Institut Pasteur
Inserm
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27 février 2007
Communiqué de presse
La salive de punaises aquatiques protégerait de l'ulcère de Buruli
Maladie tropicale "négligée", l'ulcère de Buruli est une infection
nécrosante de la peau, très invalidante, provoquée par une bactérie de
l'environnement. Elle sévit dans plusieurs régions du monde et se développe
de façon inquiétante en Afrique de l'Ouest. Des chercheurs de l'Institut
Pasteur et de l'Inserm, en collaboration avec des équipes universitaires et
des instituts du Réseau International des Instituts Pasteur, viennent de
montrer que les propriétés immunogènes de la salive de punaises aquatiques,
hôtes et vecteurs du bacille, confèrent une protection contre
l'établissement de lésions provoquées par la bactérie (PLoS Medicine). Ces
travaux ouvrent des perspectives pour la recherche de nouvelles stratégies
préventives.
L'ulcère de Buruli, a été déclaré maladie émergente par l'OMS en 1998.
Causée par une mycobactérie environnementale, Mycobacterium ulcerans, cette
maladie est devenue ces dernières années la troisième mycobactériose après
la lèpre et la tuberculose. Elle sévit dans les zones intertropicales
humides et se manifeste d'abord par un nodule et plus tardivement par de
vastes ulcérations cutanées, causées par une toxine secrétée par M.
ulcerans. Non traitées, les personnes atteintes présentent de graves
handicaps : limitations importantes des mouvements articulaires et
cicatrices invalidantes entre autres.
Il est aujourd'hui établi qu'il n'y a pas de transmission inter-humaine du
bacille et que l'homme se contaminerait au contact de l'environnement
aquatique. L'augmentation du nombre de cas et l'émergence de nouveaux foyers
sont provoqués par des bouleversements écologiques (déforestation,
aquaculture, lacs artificiels, irrigation) favorisant probablement le
développement des punaises aquatiques. Après avoir établi en 2002 que des
punaises aquatiques pouvaient héberger le bacille au sein de leurs glandes
salivaires et le transmettre à l'homme lors de piqûres accidentelles (1),
Laurent Marsollier (unité de Génétique Moléculaire Bactérienne de l'Institut
Pasteur et Université d'Angers), en collaboration avec d'autres équipes de
l'Institut Pasteur à Paris, de l'Unité Inserm 601 "Recherches en
cancérologie", à Nantes, d'une équipe Avenir Inserm à l'Institut Pasteur de
Corée et du Centre Pasteur du Cameroun, notamment (2), montre aujourd'hui
que l'exposition à des piqûres répétées par ces mêmes punaises, non
colonisées par M. ulcerans, peut conférer une protection contre le
développement des lésions induites par la bactérie.
Les chercheurs sont partis d'observations de terrain qui ont montré que les
personnes les plus exposées aux piqûres d'insectes étaient les moins
touchées par la maladie. A partir de ce constat, ils ont émis l'hypothèse
que des piqûres régulières d'insectes sains pouvaient conférer une
protection qui se traduirait par l'absence de lésions aux sites cutanés où
seraient délivrés les bacilles et la salive d'insecte. Des travaux réalisés
chez la souris rendent plausible cette hypothèse. En effet, chez des souris
préalablement immunisées par des extraits de glandes salivaires ou exposées
à la piqûre d'insectes sains, le développement de lésions cutanées est
exceptionnel. Afin de conforter leurs résultats expérimentaux, les
chercheurs ont entrepris une analyse sérologique en zone d'endémie. Cette
étude a permis d'établir que les sujets présentant des lésions à M. ulcerans
avaient un taux d'anticorps reconnaissant des constituants du suc salivaire
des punaises inférieur à celui des sujets exposés aux piqûres de ces
insectes.
"Il semble donc que la salive des punaises aquatiques contiennent des
molécules pouvant conférer un effet protecteur", conclut Laurent Marsollier.
"Notre objectif est aujourd'hui de les rechercher".
Ces études vont être poursuivies dans le cadre d'un programme transversal de
recherche* qui vient d'être lancé par l'Institut Pasteur. Il vise, outre la
mise au point de stratégies vaccinales pour lesquelles la présente étude
ouvre des pistes de premier choix, à l'élaboration d'un test diagnostique
précoce utilisable sur le terrain, et à l'identification d'inhibiteurs de la
synthèse de la toxine de M. ulcerans, qui ouvrirait la voie à la mise au
point de molécules thérapeutiques.
* Ce programme regroupe des équipes de l'Institut Pasteur à Paris, de
l'Institut Pasteur de Corée, du Centre Pasteur du Cameroun, de l'Institut
Pasteur de Bruxelles et des CHU-Universités Angers-Nantes
Cette étude a reçu le soutien de Fondation Raoul Follereau.
Sources :
(1) : Marsollier L, Robert R, Aubry J, Saint Andre JP, Kouakou H, et al.
(2002) Aquatic insects as a vector for Mycobacterium ulcerans. Appl Environ
Microbiol 68: 4623-4628.
(2) " Protection against Mycobacterium ulcerans lesion development by
exposure to aquatic insect saliva " : PLoS Medicine, 27 février 2007.
Laurent Marsollier (1,2), Estelle Deniaux (2), Priscille Brodin (3), Agnès
Marot (2), Christelle Mjondji Wondje (4), Jean-Paul Saint-André (2), Annick
Chauty (5), Christian Johnson (6), Fredj Tekaia (7), Edouard Yeramian (8),
Pierre Legras (2,9), Bernard Carbonnelle (2), Gilles Reysset (1), Sara
Eyangoh (4), Geneviève Milon (10), Stewart T. Cole (1), Jacques Aubry (11)
1.Unité de Génétique Moléculaire Bactérienne, Institut Pasteur, Paris,
France, 2. Groupe d'Etude des Interactions Hôtes Pathogènes, Centre
hospitalier Universitaire et Faculté de Pharmace d'Angers, Angers, France,
3. Equipe Avenir Inserm, Institut Pasteur de Corée, Séoul, Corée du Sud, 4.
Laboratoire des Mycobactéries, Centre Pasteur du Cameroun, Yaoundé,
Cameroun, 5. Centre de Diagnostic et de Traitement de l'Ulcère de Buruli,
Pobè, Bénin, 6. Programme National de Lutte contre l'Ulcère de buruli,
Ministère de la Santé Publique, cotonou, Bénin, 7. Unité de Génétique
Moléculaire des Levures, Institut Pasteur, Paris, France, 8. Unité de
Bio-Informatique Structurale, Institut Pasteur, Paris, France, 9. Animalerie
Hospitalo-Universitaire, Angers, France, 10. Unité d'Immunophysiologie et
Parasitisme Intracellulaire, Institut Pasteur, Paris, France, 11. Inserm
U601, Université de Nantes, Faculté de Pharmacie, Nantes, France
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