Voici un article particulièrement édifiant sur la vente illicite des
Médicaments. Merci de vos réactions et commentaires.
Dr Pierre SOPNGWI
Pharmacien
BP 4506 DOUALA
Email : ccpsopngwi@yahoo.fr
Tél.: 33 43 29 16
Enquête sur le commerce des médicaments dans la rue à Bafoussam
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204>
Écrit par Honoré Feukouo
Ouest : Le médicament fait du porte-à-porte
La ville de Bafoussam et les marchés périodiques de la région sont
envahis de grossistes et détaillants de produits pharmaceutiques.
Avec un petit panier sur la tête, Kenoué se balade dans la ville de
Bafoussam et propose, à longueur de journée, du paracétamol, de la quinine,
du quinimax, de l’aspirine et quelques autres produits qui soulagent divers
maux. Ce jeune garçon de 16 ans qui n’a pas pu poursuivre ses études dans un
collège privé de la place, « faute de moyens financiers », répète
machinalement une phrase : « 100frs la plaquette ». Le champ d’action du
jeune Kenoué ne se limite pas à la seule ville de Bafoussam.
Il connaît par cœur les jours consacrés au marché dans les petits
villages de la région de l’Ouest. Il s’y rend chaque fois, vend ses produits
et prend des commandes pour la semaine d’après. Dès que son panier commence
à se vider, il retourne au centre du marché A de Bafoussam, renouveler son
stock auprès de son grand frère, un des grossistes en ces lieux.
Kenoué, qui compte bientôt ouvrir lui aussi une boutique de la même
ampleur au marché A, se rappelle que son frère aîné a commencé comme lui, il
y a 4 ans. C’est au cœur du principal marché de Bafoussam que se trouvent
les gros vendeurs de médicaments de la ville. On retrouve aussi les vendeurs
de médicaments à l’entrée des hôpitaux, à l’instar de ceux positionnés au
marché B, à 100m de l’entrée de l’hôpital provincial de Bafoussam. Même
situation dans les autres grandes villes de la région de l’Ouest. Pour les
points de vente nocturne, les commerçants des produits pharmaceutiques se
positionnent à l’entrée des grands carrefours de la ville. Au carrefour
Total, vers le «quartier haoussa», au carrefour auberge, ou encore au
carrefour touristique…
Avec la solidarité qui règne entre les commerçants, presque tous les
produits pharmaceutiques sont disponibles. Il suffit d’en manifester l’envie
et le vendeur vous demande, lorsqu’il ne l’a pas sur place, de patienter
quelques instants. En quelques minutes, il effectue un saut dans le comptoir
voisin ou au magasin, et revient avec le produit que vous sollicitez. Cette
astuce vise à prévenir l’arrivée des équipes chargées de contrer le commerce
illégal des médicaments dans la rue. Sur leurs étals, les commerçants
exposent des paquets vides pour permettre aux clients de les repérer. En
dehors de quelques médicaments forts sollicités, la majorité des produits
sont cachés dans des magasins le plus souvent, situés dans la périphérie du
marché. Ainsi, les pertes sont réduites lorsque la police effectue une
descente sur le marché pour saisir les produits qui sont vendus dans la rue.
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Bafoussam : Un hôpital au cœur du marché A
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203>
Écrit par Honoré Feukouo
Certains vendeurs de médicaments prescrivent et soignent leurs
patients sur place.
Docteur T…, comme on l’appelle communément, est l’un de plus vieux
vendeurs de médicaments du marché A de Bafoussam. Sa boutique, qui emploie
ses deux enfants, ne désemplit pas. A longueur de journée, des personnes
s’installent sur le banc de réception et attendent d’être servies. La
particularité dans cette boutique située au cœur du marché A, c’est qu’on ne
se contente pas de vendre des produits.
