[e-med] NIGERIA: Des mesures immédiates à prendre pour limiter les résistances aux ARV - rapport

NIGERIA: Des mesures immédiates à prendre pour limiter les résistances aux
ARV - rapport
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[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]

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Quel a été l'impact des ruptures massives d'approvisionnement en ARV en 2003
?

LAGOS, 31 mars (PLUSNEWS) - Après un an de thérapie, plus d'un tiers des
patients du programme national de traitement contre le sida au Nigeria ne
constatent pas d'amélioration significative de leur état de santé, une
situation qu'il convient de régler immédiatement, selon un rapport officiel
publié cette semaine.

Ce rapport, le premier à s'intéresser au niveau de résistance aux
antirétroviraux (ARV) fournis par l'Etat, avait été commandé par le
ministère de la Santé pour évaluer l'impact des ruptures massives d'approvisionnement
en médicaments au cours de l'année 2003.

Le comité de 12 experts nationaux qui a rédigé le rapport a notamment conclu
que le taux de réussite de la thérapie ARV de première intention chez les
clients dits 'naïfs' (n'ayant jamais reçu d'ARV auparavant) inscrits au
programme gouvernemental est de 82 pour cent au terme de six mois de
traitement et de 65 pour cent au bout de 12 mois.

Quand il réussit, ce traitement (une combinaison de Nevirapine, de Stavudine
et de Lamivudine) doit faire baisser la charge virale, augmenter le nombre
de lymphocytes CD4 -qui déterminent la résistance du système immunitaire -
et limiter les infections opportunistes liées au VIH/SIDA, a précisé le
docteur Oni Idigbe, président du comité et directeur général de l'Institut
nigérian de recherche médicale de Lagos.

Selon lui, c'est effectivement ce qu'il faut retenir des résultats de l'étude,
présentés mardi à Abuja, la capitale du Nigeria, le troisième pays le plus
touché au monde par la pandémie en nombre de personnes infectées, après l'Inde
et l'Afrique du sud.

«Au bout d'un an de traitement, [nous concluons à ] une suppression
effective de la réplication virale, la reconstitution du système immunitaire
et l'amélioration de l'état de santé de la population étudiée», a précisé le
docteur Idigbe.

Pourtant, le comité a admis que la chute du taux de succès des traitements
entre le sixième et le douzième mois de l'étude était suffisamment
significative pour que les autorités sanitaires tentent de régler
immédiatement le problème et ses causes.

Selon le rapport, la qualité du suivi de la thérapie par les patients
eux-mêmes est l'une des principales raisons qui expliquent les 35 pour cent
d'échec du traitement.

En effet, sur l'échantillon de 50 patients, 18 pour cent ont observé
scrupuleusement le traitement, 68 pour cent l'ont relativement bien suivi et
14 pour cent mal, a précisé le docteur Idigbe, ajoutant que trois patients
avaient été perdus de vue au cours de l'année de l'étude.

Deux autres patients ont dû interrompre leurs ARV pour être soignés pour une
tuberculose, l'infection opportuniste la plus courante chez les personnes
infectées au VIH et qui nécessite généralement une pause dans le traitement
contre le sida. Deux malades sont morts, sans que ces décès aient un lien
avec les médicaments, a ajouté le médecin.

«Le niveau d'observance a été cité comme ayant influencé de manière
significative [l'efficacité] du traitement sur les patients», a dit le
docteur Idigbe. «Alors qu'une bonne observance du traitement résulte en une
réduction significative de la charge virale et la restauration du système
immunitaire des patients, la non-observance a souvent mené à l'échec du
traitement.»

Un 'certain niveau de résistances' aux ARV de première ligne

Parmi les 35 pour cent de patients chez qui la charge virale était toujours
détectable après 12 mois de traitement, un «certain niveau de résistance» à
une, deux ou les trois molécules de la trithérapie a été relevé, a dit le
docteur Idigbe, sans donner plus de détails.

Des mesures doivent être prises, a-t-il reconnu, tout en se montrant
rassurant, estimant qu'«il n'y [avait] pas de quoi s'inquiéter» car les
niveaux de résistances aux ARV restaient «contrôlables», la majorité des
patients répondant favorablement au traitement, a-t-il affirmé.

Il a nuancé les résultats de l'étude, en précisant que l'évaluation du taux
de résistances n'avait porté que sur les 35 pour cent de patients chez qui
la charge virale était toujours détectable après un an de traitement.

Les media locaux ont en effet mentionné, sans être contredits par le docteur
Idigbe, un taux de résistance de 45 pour cent à l'un des médicaments.

