[remerciements à CR pour la traduction de cet article.CB]
Intellectual Property Watch, le 24 avril 2010
Medicrime: Emergence d'une nouvelle convention en Europe au sujet des
contrefaçons.
Pendant que Anti-Counterfeiting Trade Agreement ACTA (l'accord sur les
contrefaçons commerciales) reçoit plein d'attention à la suite de son
brouillon qui vient d'être publié, une nouvelle convention apparait traitant
d'un des aspects majeurs qu'ACTA se promettait de régler. Medicrime
Convention of the Council of Europe, la Convention du conseil de l'Europe
appelée Medicrime a établi les premières normes internationales qualifiant
de crimes la fabrication et la distribution de médicaments contrefaits à
risque pour la santé publique. Et Medicrime passe avant ACTA, car le
brouillon de texte de la convention est prêt à être signé par le Comité des
ministres en mai, et il sera prêt pour être ratifié en novembre.
"Medicrime ne fait pas double emploi avec ACTA" a déclaré Kristian
Bartholin, expert du Conseil de l'Europe à Strasbourg, France, s'adressant à
Intellectual Property Watch après une réunion à Bâle la semaine dernière où
on a discuté de la mise en place de Medicrime.
"ACTA réglemente le marché en protégeant les chaînes de fournitures
régulières contre les contrefaçons. Medicrime de son côté ne cherche pas à
réglementer le marché. Medicrime s'occupe de la criminalisation de certains
actes et infractions," a expliqué Bartholin au sujet de son objet. "On peut
employer ACTA et Medicrime ensemble, les deux donneront une totale
protection."
Jan Kleijssen, directeur du directorat de la Commission européenne pour
l'établissement des normes, dans sa note de présentation à la réunion de
Bâle, a présenté le cas en Argentine d'une victime de médicaments
contrefaits pour illustrer ce que Medicrime fait. Selon Kleijssen, Veronica
Diaz, âgée de 22 ans, de la province de Rio Negro en Patagonie, est morte
d'une supplémentation en fer falsifiée, qu'elle avait reçue pour traiter une
anémie modérée. L'injection de ce produit falsifié contenait une
concentration en dérivé du fer plus de trois fois supérieur à celle que le
vrai produit (fer et sorbitol) doit contenir.
Même si les autorités en Argentine ont pu arrêter et poursuivre en justice
certains des criminels responsables d'avoir distribué ce médicament
contrefait, "les contrefacteurs eux-mêmes n'ont jamais été trouvé ni traîné
en justice" a déclaré Kleijssen. Il est grand temps d'agir contre "ces
lâches criminels qui sont si capables de mettre en danger la vie des autres
pour de l'argent," a-t-il déclaré. La contrefaçon est "un gros business pour
des entrepreneurs de l'ombre du crime organisé". C'est une industrie
multimilliardaire en Euros et pourtant les sanctions internationales sont
toujours légères.
C'est ce que Medicrime doit modifier, d'après les auteurs au Conseil de
l'Europe (qui est séparé et antérieur à l'Union européenne). Les
gouvernements qui signeront cette convention à la fin de l'année s'engagent
à reconnaître comme infractions "la fabrication volontaire de médicaments,
de principes actifs, d'excipients, de composants, de matériels et
d'accessoires contrefaits" (Article 5), "la fourniture ou l'offre de
fourniture, y compris le commerce, le trafic, y compris le stockage,
l'importation ou l'exportation de produits médicaux contrefaits" (Article 6)
et aussi "la falsification de documents" (Article 7). Medicrime couvre aussi
les articles médicaux falsifiés et vise "qui aide, est complice ou
s'engage" dans ces actes criminels décrits.
Il y a aussi des clauses décrivant la responsabilité des entreprises, les
questions juridictionnelles, des mesures comme la saisie, la destruction et
les sanctions. Un tableau spécial montre comment les victimes doivent être
protégées. Les victimes, selon Medicrime, sont des individus souffrant de
maux physiques ou psychiques dus à des médicaments contrefaits.
L'objectif de Medicrime est la santé publique. Bartholin a expliqué qu'elle
ne s'occupe pas de la protection des droits de la propriété intellectuelle.
Si les deux groupes parlent de contrefaçons, "ici, contrefaçons veut dire
falsification" dit-il. Il y a un consensus pour reconnaître que les droits
de la propriété intellectuelle sont protégés et correctement couverts aussi
la convention "ne va pas conduire vers une protection supplémentaire". Ce
qui manquait par contre était une réglementation internationale s'occupant
des dangers en santé publique.
Selon Medicrime, la falsification de médicaments génériques sera aussi
couverte ainsi que la distribution de médicaments autorisés au marché noir
comme les hormones vendues sans prescription à des individus qui veulent
gonfler leurs muscles ou augmenter leurs performances. Et aussi les
médicaments qui se trouveront commercialisés sans avoir passés les contrôles
réglementaires, a ajouté Bartholin.
Il existe une initiative semblable à l'OMS, conduite par International
Medical Products Anti-Counterfeiting Taskforce (IMPACT), a annoncé Holger
Hestermeyer, un chercheur de l'Institut Max Planck pour la comparaison du
droit international et du droit public à Heidelberg, en Allemagne, à
Intellectual Property Watch. Cependant à l'OMS, des questions se posent
parce que les questions de santé sont couvertes par la mise en place des
droits de la propriété intellectuelle grâce à l'emploi du concept
"contrefaçon". Pour ce chercheur, il est étonnant que Medicrime n'ait pas
fait l'objet d'un débat public, ou des ONG qui suivent de près le travail
d'IMPACT.
Chevauchement possible avec les questions de marques commerciales
Sur cette question concrète, Hestermeyer a déclaré que le risque de
chevauchement est toujours possible. "Il n'y a pas de problème avec "la
représentation falsifiée de l'identité" a-t-il déclaré. Les marques sont
apparues lors de la deuxième définition de la contrefaçon qui est: "une
falsification de la représentation eu égard à son origine" où origine, selon
l'explication fournie par la convention dans son rapport, doit être pris au
"sens large", tout comme le terme "contrefaçon" qui ne concerne que les
infractions aux marques commerciales selon l'OMC.
Hestermeyer a souligné que l'infraction de la marque ou la vente d'une
substance qui n'en est pas comme médicament sont clairement des actes
illégaux, mais de gravité différente et que la convention Medicrime semble
mélanger les deux en disant dramatiquement dans l'explication de son rapport
que "la contrefaçon de produit médicaux et les infractions semblables
violent le droit à la vie". Hestermeyer demande pourquoi un emballage
étiqueté "aspirine", voire Bayer, serait-il dangereux s'il contient de
l'acide acétylsalicylique. "C'est une infraction à la marque, mais peut-on
dire qu'il y a danger?" demande-t-il.
La seule raison pour inclure la marque serait de créer un "proxy". Il est
beaucoup plus difficile dévaluer le contenu que ce qui est écrit sur
l'emballage" ajoute-t-il. Que Medicrime regarde de près les questions de
respect de la marque peut indirectement conduire à moins de falsifications.
Au sujet du chevauchement entre ACTA et Medicrime, on peut tirer une
première conclusion au moins, on n'a plus besoin d'ACTA pour les questions
sur les médicaments contrefaits dangereux. Sous la houlette des ministres de
la santé des états membres de la commission européenne et des états
observateurs, bien que régional, Medicrime est ouvert à tous. Et pour
commencer, il a plus de partenaires qu'ACTA.