E-MED: Le pi�ge des droits sur la propri�t� intellectuelle (2)
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[Errata : hier dans l'article du Monde, j'ai oubli� d'indiquer qui �tait
interview�!
Et bien c'est Bernard P�coul, directeur de la campagne pour l'acc�s aux
m�dicaments essentiels de M�decins sans Fronti�res (MSF).
Toutes mes excuses,
Carinne Bruneton]
"Un accord qui ne permet pas de prot�ger en cas d'urgence sanitaire est
mauvais"
Intrview de Bernard P�coul, directeur de la campagne pour l'acc�s aux
m�dicaments essentiels de M�decins sans Fronti�res (MSF)
LE MONDE ECONOMIE | 26.03.01 | 12h13
"Apr�s l'�motion d�clench�e par le proc�s intent� par 39 firmes
pharmaceutiques au gouvernement sud-africain visant � l'emp�cher d'appliquer
une loi sur les m�dicaments g�n�riques, plusieurs laboratoires ont d�cid� de
baisser les prix des m�dicaments antisida. Est-ce suffisant ?
- Je ne pense pas que ces mesures soient suffisantes, m�me si elles vont
dans le bon sens. Le laboratoire Merck, qui fait partie des plaignants, a
fait savoir qu'il fournirait aux pays du Sud deux m�dicaments antisida � un
dixi�me du prix am�ricain, soit 600 dollars pour l'un et 500 dollars pour
l'autre. On est encore loin du prix "cible" que nous avons �valu� � 200
dollars par personne et par an pour une trith�rapie, c'est-�-dire la
combinaison de trois m�dicaments. On pense qu'il est atteignable � moyen
terme.
"Actuellement, aux Etats-Unis, une trith�rapie co�te de l'ordre de 10 000
dollars par personne et par an. Mais, si on prend l'exemple de vaccins ou de
m�dicaments plus anciens, leur prix - une fois qu'ils sont dans le domaine
public - tombe � entre 1 % et 5 % du prix de d�part. C'est le cas, par
exemple, du Fluconazole, un m�dicament qui traite les maladies opportunistes
li�es au sida. Ce produit, dont le prix pour un traitement quotidien est de
12 � 20 dollars dans les pays riches, peut �tre trouv� entre 20 et 60 cents
l� o� il n'est pas ou plus prot�g� par un brevet, comme en Inde ou en
Tha�lande.
- Que faire pour arriver � de tels niveaux de prix ?
- Nous pr�conisons une approche plus globale et internationale. Et ce
raisonnement vaut pour d'autres maladies que le sida, comme le paludisme. Il
faut refaire ce qui a pu �tre fait pour les vaccins, c'est-�-dire lancer des
appels d'offres internationaux sous l'�gide d'agence des Nations unies comme
l'Unicef. Cela permettra d'atteindre des niveaux de prix sans aucun rapport
avec ce qui se fait dans les pays industrialis�s. Mais, pour cela, il faut
une volont� forte des Etats du Nord comme du Sud. Un prix de 200 dollars
peut �tre une solution pour la Tha�lande ou certains pays d'Am�rique latine
mais ce sera encore trop cher pour les pays les plus pauvres et les plus
touch�s.
L� nous pr�conisons un fonds de solidarit� internationale financ� par les
pays riches.
- La compagnie indienne Cipla, qui fabrique des m�dicaments g�n�riques, a
propos� � M�decins sans fronti�res (MSF) une trith�rapie ne co�tant que 350
dollars par personne et par an. Cela aurait-il �t� possible si l'Inde avait
mis en �uvre l'accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les
droits de propri�t� intellectuelle ?
- Cipla, un des plus gros fabricants indiens de m�dicaments g�n�riques, nous
a en effet fait une offre � ce prix. Une autre firme indienne lui a embo�t�
le pas � un prix quasi �quivalent. Nous allons �tudier ces offres, v�rifier
la qualit� des produits offerts.
"La loi indienne autorise la copie des m�dicaments fabriqu�s par des
laboratoires �trangers car l'Inde n'est pas encore oblig�e d'appliquer
l'accord Adpic (Aspects des droits de propri�t� intellectuelle qui touchent
au commerce).
"Mais la campagne que m�ne MSF depuis deux ans pour un meilleur acc�s des
pays du Sud aux m�dicaments essentiels n'est pas une campagne contre la
propri�t� intellectuelle. Nous pensons que l'accord Adpic joue un r�le pour
stimuler la recherche de nouveaux m�dicaments, mais nous revendiquons le
besoin de chercher un �quilibre entre la protection de la propri�t�
intellectuelle et la protection des individus. Or, l�, l'�quilibre est
rompu.
- Pourtant l'accord sur la propri�t� intellectuelle autorise les
importations parall�les, l'achat de produits de marque dans un pays o� ils
sont moins chers ; de m�me que, en cas d'urgence nationale, les Etats
peuvent autoriser une entreprise locale � fabriquer � moindre co�t un
m�dicament couvert par un brevet...
- D�s lors que les Etats ont essay� d'utiliser ces possibilit�s, ils se sont
heurt�s � la menace et aux pressions des laboratoires mais aussi des
Etats-Unis et de l'Europe. Leon Brittan, alors qu'il �tait commissaire
europ�en au commerce, avait soutenu en son temps les laboratoires contre le
gouvernement sud-africain, m�me si le commissaire actuel, Pascal Lamy, a
adopt� un autre discours.
"Aujourd'hui, les Etats-Unis accusent le Br�sil de ne pas respecter l'accord
sur la propri�t� intellectuelle et ont entam� une proc�dure contre lui �
l'OMC. Mais le Br�sil a fait une interpr�tation de l'Adpic qui l'autorise �
prot�ger sa population. S'il appara�t que cet accord ne permet pas aux Etats
de prot�ger leur population en cas d'urgence sanitaire, alors c'est qu'il
est mauvais. Il faut que les pays en d�veloppement puissent utiliser
facilement la possibilit� offerte par les licences obligatoires et autres
clauses de sauvegarde.
"Mais, pour l'instant, il semblerait qu'aucun pays du Sud n'ait pu utiliser
les dispositifs pr�vus par l'Adpic sans se faire attaquer, qu'il s'agisse
de l'Afrique du Sud ou du Br�sil. Nous r�clamons, depuis un an et demi,
qu'il y ait un groupe sp�cial dans le cadre de l'OMC qui r�fl�chisse �
l'adaptation de l'Adpic aux enjeux de sant� publique.
- Justement, l'OMC et l'Organisation mondiale de la sant� (OMS) ont pris la
d�cision d'organiser en avril un atelier d'experts en Norv�ge sur la
question de l'acc�s des pays pauvres aux m�dicaments contre le sida...
- MSF participera � cet atelier en Norv�ge, mais il portera essentiellement
sur la question des prix diff�renci�s, � savoir comment mettre en �uvre la
vente de m�dicaments aux pays pauvres, � des prix moins chers, par les
laboratoires producteurs de g�n�riques ou de produits de marque. Ce n'est
qu'une partie du probl�me.
"Un des objectifs clairs de l'accord sur la propri�t� intellectuelle �tait
de stimuler la recherche et le d�veloppement, or rien ne se fait dans le
domaine des maladies qui touchent les plus pauvres.
"Un autre objectif �tait de permettre le transfert de technologie, mais l�
non plus les pays en d�veloppement n'en voient pas les effets. Au contraire,
dans le domaine pharmaceutique, l'industrie de ces pays est sacr�ment mise
en difficult�."
Propos recueillis par Martine Laronche
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