En homme expérimenté, le maître des lieux, titulaire d’un
baccalauréat depuis 1977, peut aussi faire des prescriptions médicales,
administrer une injection à un patient ou le mettre sous perfusion. Le
patient qui arrive se trouve face au plus jeune des fils du «docteur», qui
se contente de vendre les médicaments sollicités. Lorsque le patient, comme
cela arrive bien souvent, explique son mal, le frère aîné lui fait
comprendre discrètement qu’en fonction de la gravité de son mal, il a
besoin de faire quelques examens». Après votre approbation, un passage
secret, protégé par un morceau de contre plaqué, est dégagé. Ce qui vous
permet de passer dans l’arrière-boutique, qui est plus spacieuse. Dans ce
petit cabinet caché, se trouvent un petit lit, ainsi que quelques outils qui
vont permettre au Dr T…, qui s’y trouve en permanence, de prendre votre
tension, votre poids et d’effectuer bien d’autres opérations. Si vous
acceptez de recevoir votre perfusion sur place, il suffit de s’allonger sur
le lit, le temps que le «docteur» effectue la composition du produit.
Certains patients reviennent plus tard pour d’autres perfusions ou pour une
injection. Une demi-douzaine de personnes procèdent comme le Dr T… Elles
travaillent avec une clientèle habituelle. Bien sûr, avoue l’un d’eux, « il
y a eu des cas où certaines personnes qui venaient de recevoir une injection
se sont évanouies ou sont mortes sur le coup. Mais on réussit le plus
souvent à soulager le malade. »
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Origine : La route du Nigeria
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202>
Écrit par Honoré Feukouo
Beaucoup de médicaments vendus dans la rue à Bafoussam passent par
ce pays voisin.
Il est un peu plus de 16h ce mardi 27 janvier 2009, lorsqu’un camion
anonyme et recouvert se gare devant un magasin situé non loin du marché
central de Bafoussam. Quelques individus s’attellent à décharger son
contenu, sous le regard attentif de trois commerçants. « Allez y doucement,
ce sont des paquets de médicaments fragiles », s’écrie l’un d’eux. Il faut
dire qu’après l’arrivée du camion, l’un d’eux a pris la peine d’entrouvrir
un des paquets pour s’assurer qu’il s’agissait du nécessaire pour effectuer
des perfusions. Il y a aussi des cartons comportant des antipaludéens et des
antibiotiques.
L’un des détaillants du marché, venu s’approvisionner, va affirmer
sous anonymat que le camion qui contient ces produits pharmaceutiques vient
du Nigeria. D’aucuns laissent entendre qu’il a transité par le nord du
Cameroun, tandis que les autres jurent qu’il est plutôt passé par la
province du Nord-Ouest. Les commerçants de médicaments brouillent plus ou
moins les pistes, lorsqu’ils sont interrogés sur la source des produits
qu’ils proposent à de nombreux consommateurs. Il suffit de douter de la
qualité de leurs produits pour que certains se dévoilent. « Achetez un
produit ici, et allez demander à un pharmacien de l’apprécier. Je parie que
s’il est honnête, il va vous dire que c’est un bon produit ». Grégoire, qui
lance cette affirmation, soutient que des médicaments, produits dans des
firmes pharmaceutiques à l’étranger, transitent par le Nigeria avant
d’arriver au Cameroun, mais qu’ils sont tout autant bons que ceux qui
viennent directement du pays de production.
« Avant même qu’un produit ne soit homologué sur le marché, il se
trouve chez nous. Vous pouvez ne pas trouver un médicament prescrit par un
médecin dans une pharmacie, mais ici, il y a au moins cinq commerçants qui
peuvent, dans les minutes qui suivent, vous fournir ce produit ». Approchés,
certains de ces commerçants, évoquent l’accord qui existe entre les
médecins, les délégués médicaux et les vendeurs de médicaments dans les
différents marchés de Bafoussam et d’autres villes de l’Ouest. Selon leurs
explications, cette entente est huilée de telle sorte que, régulièrement,
beaucoup de produits prescrits par certains médecins à leurs patients sont
fournis aux commerçants de la rue par les délégués médicaux. Après
épuisement du stock, de nouveaux produits arrivent et suivent le même
cheminement.
