Mediator: l'effet coupe-faim de la molécule mentionné dès 1967 en France
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De Etienne FONTAINE et Béatrix BACONNIER (AFP) Il y a 3 jours
PARIS Servier a fait breveter en France en 1967 une molécule contenue dans
son médicament Mediator mentionnant un possible effet coupe-faim, une
information risquant de saper la défense du laboratoire qui admet cet effet
sur l'animal mais pas sur l'Homme.
Le bulletin officiel de la propriété industriel (BOPI), dans un avis daté du
3 juillet 1967 consulté par l'AFP, détaille une invention ayant pour objet
d'éventuels "médicaments à base de nouveaux dérivés du phényl-amino
propane", du nom de la molécule du benfluorex.
"La présente invention a pour objet, à titre de nouveaux médicaments,
notamment comme anorexiant, analgésique, anti-convulsivant ou régulateur du
métabolisme des lipides" ces nouveaux dérivés, selon le résumé du brevet.
Le brevet a été déposé par Science Union et Cie, société française de
recherche médicale, une entreprise créée par Servier.
Le Canard enchaîné a affirmé mercredi que Servier savait que le Mediator
était un coupe-faim puisqu'il l'avait présenté comme tel lorsqu'il avait
fait breveter la molécule benfluorex dans plusieurs pays. Le journal publie
l'extrait du dépôt d'un brevet de la molécule en 1967 aux Etats-Unis,
évoquant l'effet "anorexigène" de la molécule.
Le groupe Servier avait réagi affirmant qu'il n'avait "jamais contesté
l'existence d'un effet anorexigène (du Mediator) chez l'animal".
"En revanche, aucune étude à ce jour, et encore moins antérieure au dossier
d?autorisation de mise sur le marché de 1974 n?a démontré que le Mediator
avait un effet anorexigène chez l'Homme aux doses thérapeutiques indiquées
par la notice", avait-il indiqué.
Interrogé par l'AFP sur le brevet français, l'avocat de Servier, Me Hervé
Temime, s'est dit "surpris que personne ne s'interroge sur la connaissance
qu'en avaient les autorités sanitaires".
"Il n'y a rien de plus public qu'un brevet. Les autorités sanitaires ne
peuvent pas soutenir avoir ignoré les effets sur l'animal. Sur l'homme, une
expertise judicaire est en cours dont il convient de respecter le
déroulement", a-t-il ajouté.
Pour la pneumologue Irène Frachon, la première à avoir tiré la sonnette
d'alarme sur le Mediator, le brevet français est bien "le pendant" français
du document américain.
"Il dit la même chose, à savoir les espérances des inventeurs vis-à-vis des
qualités anorexigènes du Mediator", a-t-elle précisé à l'AFP.
"Les notices du Mediator, après sa commercialisation, ont revendiqué ses
propriétés antidiabétiques et hypolipemiantes (anti-gras) à partir
d'observations faites chez l'animal, exactement comme pour les propriétés
coupe-faim, puis en extrapolant à l'Homme... mais en gommant l'effet
coupe-faim observé dans des conditions semblables !", a expliqué le médecin.
Cependant, "pour le coupe-faim officiel de Servier de l'époque, le Pondéral,
ces mêmes notices vantaient un effet anoréxiant notamment lié à l'action du
métabolite +norfenfluramine+. Or, ce métabolite, toxique, est commun au
Pondéral et au Mediator", a conclu le Dr. Frachon.
Le Mediator a été retiré du marché en novembre 2009 en raison des risques
cardiaques encourus par les patients. Cet antidiabétique, largement prescrit
comme coupe-faim, a causé 500 à 2.000 décès, selon plusieurs études. Cinq
millions de malades l'ont utilisé.
Face à ce scandale de santé publique, le tribunal de Nanterre est saisi de
trois citations directes pour des faits de "tromperie aggravée" visant
notamment Servier et son dirigeant-fondateur Jacques Servier, 88 ans. A
Paris, trois juges d'instruction enquêtent sur des faits de "tromperie
aggravée", "escroquerie" et "homicides involontaires".
Le premier procès pénal doit se tenir à partir du 14 mai 2012 à Nanterre.