La trithérapie devrait probablement être initiée plus tôt chez les patients
VIH-2+
WASHINGTON, 3 mars 2008 (APM) - Les patients infectés par le VIH-2 devraient
peut-être initier leur traitement à un taux de CD4 plus élevé que ceux
touchés par le VIH-1, considèrent des chercheurs français dans un article
paru dans Aids.
Tandis que le VIH de type 1 prédomine dans la plupart des régions du monde,
le VIH-2 affecte essentiellement les pays d'Afrique occidentale mais
également l'Angola et le Mozambique, rappelle-t-on.
En Europe, le VIH-2 touche principalement le Portugal, ancienne puissance
coloniale de ces deux derniers pays, et la France. Dans cette dernière,
l'Institut de veille sanitaire (InVS) a estimé à 2% la part de nouveaux
diagnostics d'infection par le VIH-2 en 2006 (1,9 % d'infections à VIH-2
seul, 0,1 % de co-infections VIH-1/VIH-2), une proportion stable au fil des
ans.
Plusieurs études ont suggéré que le VIH-2 était moins virulent que le VIH-1,
que ce soit au niveau de la charge virale, du taux de CD4, du taux de
mortalité et de la transmissibilité. Or tous ces travaux ont été menés en
Afrique subsaharienne, jamais en Europe ou aux Etats-Unis.
Estimant que "l'environnement pourrait jouer un rôle dans les différences de
pathogénicité entre les deux infections", Julia Drylewicz, de l'Institut de
santé publique, d'épidémiologie et de développement (ISPED, Inserm U897) à
Bordeaux, et ses collègues ont mené une étude, la première dans un pays du
Nord, comparant les deux infections.
Lors de leur étude menée sur la cohorte VIH-2 française (ANRS CO-5), qui
regroupait 572 patients en janvier 2006, les chercheurs ont confirmé les
conclusions des travaux africains, après comparaison avec des patients
infectés par le VIH-1.
Hors de tout traitement, la baisse annuelle du taux de CD4 était plus rapide
chez les VIH-1+ que chez les VIH-2+, que ce soit chez les "séro-incidents",
à savoir ceux dont la date de contamination était bien estimée (49
cellules/mm3 vs 9 cellules/mm3), et chez les "séroprévalents", patients non
traités dont la date d'infection n'était pas connue (49 cellules/mm3 vs 11
cellules/mm3).
La charge virale était plus élevée chez les VIH-1+ que chez les VIH-2+,
atteignant des valeurs respectives de 4,11 et 2,09 log10 copies/ml chez les
"séro-incidents", de 4,39 et 2,62 log10 copies/ml chez les "séroprévalents".
Les raisons de ces différences demeurent inconnues, reconnaissent les
chercheurs dans leur article. Parmi les différentes hypothèses figurent
celles d'une meilleure adaptation intrinsèque du système immunitaire au
VIH-2, ou d'"une activation lymphocytaire plus sensible au VIH-1 qu'au
VIH-2", a évoqué auprès de l'APM l'un des auteurs de l'étude, le Dr Rodolphe
Thiébaut, chercheur à l'ISPED.
A l'inverse, le traitement entraînait des résultats moins rapides chez les
patients VIH-2+ que chez les VIH-1+. Sur les deux premiers mois de
traitement, le taux de CD4 augmentait de 24 cellules/mm3 par mois avec le
VIH-2 (contre 59 cellules/mm3 avec le VIH-1) alors que la charge virale
diminuait de 0,62 log10 copies/ml (contre 1,56 log10 copies/ml).
"A réponse virologique similaire, la hausse du taux de CD4 était plus
faible", bien que les patients aient commencé le traitement au même niveau
de CD4, a par ailleurs observé Rodolphe Thiébaut.
"Si ces résultats venaient à être confirmés, il faudrait penser à initier le
traitement plus tôt [à un taux de CD4 plus élevé, ndlr] au cours de la
maladie" chez les VIH-2+, a-t-il avancé.
UNE EXPOSITION PLUS LONGUE AU VIH-2?
Pour parvenir au taux de CD4 auquel le traitement devient indiqué (vers 350
cellules/mm3), "cela demande plus de temps [à un patient VIH-2+], en raison
de la baisse plus lente du taux de CD4; il a donc été exposé plus longtemps
au virus" au moment de sa mise sous trithérapie, a expliqué le chercheur.
Bien que la réponse immunologique à la thérapie soit en partie liée au taux
de CD4, elle dépend probablement d'autres facteurs, notamment l'atteinte
d'autres tissus (ganglions, thymus), exposés depuis plus longtemps au virus
chez les VIH-2+, a évoqué le chercheur comme explication possible à leur
moindre réponse.
"Il va falloir bien évaluer l'efficacité des antirétroviraux contre le
VIH-2", notamment celle des molécules les plus récentes (anti-intégrases,
anti-CCR5), a considéré Rodolphe Thiébaut.
Chez ces patients, le schéma de première intention le plus courant demeure
l'association de deux analogues nucléosidiques et d'une antiprotéase,
rappelle-t-on. En raison des divergences entre le VIH-1 et le VIH-2, les
analogues non-nucléosidiques ne présentent en effet aucune efficacité contre
ce dernier.
Alors que, pour des raisons de méthodologie statistique, le peu de patients
VIH-2+ rend difficile leur étude, il est actuellement envisagé
d'"homogénéiser les prescriptions" chez ces patients afin de faciliter leur
évaluation, a indiqué le chercheur.
(Aids, vol.22, n°4, p.457-468)
rl/eh/APM