[e-med] Hôpital Yalgado Ouédraogo : Y a-t-il péril en la demeure ?

Hôpital Yalgado Ouédraogo : Y a-t-il péril en la demeure ?
lundi 11 août 2008.

Comme un chasseur en quête de gibier, le fusil à l'épaule, je me promenais
le 06 août dernier, la plume en poche, en quête d'informations à l'Hôpital
Yalgado Ouédraogo. Pour sûr, je ne pouvais pas manquer de quoi satisfaire ma
passion : l'information, dans ce lieu qu'en construisant dans les années
post-indépendance, le premier Président Maurice Yaméogo était certainement
loin de se douter qu'il acquérrait une réputation maffieuse à tout casser.

Alors que j'observais et m'enquérrais ici et là de quelques informations,
j'appris qu'une note de service datée du 8 mai 2008 prise par Mme Naré née
Ouédraogo Christine, ex patronne des lieux, imposait de payer une somme de
5.000 fcfa par jour pour bénéficier de l'oxygène. Alors que je cogitais sur
les conséquences dramatiques d'une telle note, si elle était avérée, on me
demanda d'aller voir sur le panneau d'affichage où se trouvait une autre
note d'une dangerosité aussi inquiétante que celle relative à l'oxygène.

Sitôt dit, sitôt fait : cette note en date du 17 juillet 2008 que je pus
lire, signée par la Directrice sortante, était effectivement placardée,
informant de la suspension provisoire des livraisons de la Centrale d'Achat
des Médicaments Essentiels Génériques et des Consommables Médicaux (CAMEG) à
l'hôpital. J'ai voulu, vous le comprendrez, en savoir plus sur ces cas.

Je me suis d'abord rendu à la CAMEG. Là, c'était l'atmosphère des vacances.
Je me retrouvai nez à nez avec Mme Hien du Service du recouvrement et du
contentieux. Point de Directeur. « A défaut de sa mère, on tête sa
grand-mère ! ». Je me confie donc à cette dernière : « Est-ce vrai que la
CAMEG a suspendu ses livraisons à l'hôpital Yalgado, essentiellement fait de
médicaments et consommables médicaux techniques ? ». Elle me répond
d'abord : « Vous savez, je suis en congé et je suis simplement venue pour
apurer les instances ». Mais elle rajoute tout de même : « Je crois qu'il
n'en est rien ; ce sont des problèmes de routine ».

Mais sans doute que ma démarche valait son pesant d'or puisque, quelque
temps après, j'eus droit à un coup de téléphone du Directeur de la CAMEG
lui-même. Je pus obtenir un rendez-vous.

De nos échanges, j'ai clairement senti que Mr Lazare Banssé, le patron de la
CAMEG, était surpris de la Note de service de l'ex Directrice de Yalgado. Il
y a vu, me semble-t-il, un coup bas, une volonté de jeter la CAMEG en pâture
à l'opinion en cachant le fond du problème. Et il se mit en devoir
d'éclairer ma lanterne.

L'hôpital reste redevable à la CAMEG de la rondelette somme de 399 559 470
FCFA, somme relative au cumul des factures des années 2006, 2007 et 2008. Il
soutient qu'une première lettre en date du 29 mai 2008 attirait déjà
l'attention de la DG du CHU-YO sur le fait que l'hôpital devait la somme de
359 838 212 FCFA mais que les livraisons de sa structure en médicaments ont
continué jusqu'à la seconde lettre interpellative du 2 juillet 2008
enjoignant l'hôpital de payer, qui a précédé la dernière servie et libellée
ainsi : « Compte tenu des difficultés de règlement qui se présentent à votre
niveau, nous vous informons que votre compte est bloqué jusqu'à l'apurement
du solde dû dans les meilleurs délais ».

Aucune de ces lettres n'a eu de suite et le DG de la CAMEG n'attendait,
selon ses dires, qu'une réaction afin de négocier les termes du règlement.
Pourquoi la DG de l'hôpital n'a pas réagi ? Monsieur Banssé n'aura pas
d'explication à nous fournir. Toujours est-il qu'il nous dira que d'autres
formations après de telles correspondances réagissent favorablement et
ensemble, on trouve une solution.

Séance tenante cependant, Mr Banssé instruisit Madame Hien de prendre toutes
les dispositions nécessaires afin de reprendre le ravitaillement de
l'hôpital en médicaments et en consommables. Et pourquoi laisser les
factures atteindre ce montant avant de commencer à réagir ?, avons-nous
tenté de savoir. Monsieur Lazare Banssé dira : « L'hôpital est très sensible
et nous comprenons que c'est un centre médical de grande importance pour
notre pays. Mais nous avons des limites et il faut que nous aussi nous
puissions payer nos fournisseurs sinon on va fermer boutique. C'est dommage
qu'elle n'ait ni envoyé de correspondance, ni appelé pour qu'on discute des
termes de payement des factures. Nous ne sommes pas fermés à toute
proposition ! ». Même s'il ne l'a pas dit, monsieur Banssé était très
mécontent de la note de la directrice générale de l'hôpital, mais il est
resté égal à lui-même.

