[e-med] Communique de Presse: Une demande de licences non volontaires au Cameroun

Essential Inventions
Communique de presse

La Societe Essential Inventions depose une demande de licences non
volontaires pour les medicaments utilises dans le traitement du SIDA au
Cameroun. Essential Inventions cherche a obtenir, en conformite avec l'
accord sur les ADPIC, les premieres licences obligatoires en vertu de
l'Accord Revise de Bangui.

Le 19 janvier 2005

Contact: Terry Gardiner, terry.gardiner@essentialinventions.org
Du 19 au 21 janvier +41.76.413.6584, apres le 21 janvier,
+1.206.310.6707
Joy Spencer, +1.202.387.8030, joy.spencer@cptech.org
James Love, +1.202.387.8030, james.love@cptech.org
Jean Marie TALOM, Mobile: +237.995.96.13, redscm@yahoo.fr
http://www.essentialinventions.org/docs/cameroon/

<-------------------Communique en francais---------------->

Le 19 janvier 2005 a Washington, DC, Etats-Unis.
La Societe Essential Inventions, Inc, societe pharmaceutique a but non
lucratif, annonce qu'elle vient de demander au gouvernement camerounais
d'autoriser l'octroi de licences obligatoires pour les medicaments
contre le SIDA. Le Cameroun, membre de l'Organisation Mondiale du
Commerce (OMC), est en effet tenu d'accorder des brevets sur les
medicaments en vertu de l'Accord sur les Aspects des Droits de
Propriete Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC).

Si la demande d'Essential Inventions est approuvee, le Cameroun serait
le premier pays d'Afrique de l'Ouest a octroyer des licences
obligatoires pour les medicaments contre le SIDA, et cela en conformite
a l'Accord sur les ADPIC, ce qui etablira un precedent important pour
la region.

La societe Essential Inventions a depose une demande de licences
obligatoires aupres de l'Honorable Urbain Olanguena Awono, Ministre de
la Sante Publique de la Republique du Cameroun. Cette demande concerne
des licences non volontaires "ouvertes" non exclusives portant sur
l'ensemble des brevets concernant la nevirapine, la lamivudine, et la
combinaison a dose determinee de lamivudine et zidovudine, medicaments
utilises dans le traitement contre le VIH/SIDA, afin de permettre
l'importation, la fabrication ou la vente de versions generiques. Si la
demande est approuvee, les licences seront utilisables pour toute
organisation ou societe dont l'objectif est de fournir ces medicaments
contre le SIDA aux patients vivant au Cameroun.

La societe Essential Inventions a depose sa demande en vertu des regles
de "l'Accord de Bangui", qui est la loi de propriete intellectuelle
pour les 16 pays membres de l'Organisation Africaine de la Propriete
Intellectuelle (OAPI). Le siege de L'OAPI est situe a Yaounde au
Cameroun. Les 16 pays membres, le Benin, le Burkina Faso, le Cameroun,
la Centrafrique, le Congo, la Cote d'Ivoire, le Gabon, la Guinee, la
Guinee-Bissau, la Guinee-equatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger,
le Senegal, le Tchad, et le Togo, regroupe une population de plus de
100 millions d'habitants.

L'Accord de Bangui a ete revise en 1999 afin d'etre conforme a l'Accord
sur les ADPIC de l'OMC. L'Accord Revise de Bangui a ete critique par
les associations de sante publique notamment pour son usage limite des
flexibilites prevues par l'Accord ADPIC en matiere de licences
obligatoires.

La population du Cameroun est evaluee a 15,5 millions de personnes. En
2002, le revenu moyen par habitant du Cameroun etait, selon la Banque
Mondiale, de 584 dollars par an. On compte actuellement environ 9000
personnes beneficiant de traitement anti-retroviral hautement actif
(HAART) contre le SIDA au Cameroun, soit environ 1 pour cent des 920
000 personnes qu'on estime infectees par le VIH dans le pays.
L'objectif pour les associations de sante publique est de multiplier
par 10 le nombre de personnes ayant acces au traitement HAART.

Dans la demande de licence obligatoire adressee au gouvernement
Camerounais, Terry Gardiner, le PDG de la societe Essential Inventions,
note que "pratiquement tous les bailleurs de fonds engages a financer
les traitements contre le SIDA ont indique qu'ils soutiendraient
l'achat de versions generiques de medicaments, si le recours a ces
produits est conforme aux regles internationales de protection de la
propriete intellectuelle, ce qui inclue l'utilisation de licences
obligatoires sur les brevets". Gardiner explique que la demande de la
societe Essential Inventions a pour objectif d'etablir des politiques
transparentes et durables permettant de garantir aux patients pauvres
l'acces a des versions generiques de medicaments bon marche. "En
autorisant la demande de licences obligatoires pour les medicaments
contre le SIDA, le gouvernement s'assurera qu'il peut beneficier du
plus grand nombre de fournisseurs de medicaments, tout en sollicitant
les financements du plus grand nombre de bailleurs de fonds. En
revanche, s'il refusait il risquerait de limiter le nombre de
fournisseurs et de mettre en peril le financement des traitements de
certains bailleurs" a declare Gardiner.

