APM International - Hillary Clinton veut faire baisser le prix des médicaments aux Etats-Unis
Pour information.
Les laboratoires accusés de gonfler les prix de leurs anticancéreux
Une étude montre que les tarifs de certains médicaments sont sans lien avec leur coût de développement.
LE MONDE ECONOMIE | 2015/09/26 11:11:25- mis à jour le 2015/09/26 11:12:47
Les laboratoires accusés de gonfler les prix de leurs anticancéreux
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Le Glivec est un médicament très efficace pour traiter les cancers rares du sang et de la moelle osseuse. Lancé en 2001, il a changé la donne pour les patients, dont l’espérance de vie était jusque-là très limitée. Seul bémol, son prix : plus de 100 000 dollars (90 000 euros) par an aux Etats-Unis. Comment Novartis, son fabricant, a-t-il calculé ce montant ? C’est l’un des secrets les mieux gardés de l’industrie.
Pour Andrew Hill, pharmacologue et chercheur à l’université de Liverpool, en Grande-Bretagne, une chose est sûre : ces prix sont totalement déconnectés des dépenses engagées par le laboratoire. Selon ses calculs, qu’il doit présenter dimanche 27 septembre au European Cancer Congress à Vienne, le coût de production de l’imatinib, le principe actif du Glivec, est compris entre 350 et 700 dollars le kilo. En y ajoutant le coût des autres étapes de fabrication, le transport, et une marge de
50 %, le médicament pourrait être vendu moins de 200 dollars par an. « Cette estimation s’appuie sur des données déjà publiées sur les coûts de production des différents principes actifs et sur des propositions que nous avons reçues de laboratoires indiens », précise M. Hill.
Le chercheur a analysé quatre autres molécules de la famille du Glivec – les inhibiteurs de tyrosine kinase, dans le jargon scientifique – indiquées pour traiter différents types de cancers. Ses conclusions sont identiques : vendus respectivement 78 000, 135 000 et 137 000 dollars aux Etats-Unis, le Tarceva (Roche), le Sprycel (Bristol-Myers Squibb) et le Nexavar (Bayer) pourraient être copiés pour 230, 330 et 1 300 dollars respectivement.
Les sommes dépensées par les laboratoires pour mettre au point ces molécules suffisent-elles à expliquer un tel écart ? Une étude du Tufts Center for the Study of Drug Development, un institut universitaire en partie financé par l’industrie pharmaceutique, estime à 2,6 milliards de dollars le coût de développement d’un médicament. Ce montant tient compte du coût des échecs (80 % des anticancéreux en développement n’atteignent jamais le marché) et inclut les intérêts qu’auraient perçus les investisseurs en plaçant leur argent ailleurs,
soit 1,1 milliard de dollars.
De fortes dépenses de marketing
Ce résultat est très contesté. « Si vous croyez cela, vous croyez sans doute aussi que la terre est plate », ironisaitMédecins sans frontières en réaction à la publication de l’étude, en novembre 2014.
Quelques mois plus tôt,Andrew Witty, le patron du laboratoire britannique GSK, admettait lui-même que le milliard de dollars qu’est censé coûter le développement d’un médicament est
« l’un des plus grands mythes de l’industrie ». « Il est tout à fait possible d’améliorer l’efficacité de notre recherche et de répercuter les économies réalisées sur les prix », précisait le dirigeant. Certains y parviennent d’ailleurs mieux que d’autres : une enquête menée par Deloitte en 2012 auprès de 12 laboratoires a montré que le coût moyen de développement d’un médicament s’échelonnait de 315 millions à 2,8 milliards de dollars selon les cas.
Mises en avant pour justifier le prix des médicaments, les dépenses de recherche sont souvent égalées, voire dépassées par les dépenses de marketing. Novartis, numéro un mondial du secteur, a ainsi consacré 15 milliards de dollars en 2015 à la commercialisation et à la promotion de ses médicaments, contre un peu moins de 10 milliards au développement de nouvelles molécules. Chez BMS, les deux postes s’équilibrent (un peu plus de 4 milliards de dollars chacun), et Roche apparaît comme l’une des rares « big pharma » à investir davantage dans la recherche (un peu moins de 9 milliards de dollars) que dans le marketing (un peu plus de 6 milliards de dollars).
« Qu’est-ce qu’un profit raisonnable ? »
Le dernier élément pesant sur les prix est la marge appliquée aux médicaments.
« Qu’est-ce qu’un profit raisonnable ? interroge Andrew Hill. Cela fait partie du débat, car, aujourd’hui, le prix des médicaments est moins lié aux bénéfices qu’ils apportent qu’au rapport de force entre les laboratoires et les payeurs. »
Selon le chercheur, c’est ce qui explique le grand écart entre les prix américains et européens, trois à quatre fois moins élevés.
Résultat : le business des médicaments est plus que jamais rentable. Selon le cabinet
McKinsey, le secteur pharmaceutique représentait, en 2013, 10 % des profits de l’indice boursier S&P 500, qui regroupe 500 grandes sociétés cotées aux Etats-Unis, contre 6 % en 1990. Au niveau mondial, la marge nette des laboratoires s’élève à 16 % en moyenne. Seuls l’immobilier, la finance, le tabac et les logiciels s’avèrent plus rentables.
Le marché des anticancéreux est de loin le plus important et le plus dynamique. Estimé à près de 80 milliards de dollars en 2014, il devrait bondir à près de 155 milliards d’ici à 2020, selon les calculs d’Evaluate Pharma, une autre société de conseil. Le Glivec a rapporté 4,7 milliards de dollars à son fabricant, le Tarceva 1,3 milliard de dollars et le Sprycel 1,5 milliard.
La pression monte
Contactés par Le Monde, Novartis et Roche indiquent ne pas avoir été en mesure de regarder précisément l’étude d’Andrew Hill.
« Le prix des médicaments est déterminé par de nombreux facteurs qui vont au-delà des coûts de fabrication et impliquent les bénéfices fournis aux patients et aux systèmes de soins de santé. Le développement de traitements nouveaux […] est difficile et risqué, ce qui doit être pris en considération lors de la fixation du prix », indique un porte-parole de Novartis.
La pression monte néanmoins autour des labos. Début septembre, le National Health Service britannique a ainsi décidé de ne plus prendre en charge certains des anticancéreux les plus onéreux. Aux Etats-Unis, les politiques aussi se sont emparés de la question. Candidate à l’élection présidentielle de 2016, Hillary Clinton a présenté, mardi 22 septembre, un plan qui prévoit de conditionner les allégements fiscaux de l’industrie pharmaceutique à un certain niveau de réinvestissement des bénéfices dans la recherche. Dans le même esprit, six Etats américains ont adopté l’an passé des lois pour contraindre les laboratoires à justifier davantage le prix de leurs médicaments, notamment en dévoilant les montants réellement investis dans leur développement.
Cet été, cent oncologues américains réputés ont enfin lancé une pétition pour alerter les autorités sur l’inflation des prix. Ils soulignent que les prix des anticancéreux ont été multipliés par 10 depuis 2000, passant de 5 000 à 10 000 dollars par an en moyenne à plus de 120 000 dollars. Sur cette même période, le revenu moyen d’une famille américaine de quatre personnes a chuté de 8 %, à 52 000 dollars.