On comprend la difficulté du problème. L'hôpital doit être pourvu en
médicaments et en consommables médicaux techniques. Le malade et l'opinion
ne peuvent pas s'expliquer des ruptures. D'un autre côté, la CAMEG, qui
n'est pas une œuvre charitable, ne peut pas fonctionner comme ça, à perte.
Tout nous ramène encore et toujours à la gestion de Yalgado !

Voilà en tout cas un problème, à ce que je vois, qui est en passe de trouver
au moins une solution partielle puisqu'ordre a été donné en ma présence de
reprendre l'approvisionnement à Yalgado. Mais qu'en est-il maintenant de la
question de l'oxygène ?

C'est la note de service du 8 mai dernier, mentionnée ci-dessus, qui a
demandé à tous les services même les services d'urgences : médicale,
pédiatrique, odontologie, gynécologie, traumatologique etc., de faire payer
5000 FCFA par jour aux utilisateurs d'oxygène. Avant, cela était pris en
compte dans le paiement de la consultation et donc, si l'utilisation de
l'oxygène s'imposait, on le faisait sans frais.

Je me suis alors rendu aux Urgences médicales pour toucher du doigt la
réalité du terrain. N'ayant pas trouvé une oreille attentive au niveau de
l'administration, quoi de plus normal que je me retourne vers les
praticiens. Aux Urgences médicales, j'ai trouvé le Docteur Mariam Sanou en
pleine activité. Elle a accepté malgré tout de répondre à mes questions
entre deux soins. Et je l'en remercie. Pour elle, la mesure de
l'administration en ce qui concerne l'oxygène viserait une diminution de la
consommation car non seulement le prix a augmenté à cause de l'augmentation
du prix du pétrole mais il y a des abus : « Depuis la prise de la mesure, je
n'ai vu qu'un seul patient l'utiliser. Je suis médecin et dans des cas
d'extrême urgence, je ne me pose même pas la question de l'utiliser pour mes
patients » m'a-t-elle confié. Bref, elle ordonne l'utilisation de l'oxygène.
Même son de cloche pour le Major Kouldiati en Chirurgie B générale. Il admet
qu'il est difficile de voir un patient mourant et de ne pas le faire
bénéficier de l'oxygène sous prétexte que c'est payant. Il dit avoir appris
la mesure que très récemment.

En tout état de cause, cette note est bel et bien là. Et demander aux
malades, alors qu'ils ont tant d'autres frais à s'acquitter pour se faire
soigner, cet effort supplémentaire de 5.000 fcfa (et par jour !) en ces
moments de galère, c'est quasiment les condamner à mort. C'est enfoncer
l'hôpital dans sa sale réputation de grand lieu de « deal », de grand
mouroir à ciel ouvert.

S'il y a une refondation qui est prioritaire, c'est bien au niveau de la
santé et en premier lieu, de notre plus grand hôpital du pays. Vivement que
le nouveau DG nettoie les écuries d'Augias : qu'on sache à quel niveau on a
failli, qu'on rectifie le tir afin d'arriver à une gestion saine et
transparente de ce lieu, qu'on soit sans pitié pour les fautifs et qu'on
revoie la subvention de l'Etat à la hausse car manifestement, de là aussi
dépend l'avenir de notre premier hôpital national !

Aristide Ouédraogo

San Finna

--
Simon KABORE
Coordonnateur du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
04 BP: 8038 Ouagadougou 04 Burkina Faso
Tel: bur (226) 50 34 55 32
Cel: (226) 70 24 44 55
E-mail alternatif: simonkabore@rame-bf.org

Il y a péril en la demeure et pas seulement au Burkina. Les structures de
santé n'ont pas les financements nécessaires et je pense qu'un grand nombre
de centrale d'achats sont en difficulté car elles ont des clients non
solvables. Nous revenons ainsi au débat sur les dons et la gratuité qui
mettent en péril les circuits financiers du médicament.

Si personne ne s'intéresse aux financements des systèmes de santé , il me
semble normal qu'il y ait des disfonctionnements.

Serge Barbereau

Intéressant de voir que le débat sur la gratuite et les dons des médicaments reviennent ici. En fait, pour ceux qui ont le pouvoir de prendre des décisions et de planifier pour leur pays, les centrales ont été implémentées sur base des principes rigoureux de gestion sans tenir compte du fait que les structures clientes, en suivant les mêmes principes ne parviendront pas à maintenir le cap de façon durable sans subvention.
Ainsi, la question de financement des soins de santé rebondit.
Dans plusieurs pays, l'appui d'une ONG internationale permet parfois de résoudre le problème ne mettant en place un système de gratuité tout en payant les factures dans les structures où les populations se font soigner. Mais, comme je l'ai dit plus haut, ces solutions dépendent souvent d'un projet de 3 ou 5 ans ou même plus. Généralement les conséquences après ces projets ont toujours été catastrophiques : D'un trait les soins qui étaient gratuits pour les populations deviennent payants et la mauvaise gestion s'installe dans les structures.
Moi je pense que l'implication effective des pouvoirs publics permettra de résoudre le problème car si cette subvention provient d'un mécanisme mis en place par un gouvernement de façon durable (j'insiste sur le mot), le problème de gratuite et de financement des soins n'en sera plus un.

