E-MED: (2) Comment soigner les pays du Sud ?
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[Mod�rateur: voici une copie des articles que je citais hier et publi�s par
Les Echos, le Quotidien de l'Economie. Il semble pr�parer les investisseurs
� l'existance de fonds de placements "�thiques"...CB]
Dossier industrie
Ethique
Catherine Ducruet
- Comment soigner les pays du Sud ?
Les maladies infectieuses constituent aujourd'hui la principale cause de
mortalit� dans le monde avec 17 millions de victimes chaque ann�e. Affectant
principalement les pays en voie de d�veloppement, elles sont en
recrudescence depuis les ann�es 60. Depuis deux ans toutefois, en raison
surtout de l'ampleur prise par l'�pid�mie du sida qui touche � 90 % les pays
en voie de d�veloppement, on assiste � un d�but de mobilisation
internationale. En effet, sur les 34,3 millions de personnes vivant avec le
virus, moins de 10 % sont diagnostiqu�s et ont acc�s aux soins, et les pays
d�velopp�s ont peu � peu pris conscience que cela constituait � une menace
pour la paix et la stabilit� internationale �, selon les termes employ�s en
janvier 2000, lors de la r�union du Conseil de s�curit� de l'ONU. Le Fonds
international sida-sant� qui a �t� lanc� en avril 2001 par Kofi Annam,
secr�taire g�n�ral des Nations unies, pour lutter contre le sida, la
tuberculose et le paludisme, dont le but est de r�unir 7 milliards � 10
milliards de dollars par an ; Global Alliance for Tuberculosis Drug
Development qui a rassembl� 150 millions de dollars sur cinq ans et associe
des laboratoires pharmaceutiques comme Aventis, GlaxoSmithKline et
AstraZeneca... sont autant d'exemples d'initiatives internationales.
Mais les niveaux de prix pratiqu�s par les grands groupes pharmaceutiques,
�tablis dans le contexte des march�s des pays d�velopp�s, constituent quant
� eux un d�ni d'acc�s. C'est surtout le caract�re hors du commun de
l'�pid�mie du sida qui a forc� les laboratoires � r�agir. Le programme
Access lanc� en mai 2000 � l'initiative de cinq organisations
internationales (Onusida, Banque mondiale, OMC, Unicef et le Fonds des
Nations unies pour le d�veloppement) et cinq laboratoires pharmaceutiques
(Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, GlaxoSmithKline, Merck et
Roche), apr�s une mise en place laborieuse a finalement �t� sign� par une
dizaine de pays. Il a permis, selon l'industrie pharmaceutique, � des
r�ductions de prix de 80 � 95 % du prix de certaines mol�cules � dans les
pays signataires. � La lutte contre le sida dans les pays en voie de
d�veloppement est extr�mement complexe : difficult� de signer avec les
Etats, insuffisance des structures de soins, lourdeur de mise en oeuvre des
programmes d�cid�s par les organisations internationales �, expliquent ces
m�mes industriels pour justifier des lenteurs. � Tout cela est vrai, mais,
objecte Pierre Chirac, pharmacien de sant� publique � M�decins sans
fronti�res, il n'est pas n�cessaire d'attendre d'�tre capable de traiter des
centaines de milliers de personnes pour en traiter quelques milliers. Il
faut adapter les m�thodes de diagnostic et de suivi. La v�rit�, c'est que
les laboratoires pharmaceutiques dans l'ensemble sont hostiles aux baisses
de prix, m�me
si certains font preuve de davantage d'ouverture. Ils pr�f�rent toujours
donner de fa�on ponctuelle plut�t que de s'engager dans des processus dont
ils n'ont plus ensuite la ma�trise totale. Leur grande crainte, c'est de
voir les baisses de prix contaminer le march� am�ricain, o� les fractions
les plus d�laiss�es de la population ne sont pas dans une situation tr�s
diff�rente de celle du tiers-monde. L'industrie redoute que les associations
de consommateurs ne se saisissent de l'affaire. � Quant aux importations
parall�les, souvent agit�es par les groupes pharmaceutiques, les ONG
affirment qu'elles restent n�gligeables. Cela ne les emp�che pas, de toutes
fa�ons, de se battre pour une double tarification pays d�velopp�s-pays du
Sud et pas seulement pour les m�dicaments contre le sida. � Les baisses de
prix sont loin de tout r�soudre mais sans elles rien n'est possible �,
r�sume Pierre Chirac.
