Société: Etat des lieux 2 ans après l’appel de Cotonou contre les faux
médicaments...
Transmis par Alexandre le Lundi 28 novembre 2011 à 09:31:31
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Etat des lieux 2 ans après l’appel de Cotonou contre les faux médicaments:
Le marché Adjégounlè continue de distribuer la mort au quotidien
Deux ans après la croisade annoncée contre les faux médicaments par 7 Chefs
d’Etat mobilisés autour de la Fondation Chirac à Cotonou, c’est le statut
quo. Et dans l’inaction des autorités béninoises, le marché de
commercialisation des faux médicaments s’agrandit multipliant ses victimes.
Dame Yabo s’affaire ce matin à servir ses nombreux clients venus
s’approvisionner en médicaments. Nous sommes deux ans après l’appel de
Cotonou contre les faux médicaments, à Adjégounlè en plein cœur du marché
international de Dantokpa, le plus grand centre de vente des faux
médicaments au Bénin.
Sous le regard passif des forces de l’ordre chargées de sécuriser le marché,
elle joue bien son rôle de pharmacienne improvisée malgré son incapacité
d’échanger avec ses clients en français. En me faisant passer pour un client
souffrant de la toux, elle n’a pas hésité à me proposer la thérapie
appropriée.
Selon ma bourse, dame Yabo me propose soit la Noscapine (600Fcfa) soit Royal
(200FCFA) un médicament qui n’est pas disponible dans les officines
pharmaceutiques officielles. Devant le fait accompli, j’ai dû m’acheter
alors Royal et alors, avec une assurance contagieuse, elle donne ses
prescriptions de façon péremptoire. « Vous prenez deux le matin et deux le
soir ». Dans le prochain hangar, « Maman Adi » est aussi acculée par ses
clients. Poussé par la curiosité, je lui présente une ordonnance médicale
sur laquelle les médicaments comme Broncathiol et Broncalène sont inscrits.
Un tour dans sa baraque et elle me les propose respectivement au prix
négociable de 2000 FCFA et 2200FCFA. L’écart entre les prix de ces produits
respectifs et ceux de la Pharmacie varie du simple au triple. Et c’est cette
différence de prix qui constitue l’appât de Dames Yabo et Maman Adi ainsi
que des centaines d’étalages proposant des produits pharmaceutiques aux
milliers de clients qui défilent devant leur boutique.
L’appel de Cotonou entre parenthèses
Et pourtant, l’une des recommandations fondamentales de l’appel de Cotonou
est de mettre fin immédiatement à la commercialisation des faux médicaments.
«… Considérons qu’un terme doit être mis le plus rapidement possible à la
production, au trafic international et à la commercialisation illicite des
faux médicaments », a mentionné l’appel de Cotonou contre les faux
médicaments.
Deux ans après, le défi reste entier pour l’Etat béninois. La Présidente de
l’Ordre des pharmaciens du Bénin, madame Toukourou Tidjani Moutiatou dénonce
avec véhémence, l’inaction du gouvernement. « Depuis l’appel de Cotonou,
aucune action n’a été engagée par les autorités compétentes pour arrêter ce
commerce illicite », affirme-t-elle «Aucune descente, encore moins aucune
saisie n’a été opérée pour dissuader les contrevenants », précise madame
Toukourou.
Le pire…
A ce jour, le Bénin ne dispose d’aucune statistique liée au cas spécifique
des victimes de l’usage des faux médicaments. L’Etat béninois, participant
actif de l’appel de Cotonou est aujourd’hui incapable de dire avec
précision, le pourcentage de ses citoyens rendus malades par la consommation
des faux médicaments. Et le Chef service des statistiques du Centre National
Hospitalier Universitaire Hubert Koutoukou Maga de Cotonou (CNHU HKM), la
seule référence en matière des maladies rénales d’ailleurs en est bien
conscient. « Il n’y a pas de statistique disponible liée aux victimes des
faux médicaments », affirme Michel GBETIN, Chef service des statistiques du
CNHU HKM.
