[e-med] Accès aux génériques: enjeux actuels et propriété intellectuelle

ACCES AUX GENERIQUES: ENJEUX ACTUELS ET PROPRIETE INTELLECTUELLE

L'association AIDES met à disposition une brochure militante sur l'accès aux
génériques dans les pays du Sud. Celle-ci est téléchargeable à l'adresse
suivante :
http://reseauafrique2000.free.fr/GENERIQUES_PROPRIETE_INTELLECTUELLE_AIDES.pdf
(attention, le fichier est volumineux, il faudra compter environ 20 minutes
pour le télécharger sur poste qui se connecte à Internet par le téléphone).
La brochure au format papier sera elle disponible sur simple demande à
documentation@aides.org dès la rentrée en septembre 2005.

Accès aux génériques : enjeux actuels et propriété intellectuelle
17 millions de personnes meurent chaque année de maladies infectieuses et
contagieuses faute de pouvoir accéder à des traitements efficaces. 95 % d'entre
elles vivent dans des pays en développement. Sur les 40 millions de
personnes atteintes du sida dans le monde, 6 millions sont aujourd'hui dans
un état de santé qui nécessite une mise sous antirétroviraux immédiate.
Seuls 7 à 12 % d'entre elles ont accès à ces médicaments. En outre, le
nombre de personnes qui doivent modifier leur régime thérapeutique parce que
leur virus devient résistant au traitement de première ligne augmente
régulièrement. Or, un traitement antirétroviral de seconde ligne revient
dans le meilleur des cas à entre 1 200 et 2 000 $US par patient et par an.
Plus les traitements sont récents plus ils sont chers, et ce qui est valable
pour les antirétroviraux, l'est aussi pour les médicaments contre les
affections opportunistes ou les traitements d'autres pathologies. Le
traitement de l'hépatite C, par exemple, qui touche plus de 170 millions de
personnes est de 30 000 US$ par patient et par an.
Plus de 4,5 milliards de personnes vivent avec un revenu annuel compris
entre 200 et 1 200 $US. Des traitements vitaux restent donc absolument hors
de portée des malades des pays en développement.

La concurrence par les génériques
L'étendue de l'épidémie de sida et la nécessité de développer l'accès aux
antirétroviraux a ouvert le débat sur le prix des médicaments et le besoin d'une
concurrence par les génériques. À partir de 1997, des laboratoires
gouvernementaux (Brésil, Thaïlande) ou des compagnies privées (Inde) se sont
engagés dans la production de versions génériques d'antirétroviraux.
Permettant de sortir d'un contexte de monopole, l'apparition de ces
génériques a eu des conséquences extrêmement importantes sur le prix des
médicaments. Début 2000, la compagnie indienne Cipla commercialisait une
trithérapie générique à 800 $US par an et par patient. Ceci représentait une
réduction de plus de 90 % par rapport aux prix des multinationales. Entre
2000 et 2004, Cipla et d'autres compagnies indiennes ( Hetero, Aurobindo,
Ranbaxy) ont multiplié les offres et la chute des prix s'est poursuivit.
Aujourd'hui le prix le plus bas d'une trithérapie est d'environ 150 $US par
an et par patient.
L'introduction de génériques d'antirétroviraux a permis de faire chuter le
prix des trithérapies de première ligne de plus de 95 %. Dans de nombreux
programmes africains d'accès aux traitements, les produits génériques
indiens représentent aujourd'hui entre 50 et 75 % des médicaments consommés
par les malades. L'exemple des génériques d'antirétroviraux a mis en
évidence un phénomène connu : plus le nombre de producteurs est important,
plus le prix se rapproche du coût de production.

La propriété intellectuelle reste une menace pour les malades
Pourtant, en dépit de la déclaration de Doha en 2001 et des engagements pris
par les membres de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), les règles de
protection de la propriété intellectuelle continuent de menacer l'existence
d'une concurrence par les génériques dans les pays en développement. Depuis
le 1e r janvier 2005, tous les pays en développement membres de l'OMC, à l'exception
de certains « pays moins avancés » (PMA), sont tenus de respecter l'accord
sur les ADPIC qui fixe un standard minimum de protection de la pro p r i é t
é intellectuelle. Concrètement cela signifie que ces pays doivent désormais
accorder un brevet d'au moins 20 ans aux médicaments et ne recourir à des
génériques qu'au terme de ces 20 années.
Les possibilités de fabriquer et de commercialiser librement des versions
génériques bon marché de produits brevetés sont donc fortement réduites ; ce
qui va rapidement peser sur l'extension des programmes d'accès aux
antirétroviraux et la disponibilité des médicaments de 2è et 3è ligne ou des
formulations pédiatriques.

