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Le Rame, défenseur du droit à la santé.
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POSTED ON NOVEMBER 19, 2013 BY FASOKIBARE
Les AFRICA AWARDS de l’ONG One ont livré leur verdict le 08 novembre 2013.
Sur les O6 ONG retenues pour la phase finale figurait le Réseau d’Accès au
Médicaments Essentiels du Burkina. Au terme d’un processus qui a mis en
compétition plus de 250 organisations et associations, c’est l’association
ANSAF de la Tanzanie qui s’est adjugé le premier prix. Nous avons
rencontré le Directeur exécutif de l’ONG RAME Simon KABORE qui est revenu
sur le travail de son organisation, l’état de notre système de santé et
sur la participation de son organisation à ce challenge africain.
Faso ONG Kibare (FNK) : Présentez vous brièvement votre organisation à nos
lecteurs
Simon KABORE (SK) : Le Rame est un réseau de personnes morales et
physiques qui militent pour influencer les politiques de santé en faveur
de l’accès aux soins pour tous. On fait l’analyse des politiques, on fait
des propositions d’alternatives dans le cadre de l’équité d’accès aux
soins et des activités de pressions ; en résumé nous cherchons à donner
beaucoup plus de pouvoir aux communautés pour apprécier les politiques,
influencer l’élaboration et la mise en œuvres des politiques de santé.
FNK : Pourquoi une ONG qui intervient dans le domaine de la santé axe son
action de prime abord sur le médicament ?
SK : C’est lié au contexte de la naissance du Rame. Il faut précisez que
cela est intervenu à une époque où il n’ya avait pas un accès aux
antirétroviraux ( ARV) surtout avec le truchement des brevets au niveau
international qui bloquaient l’accès aux médicaments. L’Afrique du Sud
était menacée par les firmes pharmaceutiques pour avoir bravé cette
situation pour soigner ces malades. On avait l’habitude de dire que les
malades étaient au Sud et les médicaments au Nord, donc nous nous sommes
fixer pour objectif de changer cette tendance ; le médicament était
l’élément manquant nous avons décidé de le rapprocher des malades.
FNK: Quelles sont les principales activités de l’ONG RAME au Burkina Faso ?
SK : Dès notre création nous avons beaucoup œuvré sur les accords de
propriétés, plus un médicament est sous monopole, plus il est inaccessible
financièrement. A ce sujet nous avons fait assez de pressions sur les
accords de Bangui. Ces accords que le Burkina Faso a signé limitaient à
l’époque l’importation des copies des ARV d’Inde et du Brésil. Nous avons
fait un plaidoyer en direction du gouvernement pour qu’ils prennent des
mesures pour un meilleur accès aux ARV.
On a également fait des pressions pour la gratuité des ARV ce qui a abouti
à la déclaration du Président Compaoré en 2009 sur la concrétisation de
cette gratuité. Nous menons également un travail continu sur l’accès
financier aux soins. Comment mettre en place des mesures de sorte que la
personne qui entre en contact avec le système sanitaire ne soit pas obliger
de payer sur place ; que certains soins soient donné gratuitement ou qu’il
y’ ait un tiers payant parce qu’aujourd’hui si vous allez dans un service
sanitaire et que vous ne disposez d’argent vous ne pourrez pas avoir des
soins. Nous menons un travail pour voir comment ces barrières, là peuvent
être levées. Notre action porte d’autre part sur l’aspect géographique :
rapprocher les soins des communautés. C’est vrai qu’on a des CSPS mais
malheureusement beaucoup n’ont pas la logistique et le plateau technique
nécessaire, on continue à parcourir des centaines de kilomètres parfois
pour avoir accès à un plateau technique normal ou pour se faire consulter
par un spécialiste.
Nous condamnons et dénonçons ces pratiques et ces failles du système qui
permettent à des individus de s’enrichir sur le dos des patients et toute
cette ambiance de corruption qui existe au niveau du système de santé.
FNK : A l’image de l’éducation primaire, peut-on rendre les premiers soins
gratuits au Burkina Faso ?
SK : La gratuité des premiers soins c’est faisable, je dirais même que
c’est capital. Actuellement et dans les fait, il y’ a des dispositifs qui
existent sur cette question simplement ce n’est pas appliqué. Aujourd’hui
quand vous aller dans les hôpitaux Il y’ a des subventions annuelles de
l’État que l’on donne gratuitement aux formations pour les 1er soins mais
en définitive on ne sait pas à quoi ces subventions sont utilisées. Si rien
que ces subventions étaient utilisées réellement pour soigner gratuitement
les malades, cette gratuité là serait concrète. Mais pratiquement dans tous
les centres hospitaliers régionaux et les centres médicaux avec antenne
chirurgicale , même vos soins d’urgence vous les payez à la limite on vous
dit même sans pré-paiement ; pourtant il y’ a des stocks et des
dispositions qui existent mais les gens n’en bénéficient pas. Pourquoi ?