Néanmoins, il a un justificatif à cette défaillance : « Il n’y a aucun suivi
de ces cas spécifiques pour que des statistiques soient établies à notre
niveau », a-t-il certifié avant d’ajouter qu’on ne pourrait avoir des
informations qu’au niveau des services de médecine. Mais là encore, aucun
dispositif de suivi statistique n’est mis en place. Pas de statistique donc.
Et le Docteur Ayadji en service à l’Unité de prise en charge des personnes
dialysées le certifie : « Nous ne pouvons pas donner de statistique. Pour
vous donner avec précision la statistique des victimes des faux médicaments,
il va falloir fouiller les dossiers de chaque patient, ce qui semble
pratiquement impossible à notre niveau», a-t-il avoué en liant cette
indisponibilité au manque de médecin qualifié.
« Nous sommes débordés par le nombre des malades qu’on nous affecte. Par
rapport à cela, nous ne pouvons pas laisser les malades pour réaliser encore
des statistiques. Ce n’est d’ailleurs pas notre rôle », s’est-il justifié
avant d’inviter les autorités compétentes à opérer des recrutements au sein
de son service.
Et pourtant, le dangereux poison continue de faire des victimes
Etant désormais en terre conquise, les faux médicaments continuent de
multiplier leurs victimes. La principale maladie qu’ils occasionnent chez
les consommateurs aux dires du Docteur Ayadji de l’Unité de Dialyse du CNHU
HKM se révèle être l’insuffisance rénale. « Des maladies dues à la
consommation des faux médicaments, ce n’est pas ce qui manque au CNHU »,
a-t-il ironisé.
En exemple, il cite le cas d’un de ses patients, un jeune homme de 17 ans
reçu il y a deux semaines. « Les diagnostics ont révélé que son insuffisance
rénale est due à la consommation des faux médicaments », a expliqué le
médecin. Et son cas était bien critique. Selon les témoignages du Docteur
Ayadji donc, le patient, du fait de la consommation des médicaments de la
rue ne parvenait plus à uriner. Dépassé par la gravité des symptômes qu’il
présentait, l’hôpital auquel il avait préalablement fait recours a dû le
transférer au CNHU, l’hôpital de référence. Et si par un coup de chance, ce
jeune homme a pu recouvrer sa santé, Hilaire qui avait souffert des mêmes
maux n’a pas eu la vie sauve.
Habitué à consommer des faux médicaments pour calmer ses maux, il a été
atteint non seulement d’une insuffisance rénale, mais de plusieurs autres
maladies auxquelles il a succombé après un mois d’hospitalisation passé au
CNHU. Aux dires du Docteur Ayadji, « le traitement de l’insuffisance rénale
est très onéreux ». Pour une séance de traitement, le malade doit pouvoir
débourser 120.000FCFA. Pour la suite, le montant passe à 55.000 FCFA mais il
faut un minimum d’un mois de traitement. Au terme du traitement, recouvrer
sa santé n’est pas non plus une certitude. « En cas de chance, le malade
récupère son rein.
Mais au cas contraire, il le perd et tombe donc dans une insuffisance rénale
chronique, c’est-à-dire contraint d’être soumis à la dialyse à vie. Au pire
des cas, il décède », a mentionné Docteur Ayadji. Mais face à cette réalité,
les gouvernants restent pour le moment inactifs. L’appel très médiatisé de
Cotonou lancé par la Fondation Chirac avec sept Chefs d’Etat et un nombre
impressionnant de personnalités politiques béninoises et étrangères contre
les médicaments contrefaits n’a donc rien changé au Bénin.
Quelques actions déclenchées contre les commerçants des médicaments de la
mort installés en plein cœur du Marché Dantokpa, la veille de cet appel,
puis plus rien. Les Béninois continuent alors de subir le diktat des
commerçants véreux qui distribuent au quotidien le poison mortel.
Donatien GBAGUIDI
Journal L'EVENEMENT PRECIS 28/11/11