Sida, m�dicaments essentiels et licences obligatoires
[Mod�rateur : Carinne Bruneton
Nous vous transmettons de la part de Bernard P�coud le compte-rendu de la
r�union organis�e par M�decins sans Fronti�res, Health Action International
et Consumer project on Technology qui s'est tenue au Palais de Nations Unis
� Gen�ve le 26 mars 1999 de la part des organisateurs. La traduction a �t�
assur�e par J�r�me Dumoulin, intervenant �galement lors de cette rencontre]
SIDA, MEDICAMENTS ESSENTIELS ET LICENCES OBLIGATOIRES
"En tant que professionnel de la sant� d'un pays en d�veloppement, j'ai
l'impression d'�tre un enfant � qui les pays d�velopp�s disent "fais ce que
je dis, pas ce que je fais".
Pr Krisantha Weerasuriya, Universit� de Colombo, Sri Lanka
Le 26 mars 1999, plus de 120 personnes venant de 30 pays ont particip� �
une
r�union au Palais des Nations � Gen�ve pour examiner comment les licences
obligatoires peuvent �tre une strat�gie face � la difficult� croissante
d'acc�s au m�dicaments essentiels dans les pays en d�veloppement. Des
millions de personnes sont atteintes et souffrent de maladies curables sans
�tre soign�es.
La pand�mie du SIDA/HIV illustre l'ampleur du probl�me. Sur les 33 millions
de personnes infect�es dans le monde, 26 millions vivent en Afrique et
n'ont
pratiquement pas acc�s aux antir�troviraux. Leur prix les met hors
d'atteinte, sauf pour une petite fraction de la population. La situation
est
semblable en Asie du Sud-Est, par exemple � Bangkok, seulement 20 des 2000
patients mensuels de l'h�pital Bamrasnadura peuvent payer la trith�rapie,
norme actuelle de soins du SIDA dans les pays d�velopp�s.
Des m�dicaments pour les autres maladies pouvant �tre fatales comme la
tuberculose, le paludisme et la m�nigite, sont �galement hors d'atteinte
pour des millions de personnes des pays en d�veloppement. Dans le cas de la
tuberculose, la plupart des 100 000 malades infect�s de souches
multi-r�sistantes sont incapables de payer le nouveau traitement standart
qui coute environ 15 000 US$. Les m�decins nationaux et ceux des ONG
travaillent tous les jours en sachant que les prix �lev�s des m�dicaments
entra�nent qu'une proportion significative de leur patients meurent alors
qu'on pourrait les soigner.
A la r�union de Gen�ve, des repr�sentants d'ONG, de gouvernements,
d'organisations internationales et d'entreprises pharmaceutiques ont
examin�
les conditions pratiques de l'utilisation de licences obligatoires qui
permettent de supprimer l�galement les brevets sur les m�dicaments, et qui
permettraient de rendre les m�dicaments plus accessibles dans les pays
pauvres. Les licences obligatoires, un �l�ment de l'accord ADPIC (Aspects
de
la Propri�t� Intellectuelle li�s au Commerce, partie des accords de
l'Organisation Mondiale du Commerce), ont �t� utilis�es historiquement par
des
pays pour servir l'int�r�t public en limitant les droits de monopole des
d�tenteurs de brevets.
"Cette initiative ne s'oppose pas du tout � l'ADPIC, coeur des dipositions
de l'OMC sur la propri�t� intellectuelle, ni � aucun autre accord
multilat�ral sur le commerce ou la propri�t� intellectuelle" a d�clar�
James
Love, de Consumer Project on Technology. "Nous conseillons vivement les
pays d'appliquer les dispositions de l'ADPIC sur les licences obligatoires
pour que les gens des pays en d�veloppement puissent avoir acc�s aux
traitements modernes essentiels."
La baisse des prix dans les pays en d�veloppement ne menacerait pas
s�rieusement le financement de la Recherche et D�veloppement, parce que ces
pays ne repr�sentent qu'un petit pourcentage des ventes totales. L'Afrique,
par exemple, compte pour seulement 1,3 % du march� pharmaceutique mondial.