Tirer les prix vers le bas
Et puis d'autres mesures sont envisageables pour am�liorer l'acc�s des pays
en voie de d�veloppement aux m�dicaments. Outre l'exploitation des
am�nagements � la l�gislation sur les brevets pour favoriser les g�n�riques
(lire ci-dessous), la n�gociation de contrats d'approvisionnement en gros,
via les ONG ou des organismes comme les Nations unies ou l'Unicef, doit
permettre de tirer les prix vers le bas. Enfin il est clair qu'� terme le
d�veloppement de capacit�s de production nationales permet une meilleure
ma�trise de l'approvisionnement et constitue un moyen de pression dans les
n�gociations avec les laboratoires occidentaux, comme en t�moigne l'exemple
du Br�sil.
En fait, le probl�me le plus difficile concerne le traitement des maladies
qui n'affectent que les pays insolvables. Depuis la d�colonisation, les
laboratoires pharmaceutiques ont abandonn� la recherche sur les maladies
tropicales. Quant � l'arm�e am�ricaine, grand commanditaire de recherche
publique, elle op�re d�sormais davantage dans des r�gions s�ches ! � Il
existe encore des comp�tences en recherche dans le public et un savoir-faire
dans le priv� mais ils ne sont pas exploit�s, d�plore-t-on chez MSF,
il faut imaginer des solutions. � L'industrie pourrait par exemple donner
acc�s � ses biblioth�ques de mol�cules, ou faire une partie du d�veloppement
sous forme de prestations de services. On peut aussi imaginer un dispositif
de m�me nature que celui qui a �t� adopt� pour les maladies orphelines...
Finalement, avec un peu plus de souplesse, les laboratoires pharmaceutiques
pourraient contribuer plus efficacement � une meilleure prise en compte des
besoins des plus d�munis, m�me s'il n'est pas de leur ressort de r�soudre
les probl�mes de solvabilit�. Alors pourquoi ne le font-ils pas ? Pas
forc�ment par indiff�rence mais bien plut�t par crainte des investisseurs
qui scrutent leurs r�sultats, pr�ts � vendre au moindre fl�chissement des
b�n�fices. Difficile dans ces conditions de d�velopper des activit�s
de moindre rentabilit�. La balle semble donc bien dans le camp des
investisseurs pour qu'ils prennent davantage en compte les crit�res
�thiques.
Pour en savoir plus : dossier du Syndicat national de l'industrie
pharmaceutique, 19 juin 2001 : � Acc�s des pays en voie de d�veloppement aux
m�dicaments : lieux communs et r�alit�s �.
- Adapter la l�gislation des brevets � la situation des pays pauvres
n mati�re de propri�t� industrielle, les m�dicaments innovants b�n�ficient
gr�ce aux brevets d'une exclusivit� commerciale pour une dur�e de vingt ans
� compter de la date de d�p�t de la demande de brevet. Compte tenu des
d�lais n�cessaires au d�veloppement d'une nouvelle mol�cule (dix ans), des
sommes qui doivent y �tre consacr�es (500 millions de dollars) et du risque
encouru (seule 1 mol�cule sur les 5.000 � 10.000 initialement s�lectionn�es
donnera un m�dicament), le syst�me des brevets semble
pleinement justifi�.
Suite aux accords de Marrakech en 1995, les pays comme la Chine, le Br�sil
ou l'Inde, qui ne reconnaissaient pas jusque-l� les brevets, ont accept� de
s'y plier d'ici � 2006. Toutefois, imposer � l'ensemble de la plan�te les
r�gles occidentales n'est acceptable que si des am�nagements sont consentis
pour tenir compte de la diversit� des niveaux de d�veloppement. Un �quilibre
doit �tre trouv� entre les droits du titulaire du brevet et l'int�r�t
public. C'est pourquoi l'accord TRIPS permet aux Etats de
pr�voir dans leur l�gislation diff�rentes formes de licences obligatoires.
