E-MED: Doha: M�dicaments, l'accord rescap�
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M�dicaments, l'accord rescap�
Le texte sur l'acc�s aux g�n�riques devait �tre sign�.
Par VITTORIO DE FILIPPIS ET CHRISTIAN LOSSON
http://www.liberation.fr/omc/actu/20011114merzf.html
Le mercredi 14 novembre 2001
Rien ne pourra plus d�sormais emp�cher des pays comme le Br�sil ou l'Inde
de produire des m�dicaments g�n�riques. Ils pourront fournir des copies
jusqu'� 20 fois moins ch�res.
Doha envoy�s sp�ciaux
Un peu de fum�e blanche est sortie du tipi. Elle est venue hier matin
saluer un accord de principe sur le sujet le plus sensible: l'acc�s aux
m�dicaments. Annex� en marge de la d�claration finale, le texte sur les
droits de propri�t� intellectuelle (Trips) devait hier soir, sauf coup
d'�clat de derni�re minute, pouvoir sortir intact de Doha, et ce, quelle que
soit l'issue de la Conf�rence. �Car c'est une victoire politique, et un
pr�c�dent historique, s'exclame Paulo Teixeira, responsable du programme
antisida du Br�sil. On ne nous la confisquera pas.� Le compromis convient
que le Trips �n'emp�che pas et ne devrait pas emp�cher les pays membres de
l'OMC de prendre des mesures pour prot�ger la sant� publique�.
�Victoire impensable�. En clair, rien ne pourra plus d�sormais emp�cher des
pays, comme le Br�sil ou l'Inde, de produire des m�dicaments g�n�riques. Ils
pourront fournir des copies jusqu'� 20 fois moins cher, pour soigner des
malades du sida, de tuberculose ou de malaria. Mais il faudra attendre d'ici
� 2002 pour que ces pays producteurs de g�n�riques puissent exporter
massivement des copies.
A destination, par exemple, des 90 % des 24 millions de s�ropositifs
africains sans aucun soin. �C'est une victoire qui �tait impensable il y a
encore 6 mois, 6 semaines ou 6 jours, assure Ellen n'Hoen, de M�decins sans
fronti�res. On a fait travailler nos avocats sur la question du d�lai de
2002. D'ici l�, qui prendra le risque de s'�lever contre un pays qui
d�ciderait d'importer des copies?� Act up assure �qu'un engagement
juridique imm�diat� aurait lev� toute �ambigu�t�. �Un an, c'est 2,6
millions de morts du sida en plus, rien qu'en Afrique�, estime
l'association. Oxfam, une autre ONG, le sait bien, mais go�te son plaisir:
�C'est l'histoire du verre � moiti� plein, dit Michael Bailey, mais on le
d�guste�.
Comment les fils se sont d�m�l�s? �D�s le premier jour, 43 pays sur 142 en
ont fait un sujet crucial: 30 se rangeaient de n�tre c�t�, 10 �taient
derri�re les Etats-Unis, et 3 h�sitaient, d�taille Paulo Teixeira. Le
lendemain, parmi les 10, le Canada, la Nouvelle-Z�lande, et le Japon ont
parl� d'ouverture. A l'arriv�e, les Etats-Unis et la Suisse se sont
retrouv�s isol�s.� Surtout, les pays du Sud ont martel� le d�sir de ne pas
voir deux poids, deux mesures sur les Trips. �Il n'y a pas eu une r�union o�
on ne leur a pas rappel� qu'il leur avait fallu une semaine pour obtenir 14
millions de doses contre l'Anthrax.�
Du coup, le harc�lement sanitaire a fini par payer. Les versions ont �volu�.
Et les motifs de recours aux copies se sont �largis. Ainsi, de �pand�mie�,
on est pass� � ��pid�mie�. De �crise� de sant� publique, on a gliss� �
�probl�me� de sant� publique. �Depuis un an, le climat politique a chang� et
la pression n'est pas retomb�e�, note un d�l�gu� africain. Doha est devenu
l'�picentre de la r�plique du s�isme qui avait �branl� l'industrie
pharmaceutique lors du proc�s de Pretoria, en avril. �A l'�poque, les "big
pharma" s'�taient retrouv�es sous les flashs, rappelle Michael Bailey. A
Doha, la m�me chose s'est reproduite. En plus grand. Et les labos raffolent
de la lumi�re autant que les vampires adorent l'ail...�
Pour le Colombien German Velasquez (Lib�ration du 12 novembre), de
l'Organisation mondiale de la sant�, c'est surtout le sujet, symbole d'une
mondialisation � visage inhumain, �qui a vampiris� tous les d�bats � Doha.�
Il fallait donc en sortir, au plus vite.
�Pas coul�es�. Brian Ager, patron de l'industrie pharmaceutique europ�enne,
ne s'en remet d'ailleurs pas. D'un doigt viss� sur la tempe, il souffle:
�Ils sont fous, pourquoi ont-ils c�d�? �a y est, notre recherche est
vraiment menac�e. Pour les chauves, pour une grippe, on va faire des
copies!� Ager, qui repr�sente un univers qui p�se 340 milliards d'euros par
an, a le sentiment que tout vient de basculer. �Les 23000 labos indiens vont
se r�galer.� Un pessimisme que beaucoup ne partagent pas. �Les big pharma
sont touch�es mais pas coul�es�, relativise un d�l�gu� europ�en. Car le
compromis de Doha s'est limit� � la sant�. Et laisse de c�t� les autres
aspects de la propri�t� intellectuelle. L'Indienne Vandana Shiva, qui milite
depuis vingt ans contre la biopiraterie, assure ainsi que le �scandale� du
brevetage du vivant a �t� oubli�. �Le vol par les labos des semences et des
ressources g�n�tiques, qui apr�s les avoir brevet�es, nous les revendent au
prix fort, se poursuit.� Une br�che s'est ouverte, dans laquelle les pays du
Sud et les ONG vont s'engouffrer.