Des bébés sud-africains testent un éventuel vaccin contre la tuberculose
WORCESTER (Afrique du Sud) - Presque tous les jours, à 08H00 tapantes, des
équipes médicales sud-africaines font une piqûre à des dizaines de bébés.
Elles testent le vaccin le plus prometteur contre la tuberculose en 90 ans,
développé par l'université d'Oxford.
"Il y a actuellement 12 vaccins potentiels contre la tuberculose testés dans
le monde, mais l'essai clinique (mené en Afrique du Sud) est au stade le
plus avancé", souligne Michele Tameris, responsable du site de Worcester,
non loin du Cap (sud-ouest).
"C'est la première fois que l'on teste le vaccin hors du milieu médical",
ajoute-t-elle: "On veut savoir s'il protège bien les êtres humains" contre
cette infection pulmonaire qui a causé 1,7 million de morts en 2009 dans le
monde.
Les chercheurs ont choisi l'Afrique du Sud parce qu'elle est très touchée
par la maladie, mais dispose d'une bonne infrastructure médicale.
En Afrique du Sud, la tuberculose prolifère à cause du virus du sida, qui
affaiblit le système immunitaire de 5,7 des 48 millions d'habitants. Plus de
300.000 séropositifs la contractent chaque année et plus de 110.000 en
meurent.
Dans les montagnes autour de Worcester, sur la "route des vins", la maladie
affecte 1% de la population. Dans ce contexte, les chercheurs ont facilement
recruté 2.784 nourrissons pour leur essai.
"Je veux savoir s'il est en bonne santé", indique avec inquiétude Marlene
Abrahams, qui a emmené son fils Marco à l'hôpital de Worcester pour qu'il
participe aux tests.
Les bébés reçoivent une unique injection soit du vaccin --le MVA85A,
développé par l'université d'Oxford (Royaume-Uni)-- soit d'un placebo, tous
deux conservés dans des congélateurs à moins 40 degrés.
Les premiers nourrissons ont été piqués en juillet 2009 et les derniers le
seront à la fin avril.
Les scientifiques devront ensuite attendre deux ans pour conclure à
l'efficacité du sérum testé, qui sera utilisé pour renforcer l'action de
l'unique vaccin existant, inventé par deux médecins français en 1921: le
fameux vaccin bilié de Calmette et Guérin, plus connu sous le nom de BCG.
Si tout se passe bien, l'essai entrera alors en phase III, la dernière avant
une mise sur le marché. Cette étape impliquera 20.000 volontaires sur
plusieurs sites. Dans le meilleur des cas, le nouveau produit sera
disponible en 2018, selon l'OMS.
Neuf millions de nouveaux cas de tuberculose sont diagnostiqués chaque année
dans le monde, selon l'OMS, mais la maladie touche surtout les pays pauvres
(85% des cas sont en Asie et en Afrique) ou les quartiers pauvres des pays
riches.
Un vaccin est donc attendu avec impatience dans les pays en développement,
mais aussi en Occident où la maladie effectue un retour en force. Londres a
ainsi enregistré une hausse de 50% des contaminations depuis 1999.
La maladie est curable avec des médicaments assez peu chers. Mais le
traitement dure plusieurs mois et beaucoup de malades l'abandonnent dès
qu'ils se sentent mieux, un comportement qui a favorisé l'émergence de
tuberculoses résistantes aux médicaments.
"Ces tendances ont probablement attiré l'attention du monde sur la
tuberculose", reconnaît Mme Tameris. "Mais ça reste une maladie de pauvres."
Pour elle, cela explique l'absence de nouveau vaccin depuis 90 ans.
"Développer un vaccin ne peut être fait que dans un pays développé, cela
coûte excessivement cher."
(©AFP / 23 mars 2011 06h15)