Conséquences pratiques
L'absence de brevet sur les médicaments a permis aux génériqueurs en Inde ou
en Thaïlande de fabriquer des combinaisons à dose fixe - trithérapie en un
comprimé. Parce ce qu'ils sont plus simples à utiliser et qu'ils coûtent
moins chers, ces produits jouent un rôle déterminant dans l'extension de l'accès
aux antirétroviraux. Aujourd'hui le maintien de leur production et de leur
commercialisation est incertaine. La mise au point de produits de ce type
dans le futur l'est plus encore.
La mise en place des standards de l'OMC dans un nombre de plus en plus
important de pays limite de façon croissante la fabrication de versions
génériques de produits récents. Ceci a un effet direct sur les prix et
constitue une entrave majeure à une prise en charge adaptée et à l'extension
de l'accès aux médicaments. Ainsi, les antirétroviraux utilisés en seconde
ligne sont 2 à 12 fois plus chers que ceux utilisés en première ligne. Le
budget des Etats pour l'achat des traitements de 2ème et 3ème ligne absorbe
un pourcentage de plus en plus important de leur budget total d'achat de
médicaments. Au Brésil par exemple, 70% du budget consacré aux
antirétroviraux est utilisé pour acheter quatre produits brevetés
(lopinavir/ritonavir, tenofovir, efavirenz et nelfinavir). D'une façon
générale, les monopoles créés par les brevets bloquent l'accès des malades
des pays pauvres aux innovations pharmaceutiques. Selon des estimations,
avec la mise en place de la nouvelle législation sur la propriété
intellectuelle en Inde, le prix des nouveaux médicaments pourrait subir une
augmentation de l'ordre de 200 % - ce qui aura naturellement une
répercussion dans les pays qui dépendent de l'approvisionnement indien.

Quelles perspectives ?
L'accès à des versions génériques de médicaments brevetés va dépendre de la
capacité des pays à recourir aux flexibilités autorisées par l'accord sur
les ADPIC pour contourner le droit des brevets. Ces flexibilités ont été
abondamment utilisées dans les pays développés comme le Canada ou les
Etats-Unis dans d'autres domaines que la santé. Cependant, très peu de pays
en développement ont jusqu'à présent osé y recourir. En outre, le mécanisme
adopté à l'OMC en 2003 pour permettre l'exportation des génériques des pays
producteurs vers ceux qui ne produisent pas est de l'avis de nombreux
experts extrêmement difficile à mettre en pratique. Il n'a d'ailleurs
toujours pas été utilisé à ce jour.
Parallèlement aux contraintes établies par l'OMC, les Etats-Unis multiplient
les accords bilatéraux avec des pays en développement et leur imposent par
ce biais des mesures de protection de la propriété intellectuelle encore
plus drastiques. Ces pays perdent ainsi, les uns après les autres, les
possibilités de bénéficier pleinement des flexibilités de l'accord ADPIC.

L'accès des malades des pays en développement à des médicaments abordables n'est
pas impossible. Mais, il repose en grande partie sur la possibilité pour ces
pays de fabriquer et d'exporter ou d'importer des versions génériques de
produits pharmaceutiques brevetés.
À Doha en 2001, les pays membres de l'OMC ont reconnu le droit des États à
passer outre la protection des brevets pour permettre l'accès aux
médicaments pour tous. Avec la mise en oeuvre de l'accord ADPIC dans la
majorité des pays, il est désormais urgent que les pays en développement
mettent ce droit en pratique. De leur côté, en vertu des engagements qu'ils
ont pris, les pays riches, et notamment les Etats-Unis, ne peuvent
contraindre les pays en développement à renoncer à ces droits en imposant
des standards plus durs que ceux de l'OMC qui auront fatalement pour effet
de bloquer l'accès aux médicaments. Au contraire, ils doivent enfin mettre
en oeuvre des politiques de transferts de technologies - d'ailleurs
encouragées par l'accord ADPIC - qui permettront aux pays du Sud de
développer leurs capacités à fabriquer des médicaments adaptés aux besoins
de leurs populations et accessibles.

Emmanuel TRENADO
Directeur des programmes internationaux
Director, International Programs
AIDES (www.aides.org)
Tél. : 01 41 83 46 13 (+33 1 41 83 46 13)
Mobile : 06 64 36 74 60 (+33 6 64 36 74 60)
Agenda en ligne (on line agenda) : http://trenado.free.fr
etrenado@aides.org

Il faut signaler la soutenance récente (lundi 27 juin 2005) d'une Thèse de
Doctorat en Médecine à la Faculté de Médecine de l'Université Pierre &
Marie Curie (Paris VI) site Pitié-Salpétrière :

« Les progrès thérapeutiques liés aux médicaments
face aux stratégies "anti-génériques"
de l'industrie pharmaceutique »

par Coralie ANDRADE-PINEAU.

Jury :
Pr. Jean-Charles PIETTE - Président
Pr. Olivier CHOSIDOW
Pr. Alain PUECH
Pr. Philippe LECHAT - Directeur

source : http://www.atoute.org/n/forum/showthread.php?t=3121

J-Ph. GÉRARD
ph75@altern.org
MG