En position de force
Selon l'article 31 des accords TRIPS, une licence obligatoire peut ainsi
�tre accord�e par une autorit� administrative ou un tribunal, � condition
qu'une licence volontaire n'ait pu �tre obtenue et qu'une r�mun�ration
ad�quate soit vers�e au titulaire du brevet. Cette licence peut �tre
exploit�e dans le pays lui-m�me s'il dispose des capacit�s de production ou,
pour les pays qui en sont d�munis, conc�d�e au tiers ext�rieur offrant les
prix les plus attractifs, la production �tant ensuite r�import�e. Or,
l'article 31, qui stipule que toute utilisation d'une licence obligatoire
sera autoris�e principalement pour l'approvisionnement du march� int�rieur,
porte en lui-m�me une contradiction : comment les pays les plus pauvres
trouveront-ils des capacit�s de production suffisantes si des pays comme le
Br�sil ou l'Afrique du Sud, d�tenteurs de licences obligatoires, ne peuvent
produire que pour leur march� int�rieur ? L'industrie pharmaceutique
occidentale en revanche est tr�s attach�e � cette disposition destin�e �
limiter les importations parall�les.
Si le Br�sil peut actuellement approvisionner d'autres pays en
antir�troviraux, c'est qu'il s'agit de mol�cules dont il ne reconna�t pas
les brevets jusqu'en 2006. Mais au-del� de cette date cela ne sera plus
possible sauf si la mol�cule est tomb�e dans le domaine public.
Des ONG comme M�decins sans fronti�res (MSF) plaident donc pour un
r�am�nagement de l'article 31. � Les laboratoires pharmaceutiques
occidentaux sont de toutes fa�ons hostiles au syst�me des licences
obligatoires, observe Pierre Chirac, pharmacien de sant� publique � MSF, car
ils sont tr�s soucieux de conserver la ma�trise sur leur politique de
licence. Le suisse Roche a ainsi finalement pr�f�r� accorder au Br�sil une
licence volontaire sur le Viracept (nelfinavir) � des conditions peu
avantageuses pour lui plut�t que de tomber sous le coup d'une licence
obligatoire. � Il faut dire qu'avec sa capacit� reconnue � produire des
g�n�riques le Br�sil est davantage en position de force que les pays sans
infrastructure industrielle.
ECONOMIE
- Antir�troviraux : la baisse possible des prix
Ces m�dicaments peuvent constituer des traitements pertinents pour certaines
populations des pays pauvres.
'id�e que les pays les plus pauvres puissent recourir sur une large �chelle
aux traitements antir�troviraux para�t � premi�re vue largement irr�aliste.
Les co�ts de ces traitements sont en effet hors de port�e des budgets de
sant� de ces pays dont les structures sanitaires sont de surcro�t le plus
souvent quasi inexistantes. En outre, en dehors de leur utilisation
�ventuelle pour la pr�vention de la transmission materno-foetale du VIH, les
antir�troviraux ne semblent pas a priori constituer un choix �conomique
rationnel compar�s aux usages alternatifs qui pourraient �tre faits des
maigres ressources que ces pays peuvent affecter � la sant�. Pourtant, si on
estime qu'il est possible de remettre en cause le postulat selon lequel le
prix de ces m�dicaments doit rester �lev�, on change compl�tement la donne
et ils peuvent alors devenir un choix �conomique rationnel pour certains
groupes de patients ou encore de populations.
