[e-med] Projet de Délivrance d'une licence d'office au Cameroun par le Ministre de la santé

Projet de Délivrance d'une licence d'office au Cameroun par le Ministre de la santé (intérêt vital pour la santé publique - articles 17 et 56 de l'accord de Bangui)

Bonjour,

Vu l’actualité sur les brevets pharmaceutiques (en particulier de ce qui
vient de se passer en Thaïlande), je voudrais rebondir sur la question de la
délivrance des licences obligatoires pour l’importation de médicaments
génériques protégés par un brevet dans la zone de l’OAPI (Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle)
Malgré que l’accord révisé de Bangui présente moins de flexibilité par
rapport à ce qui est prévu par l’Accord sur les ADPIC, notamment en ce qui
concerne la possibilité d’accorder des licences obligatoires pour l’
importation en vue de protéger la santé publique, un projet de licence d’
office est à l’étude au Cameroun en usant des deux Accords (Bangui et ADPIC)
pour l’approvisionnement en antirétroviraux. Il est à noter que le Cameroun
ne présente pas pour l’instant des capacités adéquates de
production/fabrication pharmaceutique pour ce type de médicament.
En effet, l’article 56 de l’annexe I de l’Accord de Bangui régit l’
utilisation des inventions par le gouvernement, les ministères, comme le
Ministère de la Santé du Cameroun, les administrations et organismes publics
comme la centrale d’achat nationale des médicaments. Il permet aux Etats
membres de l’OAPI de délivrer des licences d’office. Ces licences peuvent
être délivrées aux motifs que « les brevets présentent un intérêt vital
pour la santé publique… ou que l’absence ou l’insuffisance de leur
exploitation compromet gravement la satisfaction des besoins du pays « [c’
est à dire les besoins en médicaments essentiels à des prix abordables]
Ce même article prévoit un acte administratif pour soumettre les brevets à
un régime de licence non volontaire. LeDit acte détermine l’Administration
ou l’Organisme bénéficiaire, les conditions de durée et le champ d’
application ainsi que le montant des redevances (la procédure doit être
transparente et équitable- l’OMS et le PNUD ont déjà publié des lignes
directrices à appliquer en matière de rémunération)

Pour ce qui est de l’acte d’importer, qui peut être soumis à débat du fait
de la rédaction de cet Accord, il y a quand même la possibilité d’utiliser l
’article 17 de ce même Accord qui dispose ce qui suit : « En cas de
divergence entre les dispositions contenues dans le présent Accord ou dans
ses annexes et les règles contenues dans les conventions internationales
auxquelles les Etats membres sont parties, ces dernières [c’est à dire les
conventions internationales telles que l’accord sur les ADPIC] prévalent.

Le ministre de la santé est donc habiliter à promulguer un acte
administratif autorisant par exemple la centrale d’achat nationale à
importer des versions génériques de médicaments antirétroviraux protégés par
des brevets de l’OAPI, destinés à un usage public non commercial.

Il suffit pour cela que le Ministre désigne les brevets considérés présenter
un intérêt vital pour la santé publique. Il n’est pas absolument nécessaire
de les identifier par leur numéro. Lorsque la recherche dans le registre des
brevets n’est pas possible à un coût et dans un délai raisonnables, il est
possible de procéder en indiquant quels sont les médicaments essentiels
nécessaires pour soigner le SIDA, l’effet étant que tous les brevets
relatifs à ces médicaments seront considérés présenter un intérêt vital pour
la santé publique. Dans ce cas l’acte administratif mentionnera le produit
pharmaceutique concerné, plutôt que le(s) brevet(s) le concernant.

En conclusion, le Ministère de la santé doit établir la liste des
médicaments à importer en vertu de la licence d’office (en fonction de la
révision des protocoles de traitement) ; le Ministère de la Santé et la
centrale d’achat devront prendre en considération les questions de savoir si
le prix du produit original est raisonnable ; si le produit existe dans une
version générique de qualité garantie et à un prix concurrentiel par rapport
au produit original et si le produit est protégé par un brevet valide au
Cameroun. Cette licence sera accordée à la centrale d’achat ; Il faudra
aussi désigner qui est chargé de payer les redevances aux titulaires des
brevets (en essayant de ne pas être obligé de passer par un tribunal civil
en cas de désaccord entre le titulaire du brevet et le Ministère de la
santé, ce qui ralentira la procédure).
Finalement, le chemin d’accès à la licence d’office est quand même
laborieux, mais la Thaïlande et bien d’autres pays ont déjà gravi la pente,
car leur santé ne pouvait plus attendre…

Christophe PRAT
Conseiller Pharmaceutique
Ministère de la santé publique du Cameroun
Cellulaire : 00 237 625 82 65
e-mail : ceprat2@yahoo.fr