[d'ou l interet de la mise en place de la pharmacovigilance... et il est vrai que l imputabilite est souvent problematique...CB]
Medecine et maladies infectieuses 39 (2009) 57 - 60
Cas clinique
Deux hepatites fulminantes survenues au cours d un traitement curatif par l association artesunate amodiaquine
E. Guevart a,∗, A. Aguemonb
a Ambassade de France, 01 BP 966, Cotonou, Benin
b Service de reanimation, centre national hospitalo-universitaire Hubert-K.-Maga, Cotonou, Benin
Resume
Deux femmes jeunes, jusque la en bonne sante, ont souffert d une hepatite rapidement mortelle apres traitement d un acces febrile par l association artesunate amodiaquine aux doses recommandees. La suspicion d imputabilite du traitement pour l hepatite a repose sur la chronologie (fievre, association medicamenteuse, atteinte generale brutale, hepatite mortelle en quelques jours) et sur l absence d autre cause evidente d hepatite. Des hepatites severes sous traitement prolonge par l amodiaquine, rapportees depuis 1985, ont un risque estime a 1/15 500 traitements, les symptomes apparaissant en dix a 160 jours. Les recommandations internationales actuelles preconisent de traiter l acces palustre simple en premiere intention par une association a base d artemisine, notamment avec l amodiaquine. L utilisation iterative d amodiaquine pourrait representer le meme risque qu un traitement prolonge, les mecanismes de toxicite supposes etant l accumulation de metabolites ou un phenomene immunoallergique. La notification de tous les effets indesirables s impose.
Est-il raisonnable d'imposer à nos populations une telle association? Depuis des décennies, nos populations ont subi les effets indésirables de l'amodiaquine et l'ont rejeté. Elles l'ont s'y bien rejeté que lorsqu'il y avait la présentation en coblister amodiaquine-arthesunate, elles jetaient l'amodiaquine et ne prenaient que l'arthesunate. Pour les contraindre à cette association, le comprimé bi-couche a été élaboré et nous sommes en train d'en constater les conséquences. Pendant combien de temps de temps encore, au nom de la pauvreté, de l'aide et de l'assistance en tout genre allons-nous laisser nos populations s'empoisonner? Car nous connaissons tous, pharmaciens, médecins, infirmiers et sage-femmes africains, la kyrielle des effets indésirables de cette molécule.
C'est une histoire de conscience et de responsabilité. Je rappelle à nos décideurs que nul n'est trop pauvre pour n'avoir rien à donner et nul n'est trop riche pour avoir tout à donner.
Chers E-mediens africains, nous avons surement quelque chose à donner dans cette lutte contre le paludisme pour arrêter la pagaille qui se met en place dans nos pays.
Joseph AMOUSSOU,
Pharmacien,
Ancien Président de l'Inter syndicale des pharmaciens d'Afrique
BP 165 Cotonou - Tel: (229) 97 69 76 24
josasmo@hotmail.com
Nos échanges antérieurs ont déjà montré l'importance pour tout système de santé de mettre en place la surveillance post-marketing pour réduire les risques de voir les malades victimes des effets indésirables graves.
Pour ce cas spécifiquement, je ne pourrais être aussi catégorique que le confrère Joseph, ceci en l'absence des informations complémentaires non moins essentielles sur les résultats des investigations sur des pathologies récurrentes qui par coincidence malheureuse apparaissent après la prise de cette combinaison, on devrait investiguer pour éliminer cette cause, ensuite les investigations devraient également permettre de savoir si les malades ne se traitaient pas déjà avec l'amodiaquine en prévention (automédication) ou si elles ont utilisé des produits à base des plantes médicinales.........l'imputation est possible(mais toujours difficile) en commençant par l'élimination des éléments associés susceptibles d'être la cause de l'effet.
