Le débat sur les fonds alloués au sida s'échauffe
JOHANNESBURG, 30 octobre (IRIN) - Les milliards de dollars provenant des
donateurs qui ont été consacrés à la lutte contre le VIH/SIDA au cours des
10 dernières années, souvent au détriment d'autres maladies, mortelles,
n'ont pas fait grand-chose pour renforcer les systèmes de santé nationaux,
estiment certains experts de la santé mondiale.
D'autres affirment toutefois que l'épidémie de VIH/SIDA a suscité une
augmentation massive de l'aide internationale à la santé, qui a profité à
de nombreux problèmes de santé publique et systèmes sanitaires. Le débat
sur le fait d'accorder la priorité au VIH/SIDA dans les dépenses de santé
mondiales a récemment été relancé par des données de l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance
(UNICEF) soulignant que des maladies faciles à soigner, comme la
diarrhée, entraînaient la mort de millions d'enfants.
Dans le monde entier, la diarrhée tue chaque année environ 1,5 million
d'enfants de moins de cinq ans, mais reçoit moins de cinq pour cent du
financement disponible pour la recherche et le traitement des maladies.
Un spécialiste des maladies diarrhéiques à l'OMS a remarqué que les
énormes progrès réalisés dans les années 1980 avaient commencé à stagner
lorsque l'attention s'était tournée vers le sida, la tuberculose et le
paludisme.
Pendant ce temps, le financement de la lutte contre le VIH/SIDA est passé
de 5,5 pour cent de l'aide à la santé en 1998 à près de 50 pour cent en
2007, selon une analyse publiée dans un supplément spécial du journal
JAIDS qui s'intéresse à l'impact de l'augmentation des fonds alloués au
VIH sur les systèmes de santé des pays en développement. Les fonds
consacrés à la santé ont presque triplé entre 1998 et 2007.
Dans un article, Jeremy Shiffman et d'autres chercheurs de l'université
de Syracuse, dans l'État de New York, contestent l'argument selon lequel
la priorité accordée au VIH/SIDA a permis d'attirer l'attention sur tous
les problèmes de santé publique et d'obtenir des ressources
supplémentaires.
Une étude comparative des financements provenant des donateurs pour
quatre problèmes de santé publique - la lutte contre le VIH/SIDA, les
programmes de population et santé reproductive, le renforcement des
systèmes de santé et le contrôle des maladies infectieuses - a révélé que
les sommes consacrées à la lutte contre le VIH/SIDA et, dans une moindre
mesure, au contrôle des maladies infectieuses, avaient rapidement
augmenté entre 1998 et 2007. Les fonds destinés au renforcement des
systèmes de santé et aux programmes de population et santé reproductive
avaient quant à eux brusquement chuté.
Dans un autre article, Samuel Lieberman et d'autres chercheurs du
Programme de la Banque mondiale contre le VIH/SIDA ont estimé que le défi
« sans précédent du sida » avait contribué à générer une hausse globale
des ressources allouées à la santé et provoqué un mouvement international
en faveur d'un accès plus équitable aux soins de santé.
Martha Embrey et d'autres chercheurs de l'université Columbia
maintiennent quant à eux que les initiatives mondiales de lutte contre le
sida ont permis d'améliorer de manière significative l'approvisionnement
et la distribution des antirétroviraux, mais également de médicaments
destinés au traitement d'autres maladies.
Des organismes, comme l'Initiative Clinton contre le VIH/SIDA et UNITAID,
ont obtenu des réductions significatives du coût des médicaments et
d'autres initiatives ont aidé des pays à améliorer leur système
d'approvisionnement en médicaments et de gestion de la chaîne
d'approvisionnement, ont dit ces chercheurs.
Les programmes de soutien aux personnes séropositives ont contribué au
développement des compétences des pharmaciens pour offrir des services de
conseil et de suivi du traitement. Les aides-pharmaciens et les
infirmières des centres de santé primaire ont été formées pour
administrer les antirétroviraux et les médicaments pour traiter d'autres
maladies.
Ruth Levine et Nandini Oomman, du Center for Global Development, situé à
Washington, aux États-Unis, abordent la question d'un autre angle. La
question n'est pas de savoir si la lutte contre le VIH/SIDA a reçu une
part disproportionnée des fonds alloués par les donateurs, mais de
déterminer comment ces sommes peuvent être mieux dépensées pour améliorer
l'accès à la prévention du VIH, au traitement et aux soins et pour
renforcer les systèmes de santé.
Plusieurs organisations de donateurs ouvrant pour la lutte contre le
VIH/SIDA ont commencé à réorienter leurs efforts pour contribuer au
renforcement des systèmes de santé, après avoir pris conscience que la
faiblesse des systèmes de santé entravait l'atteinte de leurs objectifs
en matière de lutte contre le sida. L'administration Obama a annoncé que
le Plan d'urgence du président américain pour la lutte contre le sida
(PEPFAR) avait l'intention d'élargir ses objectifs afin d'inclure la
santé maternelle et infantile et la lutte contre les maladies tropicales.
Les auteurs suggèrent que les donateurs devront « adapter leurs actions
en fonction des priorités et des approches des gouvernements partenaires
et des autres parties prenantes nationales » afin d'élargir les priorités
en matière de santé.
Dans une introduction au supplément du JAIDS, Wafaa El-Sadr, de
l'université Columbia, et Kevin De Cock, directeur du département
VIH/SIDA de l'OMS, ont mis en garde contre le fait d'encourager la
concurrence entre les problèmes de santé publique.
« La diversité et le débat font la force, mais il y aussi un risque de
division », ont-ils souligné. « La santé mondiale a besoin d'un
financement mondial, et il y assez d'argent dans le monde pour l'assurer
».
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