Parce qu’il y’ a un problème de gestion et de gouvernance dans notre
système de santé. Nous condamnons et dénonçons ces pratiques et ces
failles du système qui permettent à des individus de s’enrichir sur le dos
des patients et toute cette ambiance de corruption qui existe au niveau du
système de santé. Pour aller même plus loin nous dénonçons la faiblesse
des ressources que l’État alloue à la santé.
FNK: Dans l’ensemble quelle appréciation le RAME fait des politiques de
santé au Burkina Faso ?
SK : Les politiques de santé n’arrivent pas à être à la hauteur des
attentes réelles des populations dans notre pays, cela pour plusieurs
raisons. Tantôt ce sont les directives prises qui ne sont pas adaptées à la
situation, tantôt ce sont des vides qu’il y’ a. Quand on fait une analyse
du panier de financement de la santé, ce sont les ménages qui sont les plus
gros contributeurs, devant même l’État. Dans un pays où 40% de la
population vit en dessous du seuil de pauvreté, ce n’est pas admissible que
ce soient encore les ménages qui soient les premiers bailleurs de fonds.
En ce qui concerne le vide, je vous donne un exemple. Cela touche aux
maladies non-transmissibles, que ce soit le diabète, la drépanocytose,
l’hypertension ; il n’y a pas de politique spécifique qui dit voila ce
qu’on fait pour accompagner ces malades. Les patients du diabète sont
livrés à eux même, ce n’est pas comme avec le VIH/SIDA où l’on a un cadre
stratégique et structure supra qui a été mise en place. Les malades du
diabète se débrouillent comme ils peuvent pour leur insuline, c’est le cas
pour l’hypertension et la drépanocytose. Quand vous prenez des instances
comme le programme national de développement sanitaire (PNDS), certains
acteurs reconnaissent eux même qu’ils ne disposent pas de réelles
statistiques pour apprécier l’ampleur des maladies non-transmissibles.
Comment vous-vous que des autorités sanitaires qui n’ont pas une vue assez
précise des pathologies puissent définir des politiques réalistes. Un
exemple, près de 3% des naissances au Burkina sont touchés par la
drépanocytose, quand on rapporte cette valeur à l’ensemble de la population
on voit à peu près quelle est la situation rien que pour cette seule
pathologie, mais il n’y a aucune politique définie par rapport à cela. Ce
qui est dommage comme je l’ai souligné c’est la mauvaise gouvernance qu’il
y’ a. Cela est en partie lié au manque de leadership du ministère. Dans
certains cas vous verrez que le ministère sort des directives mais vous
aller tomber sur un médecin dans son district qui ne fera rien. Il ne fera
pas ce qui lui est demandé mais fera ce qu’il veut mais il n’y aura aucune
sanction. C’est ce qui est grave, c’est qu’on n’est dans la logique d’une
politique nationale que tout le monde suit mais on a l’impression qu’on a
plusieurs systèmes de santé dans notre système de santé.
FNK : Le tableau que vous dépeignez est assez sombre, quelles sont les
causes profondes des dysfonctionnements qui frappent le système de santé au
Burkina Faso ?
SK : C’est ce que j’appelle une absence de leadership. Une illustration
est le système de remontée des informations. Ca ne marche pas trop parce
que certains n’envoient pas les données. On envoie les canevas pour qu’ils
soient renseignés mais on ne les renvoie pas. Pour avoir des données
complètes pour faire des analyses, c’est très difficile. On sort nos
données sanitaires avec en moyenne 2 ans de retard. On ne planifie pas les
activités avec les données de l’année précédente ou de l’année surpassée,
quand vous prenez un document de planification de 2013, on vous citera les
données de 2009 ou de 2010. Si vous avez de la chance vous aurez des
données de 2011. Comment voulez-vous que ce soit efficace ?
Si vous vous basez une situation qui a eu cours en 2009 pour faire la
planification de 2014 attendez-vous à être déphasé. Prenez les outils de
planification du ministère de la santé pour l’année 2013, vous verrez que
ce sont des données de 2009 qui sont utilisées.
FNK : Quels sont les principaux chantiers sur lesquels le RAME à
l’impression d’avoir fait bouger les choses ?