Je pense qu'à ce stade, ces effets sont "présumés" ou "suspectés" d'être causés par l'association artesunate-amodiaquine en attendant une imputation réalisée selon les régles. Cette information peut être transmise à Uppsala Monitoring Centre, qui est le centre collaborateur de l'OMS qui pourrait aider à appuyer cette investigation
Franck Biayi
Pharmacien
Point Focal Pharmacogivilance
Kinshasa/RDC
Tél:00243818125838
Cher Joseph;
Je comprends que vous soyez remonté car traditionnellement, l'Afrique est et
a toujours été un dépotoir. Mais je me dis qu'il faut un peu nuancer vos
propos. Les différentes combinaisons ont été validées par certains centres
de recherches africains. Chaque pays a aussi mis en place un comité de
reflexion et de suivi. On ne nie pas que l'amodiaquine a des effets
indésirables connus et redoutés mais avant la mise en place des combinaisons
d'ACT, elle continuait d'être utilisée. Elle n'a jamais été retirée du
marché pourtant d'autres molécules l'ont été. Ce n'est pas pour polémiquer
mais je pense qu'il nous faut plutôt travailler à renforcer nos systèmes de
vigilances sanitaires et à renforcer une éducation de nos populations sur le
médicament et les bons usages. Aussi, nous pourrons réellement dire non,
avec des preuves scientiques à l'appui, à certaines molécules qu'on nous
envoi en Afrique.
Très confraternellement.
Je pense que la leçon à tirer de cet article est de préciser ce qu'est la
vigilance* et de mettre en place rapidement un système de pharmacovigilance
réaliste dans les pays africains.
Il ne faut pas envisager d'usine à gaz
Les pharmaciens d'officine pourraient devenir leader dans ce domaine s'ils
le veulent vraiment
Il n'est pas nécessaire d'attendre une décision ministérielle ou omesienne
Il suffit qu'une institution (ordre, syndicat, association de pharmaciens)
décide de centraliser tous les événements recueillis par les officines sur
des pathologies pouvant être liées à la prise d'un médicament moderne,
traditionnel ou parapharmaceutique.
L'analyse et l'imputabilité seront à réaliser après selon les pays (avec
l'aide de ReMeD, OMS ou autres........
Cela avait été proposé en début d'année il y a eu deux tentatives sans suite
Alors
Mesdames et messieurs les pharmaciens à vous de jouer!
Dr Jean Loup Rey
Santé publique
* vigilance veut dire que l'on recueille tous les évènements sans juger de
leur véracité ou importance et que l'on fait l'analyse ensuite
Dans le cas présent rien ne prouve le rapport entre amodiaquine et hépatite
mais il faut enregistrer le fait et chercher ensuite l'imputabilité selon
des critères standards (éventuellement à définir selon les pays et les
pathologies)
J'ai lu avec interet votre email vu le titre mais permettez-moi de dire que dans le domaine de la sante publique, il est preferable de pouvoir presenter des resultats valables qui peuvent interesser les decideurs afin d'eclairer leur jugement et eventuellement leur decision.
Le rejet d'un medicament peut provenir d'un facteur psychologique ou d'une mauvaise campagne orchestree par les professionnels de sante pour des interets inavoues.
Plusieurs pays dans le monde utilisent l'artesunate-amodiaquine et doivent mettre en place un systeme de pharmacovigilance qui leur permette de collecter les informations sur le comportement du produit de maniere a pouvoir prendre une decision consequente.
Pour illustration, plusieurs cas de syndrome de Lyell ont deja ete enregistres dans le monde mais cela n'empeche que le cotrimoxazole soit encore d'usage aujourd'hui et meme recommande dans la prise en charge integre des maladies de l'enfant et dans le traitement des infections opportunistes.
Si le rapport entre le benefice a tirer d'un produit et les effets indesirables penche en faveur des benefices, le produit peut etre utilise.
Rassemblons donc encore les donnees sur l'utilisation de l'artesunate-amodiaquine et informons correctement la population sur son efficacite pendant un temps assez considerable avant de tirer de conclusions ou de deconseiller le produit qui, selon nos informations, produits fait plus de bien que vous ne pouvez l'imaginer.
Bonjour cher e-médiens,
nous sommes un peu d'accord avec le Dr Amoussou. il est vrai que nous n'avons des statistiques, mais nous sommes confrontés au rejet de cette association par nos patients qui se plaignent des effets indésirables. Déjà l'amodiaquine seule entrainait beaucoup d'effets indésirables, nous estimons que l'association Amodiaquine-Artésunate est rejeté à cause de la présence de l'amodiaquine. cette association qui a été retenue par l'OMS comme traitement de première intention du paludisme nous pose problème. nous recevons de la part du PNUD des stocks importants de cette association qui périment dans nos réserves car les patients n'en veulent pas.
