E-MED: �La lutte contre le Sida se m�ne avec laxisme�
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Interview du Coordonnateur National du RAME dans le Mensuel votre Sant� du
mois de mars 2003.
ACTUALITE NATIONALE - Burkina-Faso
SIMON KABORE, COORDONNATEUR DU RAME
�La lutte contre le Sida se m�ne avec laxisme�
L'actualit�, sur le plan sanitaire, a �t� marqu�e, en fin d'ann�e, par
l'�laboration d'une charte de l'Union sacr�e sur le traitement gratuit des
malades du Sida (US-Sida). Dans la foul�e, une compagne du m�me nom a �t�
lanc�e sous la houlette du R�seau d'acc�s aux m�dicaments essentiels (RAME)
mis en place en juin 2003. Nous avons rencontr� le coordonnateur national
dudit R�seau, Simon Kabor�, pour en savoir davantage sur la campagne.
Votre Sant� : Pr�sentez �nous bri�vement le RAME
Simon Kabor� : Le RAME est un r�seau de personnes physiques qui se sont
retrouv�es pour lutter afin d'am�liorer l'acc�s aux m�dicaments essentiels
par la population. Par m�dicaments essentiels, il ne faut pas entendre
seulement les g�n�riques mais aussi les sp�cialit�s. Dans ce sens, nous
avons actuellement beaucoup d'antir�troviraux sous forme de sp�cialit�s mais
qui sont class�es m�dicaments essentiels �tant donn� qu'il y a un besoin qui
se fait sentir.
Chez nous donc, le m�dicament essentiel concerne non seulement le g�n�rique
mais la sp�cialit�.
Votre r�seau a lanc� en fin d'ann�e 2003 une campagne de prise en charge
gratuite des malades du sida. Pourquoi une telle campagne ?
La campagne est partie de la situation du Sida au Burkina. Nous avons
consid�r� les chiffres � notre disposition, bien qu'ils soient souvent en
d�phasage avec la r�alit�, qui font �tat d'un taux d'infection � VIH de
6,5%. Alors que, selon les sp�cialistes, un pays ayant un taux d'infection
d'une pathologie sup�rieure � 5% est en �tat d'�pid�mie g�n�ralis�e. Donc,
nous sommes dans cette situation depuis 1997. La campagne est aussi motiv�e
par le faible taux de prise en charge par les antir�troviraux au Burkina qui
est de moins de 1% des malades. Au regard de ce qui pr�c�de, nous avons
pr�conis� alors que le Burkina se consid�re en �tat d'urgence sanitaire. Ce
qui suppose que la population, les autorit�s, les partenaires sont concern�s
par le probl�me. Et le regroupement fait veut donner un cadre d'expression �
tous ces acteurs interpell�s pour agir dans le sens d'�radiquer la pand�mie.
Nous avons rencontr� les diff�rents acteurs pour le leur expliquer, ils ont
adh�r� � notre vision. Et c'est ainsi que nous avons abouti � l'�laboration
d'une charte pour mat�rialiser les adh�sions et canaliser les actions.
Quels sont les objectifs de la campagne ?
L'objectif strat�gique est d'amener les autorit�s � exprimer clairement leur
volont� de prise en charge gratuite des malades du Sida.
Cette prise en charge se compose de la prise en charge antir�trovirale et le
suivi des examens biologiques. Elle doit �tre non seulement gratuite mais
aussi d�centralis�e. II y a des objectifs interm�diaires comme la
mobilisation des ressources �tant donn� que, si le gouvernement d�cide de la
prise en charge, il faut mobiliser des fonds.
Nous sommes pr�ts �galement, dans le cadre du mouvement, � appuyer le
gouvernement dans un plaidoyer �tant donn� que le fonds mondial a fait
savoir que l'on peut mobiliser des ressources pour soigner les malades du
Sida. Mais, il faut que dans nos pays les populations revendiquent cette
mobilisation de fonds parce que la plupart du temps ce sont les activistes
des pays europ�ens qui le font pour nous.
