[e-med] Ethique de la recherche: responsabilités des élites africaines

[article mentionné dans le papier du BMJ diffusé précédemment sur e-med]

Ethique du Nord, Ethique du Sud: responsabilités des élites africaines, Dechambenoit Gilbert
African Journal of neurological science
http://ajns.mine.nu/

Un article paru récemment dans le New England Journal of Medecine, « A New Colonialism? - Conducting Clinical Trials in India » dénonce la nouvelle politique adoptée par le gouvernement sur les essais cliniques pratiqués en Inde, ouvrant la porte ouverte à tous les excès (3). Plusieurs voix se sont élevées contre les essais cliniques réalisés par l'industrie pharmaceutique du Nord en direction des populations du Sud en relevant le cynisme des instigateurs. Jusqu'aux années 1990, les pays du Nord conduisaient ces tests sur leurs populations. Actuellement, les contraintes administratives, commerciales et éthiques sont telles que le mouvement de « délocalisations » des essais croît de manière exponentielle. Un quart des tests pharmaceutiques est effectué dans le Tiers Monde et le mouvement s'accélère. Le « Washington Post » décrit « une chasse au corps humain » Quel scandale ! Les pauvres sont de nouveau abusés par les riches !! Mais à bien y réfléchir, la responsabilité n'est-elle pas partagée ? Les pays du Sud qui ont accepté ce type de contrat ne sont-ils pas coupables de légèreté, voire de complicité, avec ces actes potentiellement criminels ?

L'essai d'un traitement préventif contre le sida mené sur des prostituées à Douala (Cameroun) depuis mai 2004 par l'ONG américaine Family Health International (FHI) et les laboratoires Gilead a suscité une polémique légitime. Il s'agissait d'administrer à ces prostituées un comprimé de tenofovir (Viread*) afin de vérifier son éventuelle efficacité dans la prévention contre la contamination par le VIH. La prise en charge thérapeutique de ces femmes, véritables cobayes, contaminées au cours de l'essai n'était pas assurée. Les autorités administratives ont clamé leur bonne foi en avançant qu'« il faut éviter l'amalgame et séparer les questions éthiques des questions humanitaires. » Ce propos incompréhensible et irresponsable laisse pantois !

La même étude est menée actuellement au Ghana (Tema), au Botswana et au Malawi.

Le Cambodge. Un « petit » pays. Pays pauvre parmi les plus pauvres de la planète, saigné par un autogénocide ayant emporté dans des fosses communes un quart de sa population, déchiré de manière permanente par des combats politiques de conquête de pouvoir a dit non à l'étude accepté par des pays africains. Comment expliquer que le Cameroun, le Ghana, le Botswana, le Malawi aient cédé avec une telle facilité ? Le label de la Fondation de Bill et Melinda Gates y est peut-être pour quelque chose. Le choix d'une économie libérale débridée, dite de « marché » sans entrave socio-politique promue par l'Ecole de Chicago et dénoncée avec justesse par le prix Nobel d'économie, J. STIGLITZ ( 5 ) peut expliquer le choix de l'Inde et il en sera de même pour l'Afrique car la recette de la « libéralisation » économique est imposée comme étant la panacée.

L'exemple du Cambodge balaie l'argument financier. Le manque d'information, de formation du monde médical africain a très vraisemblablement contribué à la mise en place de cet essai. Mais il y a également le manque de confiance en soi, lié à la récurrente problématique identitaire africaine qui mène de facto à une capitulation. Il y a certes une responsabilité des gouvernements africains, mais la responsabilité de l'élite africaine scientifique ne peut être exclue. Comment expliquer que sur près de 260 « travaux de recherche», selon un chercheur membre du Comité d'éthique du Cameroun, 60 % de ces tests sont « pirates » !! ( 4 ) Défaut de vigilance ? Manque de courage ? Corruption ? Inhibition identitaire ? Un peu de tout cela.

JP CHIPPAUX, chercheur à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) dans son ouvrage « La pratique des essais cliniques en Afrique » définis ainsi les critères éthiques de la recherche clinique ( 2 ) :
- valeur sociale ou scientifique (mesure de l'efficacité d'une intervention) ;
- validité scientifique ;
- sélection des sujets (avec choix de population pertinent et une protection des populations vulnérables ou exploitables) ;
- rapports risque/ bénéfique favorable ;
- évaluation indépendante (et notamment évaluation des conflits d'intérêts) ;
- consentement informé ;
- respect des sujets (avec possibilité de retrait à tout moment sans pénalité, confidentialité des informations, sécurité des sujets, communication des résultats aux participants).