SK : Quand nous commencions notre lutte, le coût mensuel d’accès aux ARV
était dans l’ordre de 323 000 f CFA et cela était dû au système de brevet
qui empêchait d’importer les copies de l’Inde et du Brésil. Notre premier
plaidoyer a été qu’on ne prenne pas en compte le traité de Bangui et que
l’on commande les copies de l’Inde et du Brésil, nous sommes aller jusqu’à
toucher le directeur de l’organisation africaine de la propriété
intellectuelle (OAPI) qui s’est engagé à donner des orientations au
ministère de la santé de sorte que la centrale d’achat de médicaments
essentiels génériques (CAMEG) puisse commander les ARV de l’Inde et du
Brésil, ce qui a fait chuter le coût de 323 000 à 42 500f CFA par mois. Un
autre élément important à notre actif est la gratuité des ARV ; cette
question a fait l’objet d’un plaidoyer de notre part. Cela a abouti en 2009
à ce que le Président du Faso déclare la gratuité des ARV au Burkina Faso.
Aujourd’hui 8,5 milliards du budget de l’état sont affectés à l’achat des
intrants. C’est le résultat d’un plaidoyer que nous avons mené lors de la
rupture des intrants mi-2011 mi-2012, ce sont les différents éléments de
notre pression qui ont servi de relai auprès du gouvernement et du conseil
national de lutte contre le SIDA et il a été décidé de l’affectation de 8,5
milliards pour l’année 2013.
Au cours de la dernière élection présidentielle, nous nous sommes livrés à
une analyse des programmes politiques de chaque candidat dans le domaine de
la santé. Le candidat Blaise Compaoré a affirmé qu’il ferait de la santé
de la mère et de l’enfant une priorité sans dire comment et avec quels
moyens, nous l’avons dénoncé dans une conférence de presse. Dans le
meeting qui a suivi notre conférence de presse, le candidat Compaoré à
Bobo-Dioulasso a prévu d’engager 100 milliards f CFA sur son mandat.
De nos jours, les malades du VIH ont accès gratuitement aux ARV dans les
100 centres de prise en charge de notre pays. Cela est un acquis mais
malheureusement, on trouve que ces centres sont très peu. Ces centres sont
toujours éloignés des malades et il y’ a des gens qui doivent voyager pour
avoir accès aux médicaments.
FNK : Monitorez-vous la mise en œuvre de cet engagement ?
Bien sur. Il y’ a une étude que nous sommes en train de mener sur
l’affectation du budget de l’État à la santé. Dans cette étude nous verrons
aussi ce paramètre depuis le début de son mandat où il en est cela nous
permettra de voir s’il tiendra son engagement pour le reste de son mandat.
FNK : Peut-on affirmer que les burkinabè malades du VIH /SIDA ont accès
gratuitement aux traitements ARV ?
SK : De nos jours, les malades du VIH ont accès gratuitement aux ARV dans
les 100 centres de prise en charge de notre pays. Cela est un acquis mais
malheureusement, on trouve que ces centres sont très peu. Ces centres sont
toujours éloignés des malades et il y’ a des gens qui doivent voyager pour
avoir accès aux médicaments ; cela implique de payer le transport, la
nourriture et le logement parce que ce n’est pas sûr d’arriver le même jour
et d’avoir les médicaments. En définitive cela réduit l’impact de la
gratuité ; si vous n’avez pas d’argent pour payer le transport, vous ne
pourrez pas avoir accès au traitement. L’autre élément est le niveau
important des ruptures des médicaments pour les maladies opportunistes et
pour les examens biologiques. Cela remet la qualité de la prise en charge
en cause. En plus de cela, il y’ a que le que le suivi biologique est
payant. Pour accéder aux ARV gratuits il existe des examens
pré-thérapeutiques qui sont couteux et qui ne permettent pas à certaines
personnes de faire ces examens donc ils ne pourront pas accéder aux ARV ou
elles sont sous traitements mais n’ont pas d’argent pour le suivi
biologique. Ce qui fait le médecin les traite un peu à l’aveuglette sans
savoir si l’organisme supporte, s’il n’y a pas de dommage sur le foie ou le
rein. Voila en gros les insuffisances sinon au sujet des ARV on vient de
sortir notre rapport d’observatoire et on n’a constaté aucune rupture d’ARV.
FNK : Quelles sont les principales questions au sujet desquelles le RAME
souhaite faire avancer les choses ?
SK : En plus de notre plaidoyer pour l’augmentation des ressources que
l’État affecte à la santé, nous faisons également du plaidoyer pour une
meilleure gestion de ses ressources, pour la levée des barrières
financières, et pour le rapprochement du système de soins des populations.
A ce niveau, je vous donne l’exemple du VIH/SIDA qui jusqu’à présent n’est
pas pris en charge dans les centre de santé et promotion sociale (CSPS). Il
faut encore aller vers un centre médical ou un hôpital alors qu’on a des
infirmiers qui peuvent bien prendre en charge le VIH mais que ce soit le
système de formation ou le système d’approvisionnement, il y’ a tellement
de failles et un manque de courage politique qui font que jusqu’ à l’heure
où je parle ce n’est pas une réalité.