Ce qui n'est pas normal parce que c'est nous qui devons d'abord lancer le
cri pour que quelqu'un d'autre le r�percute. L'objectif ici est
essentiellement d'avoir cet accord, cette disposition de principe du
gouvernement. La mobilisation des ressources viendra par la suite. Un autre
objectif de l'Union est que ce regroupement de diverses sensibilit�s
(syndicats, mouvements des droits de l'homme, associations de femmes,
d'�l�ves, de lutte contre le Sida) peut �tre une garantie de la transparence
dans la gestion des fonds de lute contre le Sida. Ce n'est pas un manque de
confiance, mais on a toujours besoin d'un contre-pouvoir pour garantir la
bonne gestion, la bonne gouvernance. D'une certaine mani�re, cette Union
peut se positionner comme tel.
Pourquoi avoir attendu maintenant pour lancer la campagne ?
Nous avons con�u la campagne d�s la cr�ation du R�seau et sommes mont�s
rapidement au cr�neau. II aurait fallu effectivement lanc� la campagne au
moment de l'�clatement de la pand�mie. Mais, on se dit qu'il n'est jamais
trop tard pour le faire. Nous sommes regroup�s en r�seau en 2003 et avons
lanc� la campagne dans la foul�e et esp�rons rattraper le temps perdu. Je me
dis que si l'on avait lanc� la campagne depuis, l'on serait actuellement �
un taux de prise en charge plus �l�ve et certainement � un taux d'infection
encore plus bas. Et peut-�tre une meilleure prise de conscience de la
population et une meilleure ma�trise de la pand�mie. Pourquoi avoir attendu
maintenant ? La question reste pos�e � tous les acteurs de la lutte contre
le Sida.
Pourquoi la d�nomination Union sacr�e qui fait politique, sport et pas
celle par exemple de solidarit� avec les malades du Sida ?
Nous avons trouv� que la d�nomination Union sacr�e cadrait avec ce que
nous sommes en train faire : unir des acteurs qui n'avaient pas l'habitude
de travailler ensemble. L'Union recherch�e, nous la voulons tr�s forte. La
d�nomination pourrait �tre tout autre mais l'essentiel n'est pas � ce
niveau.
Le Sida n'est pas la seule maladie qui frappe les Burkinab�. Il y a par
exemple le paludisme qui fait aussi des ravages. Pour quoi avoir mis
l'accent sur le Sida dans le cadre de la campagne?
Je me rappelle avoir suivi un d�bat sur Internet sur la question � savoir
si l'on meurt seulement de Sida en Afrique. L'auteur de la question avait
pris l'exemple du paludisme qui tue aussi. Le d�bat a dur� plus d'un mois.
J'y suis intervenu en disant que c'est dommage qu'en Afrique on discute sur
la primaut� des pand�mies.
On perd du temps. Nous avons initi� une campagne sur le Sida parce que le
probl�me d'acc�s aux m�dicaments se pose avec acuit� en ce qui concerne
cette pand�mie.
Il est vrai que ce probl�me se pose aussi avec le palu mai � un degr�
moindre. Le Sida pose un probl�me de prix et de disponibilit� du m�dicament.
Il y a aussi le fait que le traitement est � vie contrairement au palu o� le
traitement est limit� dans le temps. C'est pour cela que nous avons d�cid�
de mettre l'accent sur le Sida sans chercher � discuter du nombre de morts
du � l'une ou l'autre de ces malades. Pour me r�sumer, les m�dicaments
contre le Sida sont chers et le traitement est � vie. Aussi, quand une
personne est infect�e du Sida, toute sa famille est menac�e de
contamination. J'ajoute que le r�seau n'a pas pour activit� cette seule
campagne. Nous intervenons lorsqu'un probl�me d'acc�s aux m�dicaments se
pose pour une maladie quelconque. Bient�t, nous m�nerons une action
concernant le palu.
Apr�s le lancement de la campagne en fin 2003,A quelle phase �tes-vous
aujourd'hui ?