L'explosion de la société traditionnelle africaine, bâtie autour d'une hiérarchie coutumière mêlant à la fois communautarisme et gérontocratie, fait les frais de l'inéluctable intrusion par effraction de la modernité en s'offrant comme un ventre mou. Le positionnement dans une société se construisant avec célérité, redistribue dans le désordre les rôles, sur une base mercantile dont on connaît la labilité et l'opportunisme. Les moyens pour accéder en haut de l'échelle sociale ne répondent à aucune règle éthique. La fin ne justifie pas les moyens. Il faut s'approprier des biens matériels de manière gloutonne. Le lucre étant élu roi. Les acteurs du ballet macabre autour d'une population agonisante sont certes les politiciens à courte vue, guidées « par le ventre » bien décrit par le politologue avisé, JF BAYART ( 1 ). Mais l'exemple des essais thérapeutiques dévoile d'autres corps sociaux comme acteurs. En particulier, les élites qui démissionnent.

La responsabilité de l'élite est d'être en permanence en éveil, de scruter autant l'horizon que le pas-de-porte afin de déceler, d'alerter, de dénoncer les potentiels dangers qui peuvent ébranler la Cité surtout lorsque cette responsabilité concerne le domaine médical.

Les aspects moraux défendus par léthique se sont toujours opposés aux
   phénomènes économiques et politiques voire idéologiques. Le procès de
   Nuremberg a été une occasion où le droit a fait triompher léthique. Il
   nous a appris quun essai pour être éthique doit être justifié (utile
   au malade ou à la santé publique par la connaissance quil apporte), il
   doit avoir un rapport bénéfice-risque acceptable pour le sujet qui y
   est soumis et il doit respecter le droit daccepter ou de refuser de se
   soumettre à lexpérimentation (consentement éclairé). Dans les pays où
   des contre-pouvoirs existent à travers une mobilisation permanente
   dassociations de professionnels et de groupes de consommateurs, un
   contrôle de lobservance du minimum des règles éthiques est possible.
   Malheureusement, dans les pays en voie de développement où lexpression
   est bâillonnée, lintelligence est pourchassées par des dictatures,
   lélite devient alors démissionnaire pour défendre sa propre survie,
   elle ne réfléchit plus par conséquent aux problèmes de la société,
   mais à comment sen sortir au quotidien . La pauvreté vient se
   surajouter à cette volonté inébranlable faite de nihilisme politique
   comme pour mieux aggraver le désarroi de la population. De quelle
   éthique pouvons-nous parler lorsque lEtat de droit est inexistant ?
   Léthique est le fruit de nos gains en liberté et en droits de lHomme.
   La seule chose possible pour les chercheurs cest de promouvoir des
   organismes de contrôle des essais cliniques à priori en protégeant
   autant que faire se peut, les malades contre les abus de promoteurs
   dessais (formations à léthique, contrôle que les compétences requises
   existent, contrôler les rémunérations des investigateurs, former à
   lélaboration de protocoles). Un contrôle à posteriori (veiller à la
   publication de lessai clinique et à évaluer sa qualité informative),
   il doit satisfaire au moins nos besoins en savoir. Nous pouvons aussi
   veiller à exiger des prises dassurances par le promoteur dessais
   cliniques, afin dassurer des réparations pour déventuels dommages
   causés aux malades. Toutes ces obligations doivent être inscrites aux
   cahiers des charges dessais cliniques. Un registre national des essais
   cliniques doit assurer une traçabilité pour éviter des essais de
   complaisances faits par certains de nos confrères indélicats.

   Professeur A. HELALI
pharmacomateriovigilancedz@hotmail.com
   Directeur du Centre National de Pharmacovigilance et de
   Matériovigilance

   Alger

Encore un bon penseur du nord qui donne des leçons au sud....

Pourquoi les essais n'auraient lieu qu'au nord?

Pourquoi les malades du sud n'auraient pas droit aux avantages divers
que procurent un essai autant pour les personnes que pour les
institutions?

Pourquoi l'avis des médecins, religieux et penseurs du sud auraient
moins de valeur que ceux du nord?

Les malades sont plus nombreux au sud qu'un nord il est donc logique que
les essais y soient plus nombreux sans y voir systématiquement qu'un
intérêt commercial.

Les essais de modes de prévention doivent se faire sur des personnes qui
prennent des risques d'où l'essai tenofovir en Afrique et au Cambodge
mais aussi sur des cohortes de gays nord américains ce qui est occulté.

Que ces bons penseurs aillent peendant leurs vacances sur le terrain de
ces essais pour superviser la bonne application des règles
déontologiques et/ou éthiques plutôt que faire des beaux discours dans
des revues qui ne sont, de toutes façons, pas lues par les personnes
concernées.

Dr Jean Loup REY
ESTHER
36 rue de Charenton
75012 Paris
01 53 17 51 59
jean-loup.rey@esther.fr

A propos de revues il s'agit du B.M.J et du N.E.J.M et ce n'est pas rien, quant aux autres revues non indépendantes dont parle l'auteur je ne les lis pas. Les penseurs de vacances sont des hommes de terrains.
Le discours me rappèle une certaine époque où l'on allait outre-mer pour ramener des esclaves et des biens sortis des entrailles de la terre, j'espère que l'on ne refera pas le voyage au 21e pour ramener des résultats thérapeutiques sortis des entrailles d'humains. A chacun sa philosophie et l'Histoire en jugera.

   A. Helali