Gabriel Bukasa Kaleka
B.Pharm.,MPH

+243(0)999005024
+243(0)999301015

Ce récit est très profond et inspirateur de difficultés auxquelles presque toutes les Centrales de Distribution Régionales sont confrontées. La question n'est pas seulement d'entendre les cris de coeur de ceux qui pilotent les Centrales de Distribution Régionales(CDR), étant donné que leurs difficultés sont réelles et se manifestent presque partout au risque de compromettre leur viabilité. Décider de la mise en place d'une centrale est très salutaire pour les formations sanitaires(FOSA) au regard des prescrits de l'assurance qualité qu'elle garantit; mais faut-il s'arrêter là ? Une centrale régionale a pour principaux clients les FOSA regroupées en zones ou district de santé(quelle que soit l'appellation) et dès lors qu'une des fosa éprouve à tort ou à raison des difficultés financières, de la base où ces effets se produisent, elle met en mal le cycle d'activités de la (CDR) et dès lors que ces effets se font sentir sur toutes
les FOSA, la conséquence c'est que la vie de la CDR est mise en mal et celle-ci ne saura pas refuser la livraison des médicaments étant donné les vies humaines à préserver.
De ce qui précède, il y a lieu de dire que les CDR jouent un rôle vital dans les régions où elles sont implantées, ce rôle nécessite un accompagnement de ceux qui ont le pouvoir de leur mise en place et surtout du ministère à travers son programme spécialisé.

Nous sommes sur terrain et nous vivons ces difficultés au quotidien et nous comprenons que la cause majeure est d'abord attribuable à la pauvreté de la population qui, le plus souvent, lorsqu'elle tombe malade, elle espère bénéficier des soins gratuits ou largement inférieurs au coût du médicament.
Le problème est là et demeure toujours, il faut y penser.

Elite N. MUSENGE
Email: musengeelite@yahoo.fr
Phone: +243 997 440 638

Ce qui est déplorable dans l'histoire publiée du Centre Hospitalier
Universitaire de Yalgado Ouédrago (CHU-YO) est qu'elle n'est plus
vécue comme une histoire extraordinaire au Burkina Faso. C'est devenu
un fait presque banal, tellement ces cas sont légions et demeurent
sans sanction.
Le système de santé est très politisé au Burkina Faso : ce qui fait
que les responsabilités des centres de santé sont confiées à des
copains de parti comme des reconnaissances politiques. De ce fait, ces
responsables ont les mains libres pour faire de la gabegie.
Encore une fois, l'insuffisance des ressources ne justifie pas
toujours le non paiement des factures de médicaments de la CAMEG. Il
faut surtout s'interroger sur l'affectation des ressources existantes.
Pendant qu'il y a des ruptures de médicaments pour cause de factures
impayées, vous trouverez souvent dans ces hôpitaux qu'ils sont entrain
de repeindre des pans de mures qui ont été peint l'année précédente.
Pendant que les praticiens opèrent sans air conditionné dans un pays
sahélien comme le Burkina, il y a des ressources pour changer le
véhicule de service du directeur.
Pendant qu'il y a des ruptures en fils de sutures, en gants, en
solutés ou simplement en seringue dans des hôpitaux de référence, il
ne manquera jamais de carburant pour les multiples missions du
directeur (qui ne sont souvent que des visites privées dans son
village natal pour un baptême, un mariage ou « juste un bonjour »).
La situation est ainsi parce que c'est un système qui au fond a
d'autres objectifs que ceux de la santé publique. Et tant que le
système atteint ses résultats, ceux qui ont en charge notre santé, le
trouvera normal (ceux qui ne le voient pas comme ça ne sont que des
aigris).
Je le répète et j'en suis convaincu: nos systèmes de santé souffrent
plus d'insuffisance de gouvernance que d'insuffisance de ressources.
Injecter plus d'argent dans le système, sans traiter la mauvaise
gouvernance, c'est verser de l'eau dans un tamis.
C'est maintenant que les bonnes volontés doivent donner de la voix
pour dénoncer ce qui se passe dans nos hôpitaux. Si non, un programme
vertical tombera un jour pour secourir nos pauvres populations dans
les hôpitaux, et il ne serait pas indiqué en ce moment de lui vouer
aux gémonies.
Cordialement !

--
Simon KABORE
Coordonnateur du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
04 BP: 8038 Ouagadougou 04 Burkina Faso
Tel: bur (226) 50 34 55 32
Cel: (226) 70 24 44 55
E-mail alternatif: simonkabore@rame-bf.org