E-MED: Mondialisation du commerce (3)

E-MED : Mondialisation du commerce (3)

Compte rendu de r�union � Washington sur la propri�t� intellectuelle et la
sant�

Les 7 et 8 mais 1998, a �t� organis� � Washington un � Atelier sur la
Propri�t� Intellectuelle, la sant� et les accords internationaux sur le
commerce �.
L�organisateur �tait James Love, responsable de Consumer Project
on Technology, fond� par Ralph Nader.
L�objectif de cet atelier �tait dediscuter toute une s�rie de points
concernant
les brevets et les marques pour leurs cons�quences sur la sant�.
La question n�est pas de savoir s�il
faut des lois sur les brevets et sur les marques, mais plut�t de savoir
comment ces lois doivent �tre r�dig�es et dans quel ensemble ces lois
doivent s�int�grer pour favoriser l�accessibilit� aux m�dicaments et les
innovations les plus utiles.
Ont particip� � l�atelier surtout des repr�sentants d�organisations de
consommateurs (des �tats-Unis, mais aussi d�Am�rique Latine, d�Asie et
d�Europe), des repr�sentants de l�industrie pharmaceutique (surtout des
producteurs de g�n�riques : leurs associations am�ricaines, canadiennes et
europ�ennes), des experts (Inde et Argentine), et le responsable de la
propri�t� intellectuelle et de la concurrence au D�partement d��tat
(Affaires �trang�res).

Les points techniques d�battus ont �t� les suivants :
        - importations parall�les : elles permettent aux consommateurs de
b�n�ficier de la mondialisation du march�, surtout dans les petits pays o�
la concurrence est peu d�velopp�e.
        - brevetabilit� : comment �viter que les brevets ne deviennent
�ternels
(evergreen patents), lorsque des brevets sur de nouveaux dosages permettent
de prolonger ind�finiment la dur�e de vie d�un brevet initial. Il faut donc
que les brevets ne puissent s�appliquer qu�� de v�ritables nouveaut�s, ce
qui
n�est pas le cas pour une nouvelle dose.
        - licences obligatoires : si elles ne sont plus possibles
automatiquement,
les lois doivent pouvoir permettre des licences obligatoires (sans l�accord
du d�tenteur du brevet) pour favoriser la concurrence et lorsque la
n�gociation de licence ne d�bouche pas sur un contrat raisonnable.
        - les marques : dans plusieurs pays les noms g�n�riques doivent
�tre en
caract�re aussi gros que les noms de marque. TRIPs interdit seulement que
le
nom de marque ne puisse �tre utilis�. Il n�interdit pas la promotion des
noms g�n�riques.
        - utilisation non commerciale de m�dicament brevet� : Cette
possibilit�
permet de pr�parer les dossiers pour les m�dicaments g�n�riques et de les
mettre sur le march� d�s la chute du brevet. Les �tats-Unis consid�rent que
ceci doit aller de pair avec une prolongation possible de la dur�e
effective
des brevets. Ce sont pour eux deux mesures qui doivent s��quilibrer. Mais
cette conception n�est pas dans les accords TRIPs. Les �tats-Unis les
consid�rent comme un minimum, et qu�il faut aller au del�.
        - enregistrement : Les donn�es d�enregistrement des m�dicaments ne
peuvent
�tre utilis�es par un concurrent (pour un dossier de m�dicament g�n�rique)
avant 5 ans aux �tats-Unis, et 6 � 10 ans en Europe. La commission
Europ�enne semble pousser � ce qu�en Europe la norme soit de 10 ans. Cela
para�t tout � fait excessif, car cela prolonge d�autant la dur�e effective
des brevets et l�impossibilit� de commercialiser des g�n�riques.

En dehors de ces points techniques, il a �t� soulign� que la question de la
Recherche & d�veloppement et l�innovation en mati�re de m�dicaments ne
peuvent �tre abord�es par la seule question des brevets. Aborder la
question
uniquement par les brevets revient � laisser les firmes d�cider des
priorit�s de recherche. Or les pays ont des priorit�s variables, selon leur
situation. En particulier, dans de nombreux pays en d�veloppement, la
priorit� absolue n�est pas de d�couvrir de nouveaux m�dicaments, mais de
rendre accessibles ceux existants. Une �tude pr�sent�e par Health Action
International sur les prix de 20 m�dicaments courants dans une vingtaine de
pays montre que dans de nombreux pays en d�veloppement, les prix sont plus
�lev�s que dans les pays d�velopp�s. Ces pays financent alors lourdement la
recherche des firmes mais sans que cette recherche ne corresponde � leurs
besoins. Comme les pays d�velopp�s consacrent des sommes tr�s importantes �
la recherche m�dicale (14 milliards de dollars aux �tats-Unis), ce qui
montre bien que ces pays ne se reposent pas sur les firmes seules pour
financer et organiser la recherche.