«Je ne suis qu’un simple détaillant. Mais je vous assure qu’il y en
a parmi nous qui ne sont devenus des grossistes que parce qu’ils ont des
amis dans le circuit officiel du médicament», affirme Raoul. Alphonse,
présenté comme un grossiste, ne se fait pas prier pour énumérer des
fournisseurs faisant partie du circuit officiel, donc légal, de la
distribution du médicament au Cameroun. Dans les bureaux du Centre
d’approvisionnement en produits pharmaceutiques (Capp Ouest), logés en plein
cœur de l’hôpital régional de Bafoussam, personne ne veut se déclarer
officiellement en l’absence du chef de ce service. «Nous sommes une
structure publique et nous ne travaillons qu’avec le circuit officiel » nous
lance, sous anonymat, une employée des lieux, juste avant d’allumer sa
cigarette.
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Joseph Kuitche : «Le médicament de la rue profite de la crise de
confiance entre les patients et le
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201>
Écrit par Honoré Feukouo
Vendeur de médicament à Bafoussam, il parle de son activité.
Comment êtes-vous devenu vendeur de médicaments ?
Après mon Bts en informatique, j’ai traîné pendant un an sans
pouvoir trouver un emploi. Entre temps, je tuais l’ennui avec un camarade de
promotion qui exerçait dans la vente des médicaments avec son père, qui est
un infirmier retraité. Ce sont eux qui m’ont initié. Au départ, je pensais
le faire juste le temps d’accumuler un peu de sous afin d’aller négocier un
boulot. Je n’ai pas pu être satisfait par les rares propositions que j’ai
eues, et maintenant, je mène cette activité en la considérant comme un
métier, puisque c’est elle qui me permet de nourrir ma famille, depuis près
d’une dizaine d’années.
On s’interroge toujours sur la provenance des produits que
vous commercialisez dans la rue…
Nous utilisons d’abord le même circuit qui ravitaille les pharmacies
publiques. Il y a le Laborex, le Cap, le Cename qui nous ravitaillent par
des transactions indirectes que je ne peux pas vous détailler. Nous sommes
aussi en contact avec les médecins qui testent les produits que proposent
les délégués médicaux. Il y a enfin le circuit de la contrebande. Les
génériques et d’autres produits nous viennent de l’Inde, bref de pays
asiatiques, et de quelques pays européens. La plupart des médicaments
transitent par le Nigeria, qui a une flotte plus facilement accessible,
avant de nous parvenir.
On constate également que vous ne vendez pas uniquement les
médicaments. Il vous arrive parfois d’en prescrire.
Lorsque le client se présente avec une ordonnance parce qu’il trouve
ces produits chers à la pharmacie, nous nous contentons de vendre. D’autres
viennent nous expliquer leurs maux et demandent des produits qu’ils ont déjà
en tête. On ne peut ici que conseiller à ces derniers des produits de
substitution qui vont avoir le même effet. Pour les consultations, ce n’est
pas notre affaire, nous n’avons pas le matériel de laboratoire. On peut
juste aider le patient à connaître sa température, son poids, sa tension… et
faire une prescription de maintien, le temps qu’il puisse aller à l’hôpital.
Vous ne redoutez pas de faire un mauvais diagnostic ?
Nous ne prescrivons pas pour toutes les maladies. On propose juste
des remontants pour ceux qui ont des céphalées, le paludisme simple et les
maux mineurs tels que les maux de ventre, de tête. Après, on suggère
toujours qu’ils aillent à l’hôpital. Mais nous avons constaté que ce sont
les clients qui redoutent les hôpitaux.
Pourquoi ?
Ils pensent toujours que le médecin et le pharmacien sont des
commerçants comme nous, à la seule différence qu’ils vendent au prix fort
leurs services et produits. C’est pour cela que les moins nantis ne vont à
l’hôpital qu’au dernier moment. Ils nous disent aussi que dans ces milieux,
l’accueil est froid et parfois inhumain. Le médicament de la rue profite de
la crise de confiance entre les patients et le système hospitalier et
pharmaceutique public.