Les licences obligatoires trouvent leur base juridique dans l'article 31 de
l'accord ADPIC. L'accord dit que les Etats Membres peuvent permettre "des
utilisations de l'objet d'un brevet sans l'autorisation du d�tenteur du
droit, y compris l'utilisation par les pouvoirs publics ou des tiers
autoris�s par ceux-ci " si c'est justifi� par l'int�r�t public. L'Article
31 dit aussi que "le d�tenteur du droit recevra une r�mun�ration ad�quate
selon le cas d'esp�ce, compte tenu de la valeur �conomique de
l'autorisation".
Cependant, selon une d�claration publi�e avant la r�union, le gouvernement
des Etats-Unis "de fa�on g�n�rale n'approuve pas les licences obligatoires
de brevets ... et les consid�re comme inutiles"; il a largement utilis� cet
instrument sur son propre march� int�rieur dans des centaines de cas. Des
licences sur brevets ont �t� attribu�es dans des domaines vari�s comme les
biotechnologies, la pharmacie, l'aerospatial, l'armement, la pollution de
l'air, les ordinateurs et l'�nergie nucl�aire. Les Etats-Unis utilisent
traditionnellement les licences obligatoires pour rem�dier aux pratiques
anti-concurrentielles et un nombre significatif ont �t� attribu�es sans
redevances. De nombreuses licences obligatoires y ont �t� autoris�es pour
une utilisation non-commerciale par les pouvoirs-publics.
"Nous reconnaissons que notre position est plus restrictive que l'accord
ADPIC, mais nous consid�rons cet accord comme une norme minimale de
protection " a dit Lois Boland du Bureau am�ricain des brevets.
Les d�l�gu�s � la conf�rence de Gen�ve ont condamn� les pressions
bilat�rales am�ricaines comme politique pour pousser les lois nationales �
interdire les licences obligatoires. Le cas de la Thailande montre
clairement la politique � plusieurs visages des Etats-Unis pour prot�ger
les brevets de son industrie pharmaceutique.
Des orateurs de Thailande ont d�crit la tactique de pressions que le
gouvernement am�ricain a utilis� pour emp�cher la Thailande de produire ou
d'importer � faible prix des m�dicaments contre le SIDA ou d'autre
m�dicaments brevet�s qui sauvent des vies. En 1993, sous l'insistance
am�ricaine, la Thailande a adopt� une loi interdisant les importations
parall�les, qui permettent d'importer des m�dicaments depuis un pays o� le
d�tenteur du brevet vend le m�dicament identique � moindre prix. Les
importations parall�les sont largement utilis�es par de nombreux pays comme
le Royaume-Uni et le Pays-Bas pour faire baisser le co�t des m�dicaments.
Les pressions commerciales contre la Thailande ont �t� plus r�cemment
stimul�es par la tentative de l'Etat de commencer � produire du ddi,
m�dicament anti-HIV. L'Etat avait pr�vu d'offrir aux personnes avec le SIDA
au moins une bi-th�rapie, pas de pointe, (AZT/ddI) � un prix accessible.
Jusqu'� maintenant, le ddI est vendu en exclusivit� par Bristol-Myers
Squibb
au co�t mensuel de 166 US$. A comparer avec le salaire minimum quotidien
qui
a �t� gel� � 4,5 US $ depuis juillet 1997.
La Tha�lande a laiss� tomber son projet pour la ddi � la suite de menaces
de
sanctions commerciales sur certaines de ses exportations cl�s. Cette menace
est arriv�e quand l'�conomie thailandaise est devenue chancelante � la
suite
de la crise financi�re de l'Asie du Sud-Est. Les m�decins et patients
tha�landais ont �t� particuli�rement outr�s quand ils ont d�couvert que le
ddi a �t� invent� par l'Etat am�ricain et que le fabrican am�ricain
Bristol-Squibb Myers a une licence exclusive.
