[e-med] Cameroun: Vih/Sida - Crise d'Arv chez les séropositifs

Cameroun: Vih/Sida - Crise d'Arv chez les séropositifs
Monique NGO Mayag
5 Août 2009

http://fr.allafrica.com/stories/200908050245.html

Un vent de panique les secoue suite à l'échéance de l'arrêt du financement
du Fonds mondial en octobre prochain.

Depuis le 18 juillet dernier, une rumeur se répand au sein de la population
touchée par le Vih Sida. "Les anti-rétroviraux seront bientôt payants",
entend-on ici et là. Cette psychose est entretenue par quelques médias, qui
affirment mordicus que le mois d'octobre 2009 sonne le glas de la gratuité
des soins réservés aux personnes vivant avec le Vih sida (Pvvih). "Sur une
station radio de Douala, un humoriste déclarait avec ironie que d'ici cette
échéance, les malades atteints du Vih Sida devaient s'attendre à la mort",
confie l'un des membres de "Sunaids", une association des Pvvih active dans
la métropole économique. Une source médicale confie que dans la foulée,
certains patients séropositifs ont arrêté leur traitement, notamment à
l'hôpital général de Douala.

Un vent de panique qui fait suite à un atelier du partenariat secteurs privé
et public, organisé le mois dernier à l'hôtel Sawa de Douala par le ministre
de la Santé publique André Mama Fouda. Cette réunion de travail tenue du 16
au 18 juillet 2009 avait pour but de renforcer ledit partenariat dans la
prise en charge des Pvvih. Mais au cours de cette réunion, il a surtout été
question de la nouvelle de l'arrêt du financement des Arv par le Fonds
mondial de lutte contre le Sida (Fm Unitaids) au profit du Cameroun d'ici
octobre 2009. D'après les explications du Dr Noël Essomba, coordonnateur du
groupe technique du Littoral (organe qui régule la lutte contre le Vih Sida
dans une région, Ndlr), "le Cameroun bénéficiait du financement du Fonds
mondial de lutte contre le Sida et de la fondation Clinton pour garantir la
gratuité des Arv. L'appui de ces organismes internationaux a une durée
limitée dans un pays donné, afin d'en faire bénéficier d'autres Etats
pauvres. Il s'avère que l'aide octroyée au Cameroun prend fin en octobre
2009. Notre gouvernement a souscrit à un autre financement du Fm Unitaids,
appelé Round 8, qui commençait en début d'année 2009". Mais le dossier du
Cameroun n'a pas été retenu pour le Round 8, révèle cependant Dr Essomba.

Urgence

L'Etat camerounais a ensuite soumissionné pour le Round 9 du Fm Unitaids,
qui débute en juin 2011 et attend que sa "candidature" soit acceptée. Mais
en attendant de connaître son sort, le Cameroun doit lui-même assurer la
gratuité des Arv sur une période de 18 mois au moins, soit d'octobre 2009 à
mai 2011. C'est donc ce passage à vide qui apparaît, à l'observation, comme
un casse tête chinois pour l'Etat. "D'ou l'urgence de redynamiser le
partenariat entre le secteur public et les opérateurs économiques privés",
renseigne le coordonnateur du Gtp pour le Littoral, qui se veut néanmoins
rassurant. Pourtant, l'addition de la gratuité des Arv est salée avec
6,5milliards Fcfa par an, d'après les données 2008 du Comité national de
lutte contre le Sida (Cnls).

Le Fm Unitaids alloue en effet, plus de 3,2 milliards Fcfa auquel le
Cameroun ajoute plus de 2,8 milliards Fcfa chaque année. Pour gérer cette
"période de vaches maigres" et éviter la rupture du stock d'Arv, le Cameroun
devra manifestement compter sur des partenaires privés. C'est visiblement la
combinaison de tous ces ingrédients qui a créée la psychose, aussi bien au
sein du corps soignant que chez des patients séropositifs. La soeur Thérèse
Emmanuel Awanda de la congrégation des Soeurs servantes de Marie de Douala a
fait la rencontre des générations de Pvvih en collaborant avec une Ong. La
religieuse confie que depuis l'annonce de l'arrêt de la subvention
extérieure des Arv, elle reçoit plus que d'habitude des malades atteints de
Vih Sida.

L'appréhension de ses protégés a visiblement eu raison du calme de soeur
Thérèse Emmanuelle. La religieuse craint le pire. "Les Pvvih sont en grande
partie issues des couches défavorisées, pour qui l'achat d'un carnet
d'hôpital s'apparente à un gros investissement. A plus forte raison le
payement de la trithérapie ", lance la sexagénaire, apparemment dépitée.
L'air grave, elle poursuit que l'état psychologique dans lequel se trouvent
actuellement certains sujets séropositifs peut considérablement baisser leur
taux de lymphocytes Cd4 et augmenter ainsi le risque d'infection
opportunistes. "Pourtant, le traitement doit être strictement observé étant
donné qu'une mauvaise observance thérapeutique est responsable de
l'apparition des mutations du virus. Un suivi régulier du traitement permet
par ailleurs de faire disparaître la charge virale et de diminuer la
sévérité des symptômes", soutient la religieuse.

Si les pessimistes ont raison de l'administration, le taux de séroprévalence
a donc de fortes chances d'augmenter au Cameroun ainsi que la mortalité chez
les Pvvih. Mais pour Jean Marie Bikotti, manager du Centre
d'approvisionnement en médicaments essentiels pour le Littoral (Cap), il n'y
a pas lieu d'envisager le pire, pour l'instant. Dr Bikotti rassure en effet
qu'il n'y a pas de rupture de stock d'Arv à sa connaissance. "Nous recevons
les médicaments au rythme habituel. Même d'ici octobre prochain, il n'y a
pas lieu de s'inquiéter sur l'offre en Arv", assure-t-il avec sérénité.
D'après le manager du Cap, la région du Littoral a de quoi approvisionner
ses unités de prise en charge des malades (Upec). Une sérénité que les Pvvih
espèrent voir perdurer au-delà de l'échéance fatidique d'octobre prochain.