Polémique dans le BMJ sur le financement de la lutte contre le sida dans les
pays émergents
LONDRES, 23 février 2007 (APM) - Le BMJ ouvre ses pages à une controverse
sur le financement de l'aide aux pays émergents en matière de VIH/sida, jugé
excessif par le président du Health Systems Workshop (agence de conseil pour
l'organisation des systèmes de soins), Roger England.
"La lutte contre le VIH/sida reçoit trop d'argent relativement [aux autres
maladies], une large part de ces financements étant utilisée de manière
inefficace et souvent contre-productive", estime-t-il, rappelant que le
sida, qui constitue 17,6% des causes de maladie en 2001 en Afrique
subsaharienne, faisait en 2004 l'objet de 40% de l'aide sanitaire.
"Beaucoup de cet argent pourrait être dépensé avec un bénéfice plus certain
en finançant par exemple l'achat de moustiquaires, de vaccins contre la
pneumonie ou des activités de planning familial", considère Roger England,
qui n'hésite pas à évoquer "un succès des lobbies du VIH et des activistes"
pour avoir érigé le sida en maladie d'"exception".
"En 2006, neuf milliards de dollars ont été mis à la disposition de la lutte
contre le sida, alors que les besoins réels étaient de 15 milliards de
dollars", lui répondent Paul de Lay, de l'Onusida, et ses collègues, dans un
article "head to head".
Les auteurs débattent également de l'impact de cette aide dans
l'organisation des systèmes de santé, fréquemment évoquée comme l'une des
défaillances de la prise en charge des séropositifs des pays émergents.
L'aide occidentale aurait un effet délétère sur cette question, selon Roger
England. Il prend pour exemple la prévention de la transmission maternelle
du VIH, qui "produit de nouvelles structures" alors qu'elle devrait au
contraire renforcer les services existants de soins du nouveau-né "en
intégrant le dépistage et la prévention dans le travail quotidien des
infirmières et des sages-femmes".
"Ces dépenses excessives ne sont pas efficaces parce que les interventions
concernant le VIH ne sont pas intégrées dans le système de santé",
renchérit-il, proposant que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la
tuberculose et le paludisme se charge d'améliorer ces systèmes plutôt que de
fonctionner selon des programmes dédiés spécifiquement à des maladies.
Les experts de l'Onusida considèrent quant à eux que "de larges sommes
[dédiées au sida] ont été consacrées à des réseaux de laboratoires, à la
mise en place de précautions internationales, [telles que] la sécurité des
banques de sang, la sûreté des injections, ainsi qu'au bien-être et à la
formation de professionnels de santé (...), et pas seulement ceux
travaillant dans le domaine du sida".
Selon eux, il ne faut pas séparer le problème du sida des autres obstacles
au développement, évoqués dans les objectifs du millénaire que s'est fixés
l'Onu en 2000. "Le VIH menace nombre de ces objectifs, tout particulièrement
ceux liés à la santé et à la pauvreté. Le coût de l'inaction est énorme,
bien plus que pour aucune autre crise".
Par ailleurs, plusieurs pays africains ont officialisé leur ralliement à
l'initiative Unitaid, facilité internationale d'achats de médicaments
financée par une taxe sur les billets d'avion, lors du sommet Afrique-France
qui s'est terminé vendredi à Cannes.
Ces dix-huit pays comptent l'Afrique du Sud, le Bénin, le Burkina Faso, le
Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Libéria, Madagascar, le
Mali, le Maroc, l'île Maurice, la Namibie, le Niger, la République
centrafricaine, le Sénégal, Sao Tomé et Principe et le Togo.
Document disponible à
Head to head: Are we spending too much on HIV?
BMJ, vol.334, n°7.589, p.344-345
http://www.bmj.com/content/vol334/issue7589/index.dtl