Nous sommes � la 2�me phase de mise en place. Nous avons eu les panels sur
l'acc�s aux m�dicaments contre le Sida au Burkina au cours desquels le
concept d'Union sacr�e a �t� lanc� et a enregistr� l'adh�sion des
participants. Apr�s, ils ont �t� convi�s � une assembl�e g�n�rale au cours
de laquelle a �t� mis en place un comit� pilote qui a travaill� � toucher un
plus grand nombre d'associations et d'organisations. Nous sommes maintenant
entr�s dans la 2�me phase avec la signature officielle de la charte de
l'Union sacr�e.
La campagne comporte-t-elle un �ch�ancier,Un chronogramme ?
Nous allons nous asseoir et tracer notre plan d'action. Au niveau du R�seau,
nous sommes convaincus que le principe de la gratuit� du traitement par les
ARV des malades peut �tre obtenu cette ann�e. Quand � la mobilisation des
ressources pour atteindre beaucoup de malades, elle peut �tre effective
l'ann�e prochaine. Mais, comme d�j� dit, nous n'avons pas regroup� les gens
pour leur impose un diktat. Nous les avons appel�s pour une concertation et
une action. C'est dans la concertation que nous allons tracer ce qu'ils
pensent que l'on peut r�ellement obtenir. Mais il revient au R�seau
d'argumenter pour montrer techniquement ce que nous pouvons obtenir cette
ann�e. D�s que nous allons avoir le plan d'action, �labor� avec l'accord des
parties prenantes � l'Union, nous organiserons certainement une conf�rence
de presse.
Doit-on voir dans l'Union sacr�e, la compagne une r�ponse � l'ambassadeur
des Etats-Unis au Burkina, Anthony Holmes, qui, dans un article de presse,
interpellait l'ensemble des burkinab� � prendre leurs responsabilit�s dans
la lutte contre le Sida ?
Nous avons lu dans le Quotidien � Le Pays � et le Mensuel � Votre Sant� �,
un article de l'ambassadeur des Etats-Unis au Burkina qui disait � peu pr�s
que pour r�ussir � vaincre la pand�mie, il faudrait que les autorit�s
burkinab� se d�cident � la combattre aussi bien par la parole que les actes.
Il a aussi ajout� que les Burkinab� doivent revendiquer cela par la parole
et les actes. Nous avons consid�r� cela comme une le�on de citoyennet� de la
part de l'ambassadeur et avons r�agi pour exposer certaines de nos
inqui�tudes sur la politique des Etats-Unis en mati�re de lutte contre le
Sida. Et aussi lui reconna�tre le m�rite d'avoir dit publiquement des choses
que peut-�tre d'autres pensent mais ne le disent pas. Dans ce sens, nous
avons dit dans notre r�action que le peuple est d�j� en route pour
revendiquer le combat de la pand�mie par les actes et la parole de la part
de nos autorit�s. Il s'agissait d'informer l'ambassadeur que le peuple, �
travers l'Union sacr�e, a d�j� pris conscience. Ce que l'ambassadeur a dit
est profond parce que nous venons de recevoir des informations sur une
conf�rence qui se tient en ce mois de f�vrier � San Francisco (Etats-Unis)
o� effectivement il a �t� reconnu que l'un des probl�mes du Sida est un peu
en amont de l'acc�s aux m�dicaments. En d'autres termes, il s'agit de la non
perception, par les autorit�s africaines, de la situation d'urgence cr�e par
le Sida. Ce qui est un obstacle m�me � la lutte contre le Sida avant l'acc�s
aux m�dicaments. C'est pourquoi pour nous la notion d'�tat d'urgence
sanitaire est primordiale. Nous travaillons pour l'acc�s aux m�dicaments
mais il faut que les autorit�s prennent conscience et acceptent que nous
sommes effectivement en �tat d'urgence sanitaire. Il y a des situations, des
faits qui montrent qu'on lutte contre le Sida avec un peu trop de laxisme.
Et comme je le dis souvent, cela ressemble � une �quipe qui va jouer une
finale de coupe comme � un gala. Cette �quipe va d�j� perdante. On a souvent
cette impression qu'on lutte contre le Sida comme si c'�tait une malade qui
est en train de venir alors qu'elle est d�j� l�.
Propos recueillis par S�ni Dabo
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