Nous constatons, actuellement, plusieurs cas d'hépatites surtout chez les enfants. Cette association ne peut elle pas fragiliser certaines personnes au foie sensible? Nos décideurs africains et scientifiques devraient se pencher sur ce probléme afin de rechercher l'imputation ou non de l'amodiaquine dans ces hépatites fulminantes qui deviennent des cas de santé publique.
Nous intervenons en tant que pharmaciennes exerçant dans les hopitaux et sommes en contact permanent avec les malades qui nous expriment leurs inquiètudes.
Dr Germaine-Laure WADA et Jeanne Sylvie NTSAME MBA
Comme je l'ai déjà dit et d'autres l'ont dit également: il y
a des effets indésirables qui sont signalés un peu partout mais, il n'y a
pas de bases scientifiques solides. Cette étude publiée est un début. Alors,
pharmaciens des hôpitaux, du secteur privé et de santé publique, nous devons
travailler à la mise en place de système de pharmacovigilance performant. Et
nous convaincrons tout le monde.
A mon avis, il est difficile de pouvoir etablir une relation de cause a effet si une etude epidemiologique n'est pas faite. Comme je le disais dans mon email precedent, le produit est utilise dans plusieurs pays mais le probleme de rejet ne se pose pas avec la meme importance.
La combinaison artesunate-amodiaquine n'est pas le seul produit a presenter des effets indesirables comme l'asthenie ou autres. Que dire alors de la quinine?
Pour l'hepatite fulminante, je me rallie a la position de Franck selon lequel il faut absolument une etude prospective ou retrospective pour pouvoir etablir la relation de cause a effet.
je comprends très bien votre difficulté quant à la problématique des effets indésirables posés aux malades par cette combinaison. Je penses comme dans beaucoup des pays,l'introduction des nouvelles molécules telles que ACT (encore qu'elle n'est vraiment pas nouvelle pris séparément), ARV aurait due être précédée par la mise en place d'un système de surveillance post-marketing, malheureusement trop peu des pays ne l'ont fait souvent par désintérêt, manque d'organisation, manque de financement...... C'est pour cette raison que les effets indésirables suspectés entrent dans le réseau des rumeurs avec toutes les possibilités d'amplification. Ce que je décrits est arrivé en RDC.
Nous avons réagi en mettant progressivement en place un système de collecte des informations sur ces effets, en donnant des compétences(formations) aux prestataires de collecter ces informations à l'aide d'un guide et d'un formulaire de collecte. Nous avons observé que depuis que nous essayons de documenter les cas, le nombre des déclarations a baissé.
Etant donné que vous exercez dans les hopitaux, je vous demanderai de commencer à documenter les cas déclarés dans votre hôpital.
Le syndrôme de Lyell provoqué par les sulfamidés n'empêche pas jusqu'aujourd'hui l'utilisation de la SP et cotrimoxazole comme l'a mentionné Gaby.
La vigilance permettra d'identifier le risque, mesurer sa fréquence et sa gravité et ce sont ces éléments qui permettront de prendre les décisions sur un retrait. En attendant mettons nous au travail comme le dit Jean en documentant.
Franck Biayi
Pharmacien
Point Focal Pharmacovigilance
Kinshasa/RDC
Tél:00243818125838
Hépatotoxicité de l'amodiaquine:
Nous sommes ravis de l'avalanche de contributions à la question de la
pharmacovigilance déclenchée par notre présentation.
Tout est en effet question de vigilance.
Etant donné la rareté des accidents hépatotoxiques observés avec
l'amodiaquine (estimés à 1 cas pour 15.650 traitements, dont la moitié
mortels) une étude épidémiologique serait impossible à mettre en place.
Il faut donc redoubler de vigilance, notifier tous les accidents et effets
indésirables, même si l'on n'a pas la conviction de l'imputabilité : seul le
regroupement des cas permettra d'en apprécier la fréquence, la gravité, et
de préciser les mécanismes de la toxicité.
Ceux qui le désirent me demandent le texte intégral de l'article.
Merci
Edouard Guévart
guevart_edouard@yahoo.fr
Je suis tout a fait d'accord avec Arsène
Mais moi je veux evoquer plutot le cas precis des derivés de
l'artemisinine.
Effet j'interviens dans une structure hospitalière dans le secteur privé en vacation et depuis 2000 environ la prescription des derivés de
l'artemisinine sous forme injectable est soumise à autorisation préalable du medecin responsable des services hospitaliers et apres confirmation du diagnostic, ceci surtout chez les enfants, car un certain nombre de cas
d'hepatite avaient été constatés apres l'usage de ces produits chez les
enfants hospitalisés.