Or � les laboratoires pharmaceutiques peuvent baisser les prix de ces
m�dicaments �, explique Jean-Paul Moatti, professeur d'�conomie de la sant�
� l'universit� de la M�diterrann�e (Marseille), combinant les apports de la
th�orie �conomique et d'une r�cente �valuation sous l'�gide de l'Agence
nationale de recherche contre le sida (ANRS), de l'initiative
Onusida-minist�re ivoirien de la Sant� publique, sur l'acc�s aux traitements
VIH-sida en C�te d'Ivoire. � Et cela, sans mettre en p�ril les �quilibres
�conomiques car le march� mondial du m�dicament est loin d'�tre caract�ris�
par la libre concurrence. � D'une part, les laboratoires sont en mesure
d'imposer des prix �lev�s pour les mol�cules prot�g�es par des brevets car
ils doivent amortir les d�penses tr�s �lev�es de R&D qu'ils ont d� consentir
pour mettre au point ces mol�cules. D'autre part, la situation d'oligopole -
qui est de fait celle du march� de ces m�dicaments - leur permet d'appliquer
des prix diff�rents selon les clients ou les march�s. � Cette possibilit� de
discrimination par les prix pourrait �tre retourn�e en faveur d'une baisse
des prix sur les march�s du Sud. Il est m�me envisageable que les groupes
pharmaceutiques trouvent leur compte dans l'essor d'un march� dans les pays
en voie de d�veloppement, n� de la baisse des prix des traitements. � Si on
consid�re en effet, qu'en l'�tat actuel des choses, les d�penses de
recherche sont amorties gr�ce aux prix pratiqu�s sur les march�s des pays
d�velopp�s, il suffirait que les laboratoires
conservent une marge minime sur les volumes vendus dans les pays en voie de
d�veloppement pour accro�tre leurs b�n�fices par rapport � une situation o�
ils ne vendent rien. � Si seulement 10 % des personnes infect�es par le VIH
en Afrique �taient en mesure d'assumer un traitement � 500 dollars par an,
cela repr�senterait un march� additionnel de plus de 3 millions de personnes
�, souligne Jean-Paul Moatti. Toutefois, les laboratoires pharmaceutiques ne
sont gu�re enclins � accorder spontan�ment des baisses de prix, si on va
au-del� des simples d�clarations d'intention. � Celle de mai 2000 faite par
cinq laboratoires [Boehringer Ingelheim, Bristol Myers Squibb,
GlaxoSmithKline, Merck et Roche] par exemple, n'a pas eu de traductions
concr�tes en C�te d'Ivoire, se souvient Jean-Paul Moatti, ce sont plut�t les
pressions de la concurrence effective ou virtuelle exerc�e par les
producteurs de g�n�riques sur le plan international et l'�motion suscit�e
dans l'opinion publique par l'action intent�e contre le Br�sil
devant l'OMC et le proc�s intent� par Pretoria qui semblent avoir provoqu�
des annonces unilat�rales de baisses de prix. � Et quand il existe une
capacit� de production nationale de ces g�n�riques les baisses de prix
peuvent �tre spectaculaires : de l'ordre de 70 % � 80 % comme c'est le cas
au Br�sil, alors que les baisses demeurent marginales tant que n'existe pas
une capacit� nationale d'approvisionnement.
Acceptables pour les laboratoires pharmaceutiques, ces nouveaux param�tres
transforment aussi le rapport co�t/efficacit� des traitements.
Une logique de comparaison
Dans les pays en voie de d�veloppement, il n'existe pas pour l'instant
d'�valuation bas�e sur des donn�es r�elles observ�es directement sauf en
mati�re de pr�vention de la transmission materno-foetale du VIH. Dans ce
cas, le ratio co�t/efficacit� des r�gimes antir�troviraux courts se compare
tr�s favorablement avec les traitements alternatifs pratiqu�s. � En dehors
de cet exemple pr�cis, la principale �tude publi�e � ce jour, repose sur des
simulations combinant un mod�le �pid�miologique appliqu� au cas de l'Afrique
du Sud et des donn�es de la litt�rature �. Or sur la base des donn�es
actuelles, largement incertaines, le ratio co�t par ann�e de vie associ�e
aux multith�rapies est d'un ordre de grandeur dix fois sup�rieur � celui de
la prophylaxie des infections opportunistes. Dans l'hypoth�se de baisses
significatives des prix des mol�cules (au-dessous de 1.000, voire de 500
dollars par an et par personne) et dans des groupes de patients aux
caract�ristiques virologiques et immunologiques mieux d�finies, les co�ts
marginaux par ann�e de vie gagn�e gr�ce aux antir�troviraux pourraient �tre
r�duits d'un facteur 10 et se comparer tr�s favorablement � de nombreuses
autres approches th�rapeutiques, notamment le traitement des infections
opportunistes.