FNK : A quoi cela tient à votre avis ?
SK : Au fait que certains sont convaincus qu’un infirmier ne peut pas
prendre en charge un malade, cette prise en charge doit se faire par un
médecin mais le problème est qu’on n’a pas suffisamment de médecin.
Pourtant plusieurs projets ont montré qu’avec une bonne formation, une
bonne délégation des taches ainsi qu’une une bonne supervision,
l’infirmier peut prendre en charge les patients dits cliniquement stables.
C’est à dire un patient qui ne présente plus de signes cliniques. Il suffit
juste qu’il ait accès à son traitement et qu’on surveille son état en
rapport avec les maladies opportunistes. Ce n’est pas plus compliqué.
Notre plaidoyer porte sur cet aspect, à la session du conseil national
présidé par le président du Faso, nous avons réaffirmé la nécessité d’aller
vers la délégation des taches, heureusement celui-ci a suivi notre
plaidoyer et il a donné des instructions pour que cela soit une réalité en
2014.
FNK : Votre organisation a pris part aux Africa Awards de l’ONG One
cofondée par le chanteur Bono et des personnalités de la société civile,
quelles sont les raisons qui ont motivé votre participation à ce challenge ?
SK : Notre participation à ce prix est déjà une belle occasion pour que les
gens sachent ce que faisons. On a voulu que les gens reconnaissent ce que
l’on fait et des prix de ce genre sont une belle occasion pour avoir de la
visibilité sur nos domaines d’intervention et autres. Bien sur, derrière
le prix on a une enveloppe substantielle surtout que ce n’est pas un
montant fléché alors que l’une des insuffisances de nos associations c’est
que nous fonctionnons sur des subventions extérieures et vous ne pouvez pas
les affecter comme vous voulez alors que chaque structure pense à sa
pérennité. Une subvention du prix One aurait pu nous permettre de nous
stabiliser en termes d’autonomie, d’existence et de planification.
FNK: Sur plus de 250 ONG et associations vous êtes arrivé parmi les 6
organisations et associations à la phase finale, qu’est ce que cette
nomination vous a inspiré ?
D’une certaine façon on a compris qu’on fait du bon boulot, qu’on est sur
le bon chemin et qu’on doit continuer. On s’est aussi dit qu’il y’ a des
gens qui font mieux que nous et c’est une raison pour continuer autant. Ce
sont en fait des baromètres qui vous permettent de vous situer et de vous
comparer aux autres et de savoir si on fait quelque qui sort de
l’ordinaire. Notre nomination nous a renforcés dans la croyance que nous
faisons quelque chose qui sort de l’ordinaire.
FNK : Quels sont les atouts qui ont crédibilisé votre candidature ?
SK : Cela est lié sans doute à l’originalité de notre approche. En Afrique,
on a le plus souvent des associations qui font des prestations de
services que des associations qui se positionnent réellement comme
défenseurs du droit à la santé et qui deviennent un contre-pouvoir
spécialisé dans le domaine de la santé. En Afrique de l’ouest par exemple,
nous n’arrivons pas à trouvez une autre organisation qui fait le même
travail et avec qui nous pouvons collaborer pour faire avancer certaines
problématiques sous- régionales. On a des associations des droits de
l’homme mais ce n’est pas la même chose qu’une organisation spécialisée
dans la santé. L’autre élément, ce sont nos résultats. Les plaidoyers que
nous avons menés jusqu’ici sont jalonnés de résultats concrets. Pour
résumer, je dirais innovation et résultats.
FNK : En termes de plaidoyer, quels sont les projets qui vous tiennent le
plus à cœur ?
Notre principal challenge c’est un observatoire que nous avons mis en
place, il s’agit de l’observatoire communautaire d’accès aux services de
santé (OCASS). Nous le déployons actuellement dans les 13 régions
sanitaires du Burkina Faso de sorte qu’il devienne un outil à la
disposition du citoyen pour exprimer tout ce qu’il y’a comme insuffisance
dans le système de santé pour qu’on renforce le droit à la santé. A ce
sujet, on a un partenaire qui nous appuie afin qu’un l’implante en Guinée
et au Niger. D’une certaine façon on a challenge de sous régionalisation de
notre structure parce qu’il y’a des thèmes qui doivent être traités au
niveau de la région, c’est donc déployer l’observatoire et qu’on puisse
influer sur la qualité des services par l’action des usagers.
FNK : Peut-on s’attendre à retrouver le RAME dans les strarting block pour
les One Awards 2014 ?
SK : Sans aucun doute.
Propos Recueillis par Léonce TANGOUAM