pas se prêter à une privatisation tous azimuts. La santé est une
affaire bien trop sérieuse pour être laissée aux mains de gens qui ne sont
sensibles qu'aux profits.