De plus, il faudrait dans une logique de comparaison des strat�gies de
minimisation des co�ts, prendre en compte les co�ts indirects (pertes de
production li�es � la maladie et possibilit�s de gains permis par le retour
� une activit� productive pour les personnes trait�es). Cela renforce la
possibilit� que les antir�troviraux puissent dans certains cas �tre
globalement moins co�teux pour la collectivit�. � En Ouganda, o� l'�pid�mie
fait des ravages, les employeurs ne s'y sont d'ailleurs pas tromp�s. Apr�s
avoir fait leurs comptes, ils sont ainsi pr�ts � financer les traitements de
leurs salari�s, comme cela se pratique d�j� en Afrique du Sud �, conclut-il.
Pour en savoir plus : � L'acc�s aux traitements VIH-Sida en C�te d'Ivoire �,
�dition ANRS.
ESSAIS CLINIQUES
- Vaccin : les d�licats probl�mes de phase III
Les essais d'efficacit� seront surtout r�alis�s dans les pays du Sud,
accroissant les probl�mes �thiques.
En d�pit des progr�s consid�rables accomplis dans le traitement du sida
gr�ce aux trith�rapies, la recherche d'un vaccin, efficace, peu co�teux et
simple d'utilisation demeure un objectif incontournable de la lutte contre
la maladie. La mise au point d'un tel vaccin se heurte toutefois � de
nombreuses difficult�s techniques : impossibilit� d'utiliser les recettes
vaccinales classiques (virus tu� ou att�nu�), absence de mod�le animal et
absence de protection naturelle contre le virus (le vaccin se devant de
r�aliser ce que la nature n'a pu faire). � Ces obstacles rendent encore plus
indispensables le recours aux essais cliniques (c'est-�-dire sur l'homme
NDLR), notamment de phase III, au cours desquels l'efficacit� du candidat
vaccin est test�e sur des populations importantes, souligne Yves Souteyrand,
�conomiste � l'Agence nationale de recherche contre le sida (ANRS).
Actuellement, seuls deux essais de ce type sont en cours, l'un aux
Etats-Unis et l'autre en Tha�lande. Leur bien-fond� suscite pourtant une
vive controverse. Les uns estiment que, compte tenu de l'ampleur de
l'�pid�mie dans certains pays, notamment les plus pauvres, ces essais sont
justifi�s, ne serait-ce que par le d�veloppement d'infrastructures, toute
action �tant pr�f�rable � l'inaction. D'autres, comme Jean-Paul Levy,
directeur de l'Institut Cochin de g�n�tique mol�culaire et ancien directeur
de l'ANRS, estiment que ces essais sont non seulement inutiles (les vaccins
test�s reposent sur une approche consid�r�e aujourd'hui comme obsol�te) mais
de plus en plus dangereux car ils sont susceptibles de d�clencher la
production d'anticorps � facilitants �, qui au lieu d'am�liorer la
protection immunitaire jouent un r�le de cheval de Troie.
Mais, m�me en supposant qu'il s'agisse d'un candidat vaccin irr�prochable au
plan scientifique, la r�alisation d'essais de phase III, dans le domaine du
sida, soul�ve d'importantes questions �thiques, d'autant que l'essentiel des
futurs essais devrait avoir lieu dans les pays en voie de d�veloppement, en
raison notamment de la plus grande facilit� � r�unir des cohortes
importantes de sujets � risque.
Une d�marche occidentale
� Au moins faut-il �viter toute forme d'exploitation des pays h�te, souligne
Yves Souteyrand. Cela suppose, en particulier, que les normes �thiques
appliqu�es ne soient pas d'un niveau inf�rieur � celles en vigueur dans le
pays financeur et que la recherche soit soumise � une double �valuation du
pays h�te et du pays financeur. �
Le recrutement des volontaires dans les pays du Sud pose notamment un
certain nombre de probl�mes sp�cifiques. Le consentement �clair� qui en est
la pierre angulaire implique une information compl�te sur les objectifs de
l'essai et les risques qu'encourt le patient, avec notamment l'existence
d'un groupe placebo. � La notion de b�n�fice li�e � la participation � un
tel essai demeure en revanche floue et ne doit pas inciter les personnes �
augmenter leur prise de risque �, poursuit-il.