L�atelier a �galement analys� la question du co�t de la R&D pour un nouveau
m�dicament, avec la participation de Joseph DiMasi, un des auteurs d�une
�tude tr�s c�l�bre sur cette question. Cette �tude donne le montant moyen
de
282 millions de dollars pour la R&D par nouveau m�dicament. Ce montant est
utilis� par l�industrie pour justifier des prix �lev�s de nouveaux
m�dicaments aussi bien pour rentabiliser les d�penses effectu�es que pour
financer la R&D en cours. L�atelier a permis d�assortir ce chiffre des
remarques suivantes :
        - L�industrie pharmaceutique am�ricaine avance le chiffre de 500
millions
de dollars, mais elle n�explique pas comment ce chiffre est obtenu. Ce
chiffre appara�t comme invent� de toutes pi�ces.
        - Environ la moiti� des 282 millions correspond au � co�t du
capital �.
C�est � dire qu�il comprend des profits pour l�entreprise. On ne peut alors
comparer ce chiffre de 282 millions avec les ventes, car les profits
seraient compt�s deux fois.
        - Dans de nombreux cas les �tudes pr�-cliniques ont �t� financ�es
par
l�Etat, donc leur co�t n�est pas support� par les entreprises.
        - Lorsque les m�dicaments sont mis sur le march� au cours de la
phase 3
(avant la fin des �tudes compl�tes), tous les co�ts n�ont pas encore eu
lieu.
        - Le syst�me fiscal permet de d�taxer une partie du co�t : la
d�pense
revient alors moins cher aux firmes.
Il en r�sulte que dans de nombreux cas le co�t le plus vraisemblable est de
l�ordre de 50 millions de dollars.

Les discussions sur l��laboration et la mise en oeuvre de la politique
am�ricaine ont fait appara�tre que si le lobby le mieux organis� est celui
de l�industrie pharmaceutique produisant des m�dicaments originaux, les
producteurs de g�n�riques et les organisations de consommateurs arrivent
�galement � faire entendre leur voix. Ces derni�res organisations se
heurtent souvent au manque de visibilit� des processus de d�cisions prises
en petit comit�. Mais parfois elles arrivent � ouvrir la porte. Les
traditions am�ricaines leur offrent des possibilit�s d�acc�s aux
informations et de participation aux d�bats plus grandes que ce que l�on
observe en France. D�autant plus que l�objectif de fournir des m�dicaments
de bonne qualit� � faible prix a des raisonnances politiques importantes,
dans un pays ou beaucoup de gens, et pas seulement les pauvres, n�ont pas
d�assurance pour les m�dicaments. Il en r�sulte que la politique am�ricaine
est un certain �quilibre entre une politique d�innovation et une politique
de concurrence favorisant la diffusion de l�innovation. Le lobby le plus
puissant reste n�anmoins celui qui d�fend les int�r�ts des d�tenteurs de
brevets.
Les relations avec l�administration am�ricaine sont assez �tranges, car
celle-ci semble r�ellement ouverte � la discussion (par exemple les chinois
ont n�goci� avec les am�ricains en 1992 une loi assez int�ressante sur les
brevets qui est consid�r�e par les indiens comme un mod�le) et elle soutien
aussi des positions assez rigides. L�administration am�ricaine consid�re
que
le pays a le bon mod�le et que celui-ci doit �tre diffus� � l�ensemble du
monde, bien au del� des accords sign�s � Marrakech en 1994. Elle
consid�re avoir le droit et le devoir de surveiller la politique des autres
pays, d��tablir des listes de pays faisant l�objet d�une surveillance
particuli�re, et �ventuellement de prendre des sanctions, m�me si les
accords internationaux sont respect�s. Par exemple, la nouvelle loi sud
africaine sur la pharmacie fait l�objet d�inqui�tudes, car � elle est
r�dig�e de fa�on si large qu�elle semble sugg�rer que le minist�re pourrait
�liminer tous les brevets �. Trois conditionnels permettent ainsi un double
langage qui dit une chose et son contraire ! Les raisonnements pr�sent�s
vont jusqu�au sophisme : il n�y aurait pas de raison de traiter
diff�remment
les pays pauvres, puisque dans tous les pays pauvres il y a aussi des gens
riches !
En conclusion, il faut �tre extr�mement attentif aux d�tails des questions
de propri�t� intellectuelle. Pour cela, l�atelier a d�cid� de cr�er un site
Internet permettant de rassembler et de diffuser les informations. Il a
�galement �t� propos� de mettre en avant le concept de � recherches
essentielles pour la sant� - Essential Health Care Research �, afin que les
d�bats et les politiques en la mati�re de recherche m�dicale aient bien la
sant� comme objectif principal et ne soient pas enferm�s dans la seule
probl�matique de la propri�t� intellectuelle dont les objectifs principaux
sont le profit, la concurrence et le commerce.

Suite de la discussion � Gen�ve � l�Assembl�e Mondiale de la Sant� qui a
commenc� le 11 mai...

Jerome Dumoulin
Institut de Recherche Economique sur la Production et le Developpement
Universite Pierre Mendes France
BP 47
F-38040 GRENOBLE Cedex 09
tel 33 4 76 82 54 50
fax 33 4 76 82 59 89
http://www.upmf-grenoble.fr/irepd

(C.B.)
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