Contribution sur la santé au Mali : OUI, DE GRANDS PROGRES ONT ETE ACCOMPLIS
« Si tu n'as pas vu, demande aux gens qui ont vu. Si tu ne connais pas,
demande aux gens qui connaissent, contacte les gens qui ont vécu à cette
époque ».
vendredi 8 octobre 2010, par La Rédaction | 43 lectures | 1 commentaires
http://www.essor.ml/societe/article/contribution-sur-la-sante-au-mali
Privilège de l'âge, le Dr. Koc Halil peut s'autoriser à ne pas mâcher ses
mots. Témoin privilégié de l'évolution de notre pays en matière d'infrastructures
sanitaires, particulièrement dans la Région de Mopti, le médecin est arrivé
dans notre pays au lendemain de l'indépendance et a vécu les éprouvantes
réalités sanitaires de l'époque.
Il a tenu à répondre aux personnes qui, de son point de vue, manient la
critique facile et ignorent les progrès accomplis depuis ces temps
héroïques. Suivez son témoignage : « J'ai été envoyé au Mali en 1963 par l'Organisation
mondiale de la santé (OMS). L'autorité sanitaire de l'époque m'a affecté à
Mopti.
J'ai atterri dans une antenne médicale (A.M.) délabrée, incapable de faire
face aux demandes de la population. Le dispensaire construit en banco était
inondé chaque fois qu'il pleuvait. La ville était privée d'électricité à
partir de 22h souvent par manque de carburant ou à cause de pannes
techniques. A l'époque, l'AM de Mopti employait des infirmières qui avaient
subi une formation accélérée, un comptable, une matrone en la personne de
Mme Doumbia, un major du nom de Belco Tamboura. Le Dr Sory Sissoko, formé en
chirurgie non spécialisée, s'occupait de cet hôpital très délabré.
Le manque de personnel et de médicaments, les incessantes coupures d'eau
constituaient notre grande hantise pendant toute la journée. On remplissait
les réserves de l'hôpital avec de l'eau du fleuve pompée à l'aide
équipements vétustes. Cette eau était utilisée telle quelle car il n'y avait
aucun contrôle hygiénique à l'hôpital. Pour les cas graves, notamment les
accidents ou des patients atteints de tuberculose nécessitant l'utilisation
de rayons X, nous étions obligés d'évacuer les malades à Ségou au cas où le
véhicule de service était disponible (il n'y avait qu'un seul véhicule en
activité).
Le trajet Ségou-Mopti nécessitait 6 ou 7 heures de temps, dans le meilleur
des cas, c'est à dire quand le véhicule ne tombait pas en panne en cours de
chemin. A l'époque pour trouver certains instruments indispensables pour les
interventions, il fallait les faire venir nécessairement de Bamako. Ces
instruments arrivaient parfois un mois ou plus après que la commande ait été
lancée.
Je me rappelle le cas d'un enfant qui devait subir une intervention
chirurgicale suite à une occlusion intestinale. Il fallait une intervention
immédiate à l'hôpital de Mopti et les agents étaient obligés d'utiliser du
matériel inadapté dans des conditions extrêmement dérisoires. A l'époque
pour évacuer les malades très graves, il n' y avait que deux avions russes
de marque « Iliouchine » qui se déplaçaient sans programme et il était
difficile d'avoir une réquisition du gouvernement à cause des difficultés
financières. Parfois la nuit, il fallait évacuer les malades soit en voiture
soit en charrette ou traverser le fleuve par pirogue pour les patients
venant des villages. Une femme est décédée à la suite d'hémorragie après son
accouchement dans une pirogue.
Je me souviens aussi de beaucoup de mésaventures que j'ai vécues à l'époque.
Par exemple lorsque la ville de Mopti a été frappée par une épidémie de
bilharziose provoquée par l'eau du fleuve, j'ai été obligé de demander avec
urgence une quantité importante d'Antiomaline injectable au bureau OMS de
Brazzaville pour éviter que la situation ne s'aggrave. Il serait fastidieux
de raconter toutes les anecdotes que je détiens sur la manière dont on
travaillait à l'époque.
Aujourd'hui, je vous invite à faire un tour à Mopti. Vous y trouverez un
hôpital moderne avec des services complets dotés d'instruments sophistiqués,
où le programme de vaccination est régulièrement exécuté, une maternité
desservie par deux sages femmes diplômées d'Etat, plusieurs infirmières, des
ambulances gratuites, modernes et bien équipées. Mon ancien chauffeur, M.
Maïga, encore en vie à Mopti et certains habitants de la région peuvent
confirmer mes propos.
Aujourd'hui, des infrastructures routières solides et modernes existent.
Elles facilitent les évacuations d'urgence des malades graves des
dispensaires de brousse à l'hôpital régional de Mopti. Cet établissement
possède plusieurs locaux affectés à chaque spécialité sanitaire. A notre
époque, il y avait beaucoup d'accidents de travail dans le secteur public et
privé.
La sécurité sociale n'existait pas et le plus souvent aucune indemnité n'était
versée aux travailleurs blessés. Certains blessés graves, de peur d'être
licenciés, se gardaient de signaler l'accident de travail dont ils avaient
été victimes. Les progrès intervenus dans le monde du travail sont
remarquables actuellement. Les travailleurs tant du secteur privé que du
public sont assurés et les accidents de travail sont constatés et
indemnisés.
Certains établissements, vu la propagation de certaines maladies ont pris l'initiative
de vacciner l'ensemble de leur personnel.
Le travail que nous faisons étant toujours perfectible, les critiques
positives sont les bienvenues car elles soulignent les lacunes et les fautes
pour aider à les corriger et à progresser. Les jugements hâtifs et injustes
ne servent, eux, qu'à blesser inutilement ».
Dr. Koc Halil Bamako