Malheureusement tout ceci n'est pas formellement documenté, il est donc
plus qu'urgent de mettre en place un systeme efficace de pharmacovigilance
afin de pouvoir mieux reglementer l'usage de ces produits
Dr GBANE Ali Daouda
Pharmacien
Chef de service reception
Pharmacie de la Santé
Publique de Cote d'Ivoire ( PSPCI )
Tel: +22505966959
+22501002730
+22502500515
Juste pour appuyer les réactions des collègues qui ont longuement commenté sur ce sujet. Le paludisme est problème majeur de santé publique et de développement dans nos pays. Il va de soi que le médicament tel que la combinaison Artésunate-amodiaquine utilisé en première intention chez nous, soit suffisamment étudié et abondamment documenté.
Cependant, une de grandes interrogations qui reste sans réponse est la tolérance à long terme de cette combinaison compte tenu du nombre fréquent dépisodes du paludisme.
Comme nous le savons tous, lefficacité ou la tolérance dun médicament dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels il y a, les facteurs génétiques, environnementaux et même socio-culturels.
Dans nos pays respectifs, il existe peu de données locales concernant les affections hépatiques chez les sujets exposés à cette bithérapie.
Il semble donc plus que nécessaire dévaluer sa tolérance dans le contexte de nos populations respectives au lieu de se contenter de la littérature qui nous est fournit par les laboratoires occidentaux sur des études souvent réalisées outre-mer.
Je remercie Edouard parcequil nous a apaisé avec ces données qui confirment la modicité de la prévalence des hépatotoxités dues à lamodiaquine utilisée en mono thérapie mais je pense que le sujet peut toujours faire lobjet dune recherche opérationnelle compte tenu de son intérêt.
Une étude de cohorte pourrait être envisagée afin dévaluer lincidence de la toxicité hépatique chez des sujets exposés à lACT versus non exposés.
Alain Mesongolo.M
B.Pharm,.M.Sc
R.D.Congo
Je voudrais tout juste à la suite des confrères souligner ma préoccupation sur les effets indésirables constatés à la suite de médicaments, distribués et consommés dans les pays en voie de développement, de l'imputabilité des molécules.
Par rapport à ce cas précis des hépatites fulminantes survenues au cours d'un traitement curatif par association artésunate/amodiaque, cherchons d'abord à savoir la provenance où l'origine du produit. S'agit-il d'une spécialité ou d'un générique, venant d'où, dispensé par qui ou dans quel programme, ceci pour parler de qualité , d'innocuité en somme de respect des BPF et de traçabilité. L'imputabilité( ici amodiaquine) est une analyse individuelle pour une notification donnée, qui ne peut prétendre estimer le potentiel de dangérosité de la molécule dans l'absolu ou l'importance du risque induit dans la population
Ce cas pose encore la problématique de l'urgence des systèmes de pharmacovigilance à mettre en place dans nos pays et l'implication directe et immédiate de tous les professionnels de santé(médecins, chirurgiens dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers kiésithérapeutes....). Il urge donc que des financements sont alloués prioritairement pour la formation en pharmacovigilance et la notification des effets secondaires graves ou inattendus. Et à ce niveau , les méthodes d'imputabilité devront nécessairement servir à harmoniser et standardiser la démarche d'imputation locale ou même régionale . Elles devront également servir à améliorer la qualité des données; un cas ne pouvant être imputé que si l'on dispose de suffisamment d'information.
Parlant maintenant de l'implication des pharmaciens du privé dans les notifications, elle est plus que nécessaire et indispensable au vu de la position stratégique qu'ils occupent dans la dispensation des médicaments et de l'espoir qu'ils constituent devant nombre de partenaires de la santé pour les appuyer dans les projets et programmes. C'est l'occasion pour solliciter des renforcements de capacités en terme de pharmacovigilance, de pharmacien responsable de pharmacovigilance dans les structures d'alerte et de recueil de données.
Le problème des agences nationales du médicament centralisant toute la politique du médicament particulièrement celle des programmes de santé, de distribution des dons et autres, est plus que d'actualité dans nos pays; il en est de même de la sélection des fournisseurs comme des pays à partir desquels les médicaments sont importés......
Dr A.SARR: Syndicat des Pharmaciens Privés du Sénégal.