Or l'essai clinique est une d�marche typiquement occidentale et des notions
complexes comme le vaccin, l'immunit� ou la s�ropositivit� sont difficiles �
transmettre car elles peuvent heurter certaines conceptions de la maladie ou
de la contagion. Autre r�gle : participer � un essai clinique rel�ve d'une
d�cision individuelle. � Mais cela n'a pas le m�me sens en France et en
Afrique par exemple, o� l'influence du groupe (village, communaut�, ethnie)
est beaucoup plus importante. Il peut donc �tre n�cessaire d'obtenir un
agr�ment collectif de l'essai mais tout en �vitant que le groupe n'exerce
une pression trop forte sur tel ou tel. �
Enfin, quelle prise en charge adopter avec les personnes qui seront
contamin�es au cours de l'essai ? La d�claration d'Helsinki stipule que �
dans toute �tude m�dicale, chaque patient doit �tre assur� de b�n�ficier des
meilleures m�thodes th�rapeutiques et diagnostics possibles �. Mais
s'agit-il de celles en vigueur dans les pays du Nord ou de celles des pays
h�tes, c'est-�-dire � peu pr�s rien ? � Le plus juste semble de prendre en
compte la norme de soin la plus ambitieuse mais, dans ce cas, outre des
incidences �conomiques non n�gligeables, elle d�veloppe une nouvelle forme
d'in�galit� � l'int�rieur du pays h�te entre ceux qui participent � l'essai
et ceux qui n'y participent pas �, conclut Yves Souteyrand.
- La tol�rance au Bactrim r��valu�e en Afrique
En Afrique, la principale cause de mortalit� des s�ropositifs est la
tuberculose, contre laquelle les traitements pr�ventifs font aujourd'hui
d�faut. Mais des maladies bact�riennes et parasitaires, comme la
toxoplasmose, font �galement des ravages. Pour pr�venir ces infections
opportunistes, un m�dicament bon march� (moins de 100 francs par an), le
Bactrim (cotrimoxazole), est maintenant prescrit dans les dispensaires
d'Afrique de l'Ouest. Cette utile avanc�e ne s'est pourtant pas faite sans
de vives
controverses �thiques.
Elles d�butent le 14 novembre 1996, lorsque � Le Monde � consacre une pleine
page � � l'�tude men�e par l'Agence nationale de la recherche contre le sida
(ANRS) au S�n�gal et en C�te d'Ivoire pour �valuer l'efficacit� du Bactrim.
L'article met en doute la pertinence d'une comparaison cotrimoxazole contre
placebo, ce qui exclut des b�n�fices attendus du m�dicament la moiti� des
patients, alors que le Bactrim est d�j� prescrit aux sid�ens des pays
industrialis�s depuis les ann�es 80. Les promoteurs de l'essai r�torquent
que la situation africaine diff�re sur au moins deux points : les infections
frappant les sid�ens africains ne sont pas les m�mes et la tol�rance au
Bactrim, parfois mauvaise en Europe, doit �tre r��valu�e en Afrique du fait
d'une situation sanitaire �videmment bien diff�rente.
En mars 1998, les opposants � l'essai Bactrim triomphent : l'exp�rience est
interrompue � pour cause de bons r�sultats �, rendant injustifiable
�thiquement la poursuite d'un traitement placebo. Et depuis, l'Organisation
mondiale de la sant� (OMS) et Onusida recommandent la d�livrance
syst�matique du m�dicament aux s�ropositifs africains.
Le contexte sanitaire
A posteriori, l'association Act-Up, dont la branche africaine s'est montr�e
tr�s active durant la pol�mique, reconna�t aujourd'hui que � ces essais ont
eu l'avantage d'initier une prescription massive de Bactrim, m�me si le
caract�re scandaleux du placebo, dans ce cas, demeure. � Une s�v�rit� que le
docteur Xavier Anglaret, coordinateur de l'essai de l'ANRS � Abidjan, juge
naturelle de la part d'une association de malades, mais injustifiable
scientifiquement. � Tout m�dicament doit �tre �valu� dans un contexte
sanitaire donn� �, argumente-t-il. Les faits semblent lui donner raison.
Malgr� les recommandations de l'OMS, certains Etats d'Afrique de l'Est comme
le Malawi rechignent aujourd'hui � prescrire syst�matiquement le Bactrim...
parce que son efficacit� n'a pas �t� d�montr�e dans leurs pays.
� Les Echos 2001
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