En outre, l'�t� dernier, les am�ricains ont pouss� un projet de loi
thailandais, devant �tre adopt� et publi� bient�t, qui limite s�v�rement
l'utilisation de licences obligatoires. Sous la pression de
l'administration
am�ricaine du commerce, la Tha�lande va �dicter une loi qui est beaucoup
plus restrictive que les r�gles �tablies dans l'accord ADPIC, la norme
internationale.
A la diff�rence de la situation en Tha�lande, l'industrie pharmaceutique
indienne est un bon exemple de ce qui arrive quand on donne aux entreprises
le droit de produire des m�dicaments pour le march� local sans payer de
droits d�courageants. Selon l'accord ADPIC, les licences obligatoires
peuvent �tre attribu�es pour produire des m�dicaments essntiels pour
traiter
les maladies qui menacent la vie, en copiant le syst�me existant en Inde.
Par exemple, le Lariam, m�dicament contre le paludisme, co�te 37 US $ aux
Etats-Unis et 4 US $ en Inde, et le traitement mensuel du SIDA par AZT
co�te
239 US $ aux Etats-Unis et 48 US $ en Inde.
Michael Scholtz, directeur de "Technologie pour la sant� et les
m�dicaments"
� l'OMS promet son appui aux pays en d�veloppement. "L'OMS respecte
l'importance des brevets et comprend leur r�le � la fois dans les pays
d�velopp�s et les pays en d�veloppement. Cependant, nous avons maintenant
mandat de consid�rer les cons�quences de la mise en oeuvre de l'accord
ADPIC pour la sant� publique" a-t-il d�clar�.
Les organisateurs pensent que l'OMS devrait avoir un r�le de leader pour
aider les pays � analyser les implications des accords de l'OMC pour la
pharmacie et la sant� publique. Selon Bas van der Heide, de Health Action
International, "les pays en d�veloppement qui ont appliqu� l'accord ADPIC
n'ont pas utilis� pleinement la souplesse de la l�gislation du commerce
international, � cause du manque de connaissance de leurs droits ou � cause
de pressions de l'occident".
Les conf�renciers ont conseill� aux d�l�gu�s des pays en d�veloppement de
s'enqu�rir des dispositions de leur l�gislation nationale sur les licences
obligatoires et les importations parall�les, et d'agir pour faire changer
cette l�gislation si elle est plus restrictive que les exigences de
l'accord
ADPIC. Ils ont aussi soulign� que si les Etats le demandent, l'OMPI
(Organisation Mondiale de la propri�t� Intellectuelle) pourra fournir une
assistance pour respecter l'accord ADPIC.
Avec l'aide de l'OMS, de l'OMPI, et des ONG, les d�l�gu�s � la conf�rence
vont demander � leur gouvernement d'utiliser les moyens l�gaux existants
pour accroitre l'offre de m�dicaments essentiels � prix accessibles. Si le
prix est un crit�re d'inclusion sur la liste nationale de m�dicaments
essentiels, alors la communaut� internationale droit trouver le moyen de
d'abaisser le co�t des m�dicaments cl�s dans les pays en d�veloppement.
"Finalement, le droit d'un pays de sauvegarder la sant� de ses citoyens
d�pend en partie de l'acc�s aux m�dicaments essentiels et nous devons nous
concentrer sur l'am�lioration de cet acc�s", a d�clar� Bernard Pecoul de
M�decins Sans Fronti�res.
Les professionnels de la sant� des pays en d�veloppement refusent
d'accepter
que leurs patients meurent parce que les entreprises pharmaceutique
multinationales, avec l'aide de leurs gouvernements, d�tournent les lois du
commerce international pour que les prix des m�dicaments essentiels restent
�lev�s dans les pays en d�veloppement.
La r�union de Gen�ve a �t� rendue possible par le soutien g�n�reux de la
Fondation Rockfeller.
Note : Des perspectives sur les aspects de sant� publique des accords de
l'OMC et de l'ADPIC peuvent �tre trouv�s dans la publication de l'OMS
"Globalization and Access to Drugs (Health Economics and Drugs, DAP Series
N� 7).
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