Commentant la demande, James Love, le Directeur de CPTech et le
President de la societe Essential Inventions, a declare : "Il s'agit
pour le Cameroun d'ouvrir la voie pour les pays de l'Afrique de l'Ouest
et de demontrer que ces pays sont en mesure de mettre en application
les flexibilites prevues dans l'Accord sur les ADPIC pour proteger les
pauvres. "Nous sommes convaincus" a-t-il declare "qu'il s'agit ici d'un
pas important vers la mise en œuvre d'une politique a long terme pour
l'acces aux medicaments essentiels. Cela reduira le risque que les
bailleurs de fonds rejettent les generiques bon marche. Tous les
bailleurs de fonds ont indique qu'ils soutiendraient les achats de
medicaments generiques contre le SIDA si les pays respectent les termes
des accords commerciaux. Plusieurs pays achetent de petites quantites
de medicaments generiques sans autorisation de licences obligatoires.
Alors que les organisations et les associations impliquees dans le
developpement de l'acces aux medicaments dans les pays pauvres font
tout pour que les efforts financiers internationaux soient accrus, il
est indispensable d'exploiter l'instrument juridique que sont les
licences obligatoires afin de passer outre les problemes que posent les
brevets. Les clauses concernant les licences obligatoires sont les
flexibilites les plus importantes de l'Accord sur les ADPIC et l'Accord
de Bangui. Deux pays d'Asie et quatre pays d'Afrique Australe ont
recemment octroye des licences obligatoires pour les medicaments contre
le SIDA. Selon nos informations, aucun pays d'Afrique de l'Ouest,
utilisant les termes de l'Accord de Bangui de l'OAPI de 1999, ne l'a
fait jusqu'a present. La demande est, pour le gouvernement camerounais
et l'OAPI, une occasion de demontrer que l'Accord de Bangui peut etre
mis en application de facon a proteger les pauvres tout en adressant
les inquietudes des bailleurs de fonds."

Robert Weissman, le Conseiller Juridique de la societe Essential
Inventions explique : "Le nombre de pays autorisant des licences
obligatoires, de la Zambie a l'Indonesie, en passant par le Mozambique
et la Malaisie s'accroît rapidement. Ces pays montrent qu'il est
politiquement, legalement et economiquement possible et simple
d'utiliser les flexibilites les plus importantes de l'Accord sur les
ADPIC a savoir les licences obligatoires. En se joignant a ce nombre
croissant de pays autorisant des licences obligatoires, le Cameroun
fera un pas decisif vers la mise en place de solutions permettant de
repondre aux graves problemes de sante lies a l'epidemie de VIH/SIDA."

Monsieur Jean Marie Talom, le contact camerounais pour la societe
Essential Inventions, est un juriste qui travaille a Yaounde avec le
REDS (Reseau Droit Ethique et VIH), une association de defense des
personnes atteintes par le SIDA. Monsieur Talom explique : « Le
gouvernement camerounais a reduit le prix de certains medicaments et
produits utilises pour le diagnostic en les achetant en versions
generiques grâce aux financements du Fonds mondial contre le sida, la
tuberculose et la malaria. Mais, je tiens a souligner que cette
reduction des prix n'affecte que certains traitements de premieres
lignes contre le SIDA alors que les prix demeurent tres eleves pour
d'autres traitements contre le sida ou contre d'autres pathologies. De
plus, pour recevoir les fonds de certains bailleurs, le Cameroun doit
etre en conformite avec les regles internationales de la propriete
intellectuelle. C'est la raison pour laquelle le gouvernement doit
autoriser la licence obligatoire pour faciliter l'acces aux
medicaments".

Yoke Ling, experte en propriete intellectuelle pour l'association TWN
(Third Work Network), pense que le Cameroun devrait approuver cette
demande de licences obligatoires. Selon elle, "cette demande de
licences obligatoires represente une reelle opportunite pour le
Cameroun d'etre le premier pays de la region Ouest africaine a proteger
les interets de sante publique des Africains. Repondre favorablement a
cette demande montrera a l'ensemble des Etats Africains que les
gouvernements disposent d'une latitude politique, qui leur est conferee
par l'accord ADPIC et la Declaration de Doha, et qu'ils doivent mettre
a profit pour prendre toutes les mesures necessaires afin de repondre
aux problemes de sante de leur population. L'octroi de licence non
volontaire est pratique courante dans les pays developpes dans de
nombreux domaines, y compris la sante publique, ainsi le Cameroun ne
doit pas hesiter a approuver cette demande."