Votre activité n’en est pas moins illicite…
Nous savons que c’est un commerce illicite. Mais il prolifère à
cause du chômage et de la pauvreté. Ceux qui vendent les médicaments le font
pour survivre. C’est pour cela qu’ils sont prêts à le faire en cachette. Les
clients viennent vers nous à cause du prix. L’hôpital est pour eux la
dernière solution.
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Dr Ernest Djoko : «Les médicaments de la rue sont composés de
farine»
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Écrit par Honoré Feukouo
Le responsable régional de l’ordre des pharmaciens à l’Ouest,
revient sur la nécessité d’assainir le secteur de la commercialisation du
médicament.
Pourquoi menez-vous une lutte acharnée contre ceux qui vendent les
médicaments dans des endroits autres que dans une pharmacie comme la vôtre ?
Je ne pense pas que nous soyons en guerre contre certaines
personnes. En tant qu’acteurs professionnel du secteur de la santé publique,
nous sommes conscients du fait que les faux médicaments représentent un
véritable danger pour la population. En tant que pharmaciens, nous essayons
de prévenir tout le monde.
Quels sont les risques auxquels sont exposés ceux qui consomment les
médicaments que vous décriez.
Les médicaments de la rue, lorsqu’ils ne sont pas des produits
volés, sont composés de farine, sans aucune substance active, ou de
produits fabriqués dans des usines mal intentionnées. Lorsqu’ils sont en
plus mal conservés, le patient court le risque d’être intoxiqué. Le
véritable danger, c’est l’après. Lorsqu’un patient consomme un produit mal
fabriqué ou mal conservé et qu’il trouve un soulagement sur le coup, il
meurt à petit feu. Les produits de dégradation contenus dans ces
médicaments restent dans le corps, et peuvent donner au patient un blocage
rénal, un problème de foie, des maladies que le patient n’associe jamais aux
mauvais produits qu’il a consommés, il y a parfois des années.
On ne vous voit sur le terrain de l’action que le 28 mai de
chaque année, lors de la journée africaine de sensibilisation aux dangers de
la vente illicite des médicaments…
C’est vrai que ce jour-là, il y a des manifestations qui sont plus
médiatisées. Il y a aussi la contribution de l’autorité ce jour là. En
permanence, nous effectuons notre devoir de sensibilisation. Mais il
appartient à d’autres de faire appliquer la loi.
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Votre avis : Que pensez-vous de la vente des médicaments dans la rue
?
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199>
Écrit par ...
Jeannette Malla, ménagère
Je suis habituée à aller acheter les médicaments au marché, parce
qu’ils sont plus équipés en produits. C’est ce qui me rassure. Il est plus
facile d’acheter un produit au marché qu’à la pharmacie, d’abord à cause du
prix. Au marché, on trouve aussi facilement certains produits qu’on ne voit
qu’après avoir effectué le tour de la majorité des pharmacies de la ville.
Soffo, plate forme santé de Bamendjou
Il se dit, et c’est vrai, qu’ils ont souvent de bons produits dans
la rue, mais le problème est au niveau de la conservation de ces
médicaments. Il serait bien de canaliser et d’organiser ce secteur
d’activité, au lieu de le combattre de manière anarchique. C’est la
meilleure des choses à faire, au point où nous en sommes.
Alice Meffeu, gérante de call box
J’ai toujours peur d’acheter un produit au quartier. Je connais des
individus qui sont morts après avoir pris de mauvais produits. C’est pour
cela que je préfère toujours aller à la pharmacie. En même temps, je
comprends les autres. C’est d’abord un problème de porte monnaie
Denis Nkwebo, Journaliste
Rédacteur en chef adjoint
Quotidien Le Jour
Desk Douala
Tel: 00237 77 68 10 34 / 00237 22 03 81 09
Dr Pierre SOPNGWI
Pharmacien
BP 4506 DOUALA
Email : ccpsopngwi@yahoo.fr
Tél.: 33 43 29 16