Selon le professeur Souleymane Mboup, responsable du service de virologie du
Centre hospitalier universitaire de Dakar-Fann, au Sénégal, cinq pour cent
de résistances dans un pays est acceptable, «entre cinq et 10 pour cent, il
faut faire attention et au-dela de 15 pour cent il y a des mesures à
prendre».

Au Sénégal, où des personnes ayant développé la maladie ont eu accès aux ARV
dès 1998 - soit l'une des plus anciennes cohortes en Afrique - 10 pour cent
de patients auraient besoin de nouvelles molécules.

Outre le phénomène purement biologique lié à la nature du virus, les
interruptions momentanées ou définitives des traitements concourent au
développement de résistances - qui ensuite se transmettent d'individu à
individu au gré des nouvelles contaminations.

Ces ruptures dans la prise quotidienne des pilules, qui doivent être
absorbées à vie, peuvent être volontaires ou liées au coût du traitement et
à sa disponibilité dans le pays concerné.

Le Nigeria veut utiliser les 70 centres de distribution des ARV répartis sur
le territoire pour soigner 250 000 personnes d'ici juin 2006
Ainsi, une enquête menée en 2005 sur 122 patients qui venaient de rejoindre
le programme de distribution gratuite d'ARV et de diagnostic de l'organisation
Médecins sans frontières à l'hôpital général de Lagos, a révélé que 44 pour
cent d'entre eux avaient interrompu leur traitement à maintes reprises, ou
avaient pris des doses insuffisantes faute d'argent.

Avant janvier 2006 et la gratuité des ARV au Nigeria, les patients payaient
leurs médicaments 1 000 nairas (environ sept dollars) par mois, quoi s'ajoutait
le prix des analyses et le traitement des infections opportunistes, soit un
coût moyen de 1 000 nairas par jour, selon MSF, alors que 50 pour cent des
patients disaient vivre avec moins de 36 dollars par mois.

Des mesures à prendre immédiatement

Mais pour le docteur Idigbe, ce n'est pas parce que des patients ont montré
un taux graduel de résistance aux médicaments qu'ils n'y répondront pas à l'avenir
: il pourrait s'agir d'une réaction particulièrement lente de leur organisme
aux traitements, a-t-il affirmé.

«Les données cumulées dans ce rapport confirment que l'utilisation correcte
des antirétroviraux génériques est une option tout à fait envisageable dans
les programmes de soins et de soutien du VIH des pays à faibles revenus»,
a-t-il insisté.

Selon lui, ces statistiques «indiquent également que les médicaments sont
sûrs et bien tolérés par les patients», plus de la moitié d'entre eux n'ayant
pas subi d'effets secondaires.

«Ces observations confirment d'autres études sur les mêmes combinaisons de
médicaments génériques dans d'autres pays en développement», a-t-il analysé.

Pour réduire les taux d'échec thérapeutique, les auteurs du rapport ont
recommandé aux autorités de s'assurer que le circuit d'approvisionnement ne
soit jamais interrompu et que les stocks de médicaments soient assurés afin
d'éviter toute interruption de traitement, responsables en partie du
développement de résistances.

Ainsi, des stratégies doivent être mises en place pour aider à améliorer l'observance
des traitements, comme un meilleur soutien psychologique et nutritionnel des
personnes vivant avec le sida. Le rôle que jouent les effets secondaires
dans les abandons de traitement doit être pris au sérieux, a affirmé le
rapport.

Ses auteurs ont encouragé le ministère de la Santé et le Comité national de
lutte contre le sida (Naca) à faire en sorte que les 70 centres de
distribution des ARV répartis sur l'ensemble du territoire respectent la
politique nationale en matière de prescription afin de standardiser la prise
en charge des patients.

Ils ont également recommandé que l'examen de la charge virale, l'un des
meilleurs indicateurs biologiques de suivi virologique du patient, devienne
un test de référence pour le suivi des patients sous ARV - ce qui n'est
toujours pas le cas dans le programme public.

Enfin, il est désormais nécessaire que des études similaires à celle qui
vient d'être rendue publique, aient lieu régulièrement, au moment où le
Nigeria tente d'accélérer son programme d'accès aux soins contre le sida,
lancé en janvier 2002.

Le professeur Eyitayo Lambo, ministre nigérian de la Santé, a confirmé que
son département tiendrait compte des résultats de l'étude, une nécessité si
le gouvernement veut remplir ses objectifs : multiplier par cinq le nombre
de patients sous ARV d'ici juin 2006, pour que 250 000 personnes puissent
avoir accès aux médicaments qui prolongent l'espérance de vie.
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