Michael Bailey d'Oxfam s'est rejoui de cette initiative, indiquant que
le developpement de l'utilisation des licences obligatoires etait la
consequence inevitable de l'application de l'accord ADPIC de l'OMC. "La
meilleure facon de faire reduire le prix des medicaments dans les pays
en developpement, c'est d'avoir une concurrence de produits generiques,
point final. Cela implique de reformer l'accord ADPIC. Tant que ceci
n'est pas fait, nous n'avons pas d'autre possibilite que d'utiliser les
flexibilites dont nous disposons, c'est-a-dire les licences
obligatoires."

Le texte de la demande de la societe Essential Inventions est
disponible sur internet en anglais et en francais a l'adresse suivante

http://www.essentialinventions.org/docs/cameroon/

Description du REDS - Reseau sur l'ethique, le droit, et le VIH/SIDA
Le REDS est une association camerounaise qui travaille sur la promotion
des droits de la personne dans le contexte du SIDA. Le REDS assiste les
gouvernements sur les questions de mise en place de politiques sociales
facilitant la prevention et le traitement contre le VIH/SIDA. Le REDS
assiste les personnes atteintes de VIH/SIDA dont les droits ne sont pas
respectes et les chercheurs qui travaillent sur la promotion de ces
droits.

http://64.233.161.104/search?q=cache:WBwDYgh84yYJ:perso.dixinet.com/
redscm/Creation.html+REDS+Sida&hl=en

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Joy Spencer
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Il est très intéressant effectivement qu'un pays de l'OAPI décide d'utiliser les dispositions sur les licences volontaires. Il est effectivement souvent reproché aux dirigeants des PVD, leur courage politique pour braver le peu d'opportunités offert par les accords internationaux. Mais le communiqué de presse ne nous situe pas si les molécules citées possèdent des brevets d'après 1995. Il ne serait pas par exemple intéressant de demander des licences obligatoires pour des licences hors brévets. Par exemple, est ce que la licence de la Névirapine n'est pas d'avant 1995? Repondant dans le vif du sujet, je n'ai pas pris la peine de vérifier.
En outre, les dispositions de Bangui autorisent les licences obligatoires au cas où une il existerait une exploitation insuffisante (commerciale ou industriellle) du produit dans le pays demandeur. Est ce qu'au Cameroun cela a été démontré au préable? Si oui, quels peuvent avoir été les arguments utilisés? Des discussions préables sur des licences volontaires ont-elles été d'abords menées sans succès?
Est ce que cette demande n'aurait pas eu plus de d'importance si elle regroupait tous les pays membres de l'OAPI comme l'autorisent les derniers accords de l'OMC de juillet 2004?
UNe nouvelle fois, je précise que des reflexions à vif, mais le sujet est d'importance que j'ai pas pu me retenir.

Simon KABORE
Coordonnateur RAME
(Burkina FAso)

Bonjour Simon,

Pour répondre a quelques unes de tes questions:
Il y a effectivement des brevets sur les produits concernées, brevets
OAPI (voir les études OMS, PhRMA et MSF entre 1999 et 2003).
L'accord de Bangui prévoit le recours au licence d'office ou licence
non volontaire dans différent scas de figure (voir ci dessous article
56 et 46). Pour plus de détail sur la facon dont la demande de licence
est articulée il est possible de consulter la lettre envoyé au ministre
de la santé sur http://www.essentialinventions.org/docs/cameroon/
Des négociations ont effectivement été menées au préalable avec les
compagnies concernées pour l'octroi de licence volontaire, sans succès.
Ceci dit ceci n'est pas une condition rédibitoire dans l'accord révisé
de Bangui (voir art 56).

Art 46
b) l'exploitation, sur le territoire susvisé, de l'invention brevetée
ne satisfait pas à des
conditions raisonnables de la demande du produit protégé ;

Article 56
Licences d'office
1) Lorsque certains brevets d'invention présentent un intérêt vital
pour l'économie du pays, la
santé publique ou la défense nationale ou que l'absence ou
l'insuffisance de leur exploitation
compromet gravement la satisfaction des besoins du pays, ils peuvent
être soumis par acte
administratif du Ministre compétent de l'Etat membre en cause au régime
de la licence non
volontaire. Ledit acte détermine l'Administration ou l'Organisme
bénéficiaire, les conditions de
durée et le champ d'application de la licence non volontaire ainsi que
le montant des redevances.

Simon, peux tu me préciser ce que sont les accords de juillet 2004.
Merci.

Gaelle
---------------------
Gaëlle Krikorian

Email: galk@free.fr
Mob: +33 (0)6 09 17 70 55

Je souhaiterais comprendre ce que représente cette annonce.
"Essential Inventions" est une ONG basée à Washington et à ma
connaissance elle ne fabrique ni ne distribue de médicaments utilisés
dans le traitement du SIDA.
A ma connaissance, elle n'a pas de relation avec une entreprise
camerounaise souhaitant fabriquer de tels médicaments.
Je crois aussi me souvenir que le Cameroun a été pionnier en Afrique
dans l'utilisation des ARV génériques. N'ont-ils pas été le premier à
utiliser les produits de CIPLA plutôt que ceux des multinationales?
Dans ce contexte, et en l'absence de fabrication locale, quel intérêt le
Cameroun peut-il avoir à imposer une licence obligatoire à quelque
producteur que ce soit? Il me semble qu'il aurait, dans le contexte
actuel, beaucoup à perdre et presque rien à gagner.
Quelqu'un pourrait-il m'expliquer le bénéfice pour le Cameroun de se
lancer dans une telle procédure?
Denis Broun
MSH Europe
dbroun@msh.org

Bonjour Gaelle

Les accords de juillet 2004 dont j'ai fait mention sont ceux appelés aussi les Accords de Cancun de l'OMC sur le paragraphe 6 de la Déclaration de DOHA. Lors d'un colloque en Belgique, un fonctionnaire ayant participé aux négociations a tenu a rectifié l'appellation. L'accord aurait été signé en réalité avant Cancun, pour lui donc il fallait lui donné le nom d'accord de juillet 2004.

Kaboré Simon
simonkabore2004@yahoo.fr

Bonjour,

Une réponse de James Love avec qui je travaille sur cette demande de
licence à propos du email de Denis Broun.
(traduction ci dessous)

Gaelle Krikorian

Dear Denis Broun,

Essential Inventions has the capacity to import and distribute
medicines to Cameroon, and to other countries. However, in terms of
the Cameroon request, we asking the government to grant an "open"
compulsory license that would include the right to import medicines,
and be available to anyone. In this sense, it is not important if the
import is by Essential Inventions, or by any other party, including
MSH. It is true, as you indicate, that persons are importing generic
medicines into Cameroon. This is also true throughout the region.
However, in Cameroon and in many other countries, the authorization for
the imports are not consistent with obligations under the TRIPS or the
Bangui accord. We do not believe this is a sustainable situtation, and
we further believe it presents risks for patients, including the risk
that donors will at some point enforce policies that require that
countries abide by IPR laws and treaties. If our request for an open
compulsory license with payment of reasonable royalties is approved,
Cameroon would be in compliance with TRIPS and the Bangui agreement,
and meet the reguirements of all major donors with respect to IPR
issues. It would also clarify that compulsory licensing under the
Bangui agreement can used for imports of products (without local
production), as is claimed on the OAPI web site.

    James Love, Chairman, Essential Inventions
    james.love@cptech.org, +1.202.387.8030

Cher Denis Broun,

Essential Inventions a la capacité d'importer ou de distribuer des
médicaments au Cameroun ou dans d'autres pays. Cependant, concernant la
requête faite au Cameroun, ce que nous demandons au gouvernement c'est
d'accorder une licence obligatoire "ouverte" qui permette l'importation
et qui soit valable pour quiconque. Ainsi, peut importe que
l'importation soit faite par Essential Inventions, ou par n'importe
quel autre partie, notamment MSH. Il est vrai, comme vous l'indiquez,
que des gens importent actuellement des médicaments génériques au
Cameroun. Ceci est vrai dans toute la région. Cependant, au Cameroun
comme dans beaucoup d'autres pays, les autorisations d'importer ne
répondent pas aux obligations imposées par l'accord ADPIC ou l'accord
de Bangui. Nous pensons que ceci n'est pas une situation viable, nous
pensons également que cela engendre des risques pour les patients,
notamment le risque que des bailleurs à un moment ou à un autre fassent
appliquer les politiques qui imposent que les pays respectent les lois
ou les traités sur la propriété intellectuelle. Si notre demande de
licence obligatoire ouverte, avec paiement de royalties, est acceptée,
le Cameroun agira dans le respect des accords ADPIC et de Bangui et
remplira ses engagements vis-à-vis des principaux bailleurs en matière
de respect des droits de propriété intellectuelle. Ceci permettra aussi
de clarifier le fait que les licences obligatoires peuvent selon
l'accord de Bangui être utilisées pour importer des produits (sans
production local) comme ceci est indiqué sur le site web de l'OAPI.

   James Love, Chairman, Essential Inventions
    james.love@cptech.org, +1.202.387.8030