[e-med] Pour une politique des dispositifs médicaux (France)

(et dans vos pays ? CB)

Pour une politique des dispositifs médicaux
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 23.02.2015 à 18h26
http://abonnes.lemonde.fr/sciences/article/2015/02/23/pour-une-politique-des-dispositifs-medicaux_4581911_1650684.html?xtmc=dispositifs_medicaux&xtcr=1

Au moment où le Parlement s’apprête à débattre du projet de loi relatif à
la santé, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a décidé
de se saisir d’un sujet essentiel pour la santé des Français et majeur
pour l’économie : les dispositifs médicaux. Ce domaine, assez peu connu,
souffre d’un pilotage tant européen que national insuffisant. On estime
qu’il existe de 800 000 à 2 millions de ces dispositifs ; 80 000 d’entre
eux sont remboursables par l’assurance-maladie, un chiffre en progression
d’un quart en cinq ans.

Au sens du code de la santé publique, les dispositifs médicaux recouvrent
un champ très large allant de matériels courants comme les pansements à
l’imagerie médicale, en passant par les dispositifs implantables, jusqu’à
des technologies révolutionnaires comme le « cœur artificiel ». La
classification européenne d’un tel ensemble constitue un redoutable défi.

Un tel foisonnement impose que des mesures soient prises pour améliorer la
sécurité et la qualité, faciliter l’accès pour tous à l’innovation en
limitant les restes à charge des ménages, et faire le lien entre politique
de santé et excellence industrielle. Le chiffre d’affaires annuel en
France est estimé à 23 milliards d’euros. Il est de 200 milliards d’euros
dans le monde. Dans l’Hexagone, le marché est porté par 1 100 entreprises,
dont de très nombreuses PME, employant 65 000 personnes environ.
Valoriser les dispositifs médicaux les plus efficients

En 2013, les dépenses en dispositifs médicaux remboursables se sont
établies à 13,4 milliards d’euros. L’assurance-maladie a pris en charge
5,8 milliards d’euros, et les 7,6 milliards d’euros restant sont demeurés
à charge des complémentaires et des patients.

Le CESE recommande de faire évoluer les politiques de tarification et de
financement des dispositifs médicaux par l’assurance-maladie.
Concrètement, cela suppose une révision régulière de la liste des produits
remboursables. La prise en charge doit d’abord se fonder sur
l’amélioration du service attendu. Les dispositifs les plus récents
n’étant pas nécessairement les plus performants, la nouveauté ne peut être
perçue comme un critère suffisant.

Le CESE propose également de réformer la prise en charge à l’hôpital. Par
exception aux forfaits de la tarification à l’activité, certains
dispositifs innovants figurent sur une liste. Faute d’actualisation
régulière, ce mécanisme est inflationniste. Le CESE préconise de repenser
le financement de l’innovation à l’hôpital.

Le CESE estime enfin que les complémentaires santé doivent être associées
aux démarches de prise en charge, comme à celles de tarification, afin
d’agir sur les prix et contribuer à la limitation des restes à charge.

Garantir la sécurité des dispositifs médicaux de la mise sur le marché

Le renforcement des procédures de sécurité est une nécessité vis-à-vis des
patients comme des professionnels de santé. Il est notamment essentiel
d’améliorer la traçabilité, de la fabrication à l’usage, et de renforcer
l’exigence d’essais cliniques préalables. Les risques relatifs aux
dispositifs médicaux innovants ayant des finalités diagnostiques et
thérapeutiques accrues doivent particulièrement être pris en
considération.

La révision des textes européens engagée depuis 2007 devrait contribuer à
mieux organiser et contrôler la mise sur le marché. Le CESE insiste
toutefois sur la nécessité de refondre la classification européenne.

Au-delà de leur qualité intrinsèque, la sécurité des dispositifs médicaux
dépend de leur bon usage. Les professionnels de santé doivent être formés
pour être en mesure de mieux prescrire, sélectionner et implanter les
dispositifs médicaux les mieux adaptés. De nouveaux dispositifs étant en
permanence mis sur le marché, le CESE demande que l’information et la
formation des professionnels, indépendantes et complémentaires de celles
assurées par les fabricants, soient renforcées.

Les patients, utilisateurs et acteurs de leur prise en charge, doivent
être informés, soutenus et accompagnés, notamment au travers de
l’éducation thérapeutique. Une attention particulière doit être portée aux
personnes âgées à domicile, et aux patients utilisant des dispositifs
médicaux implantables et à visée thérapeutique.

Encourager l’émergence d’une filière industrielle de pointe

Le CESE recommande, par ailleurs, que les moyens soient donnés à la
recherche académique et aux entreprises du secteur de transformer leurs
innovations en débouchés industriels et en emplois.
La France occupe la quatrième place sur le marché mondial des dispositifs
médicaux. Elle dispose d’un potentiel important en matière de recherche et
développement grâce aux centres hospitalo-universitaires et aux grands
organismes de recherche. Pour autant, la balance commerciale est
déficitaire. Les applications industrielles se développent trop rarement
dans notre pays, faute d’entreprises de taille suffisante et de
construction d’une véritable filière industrielle.

L’accès des petites entreprises aux plates-formes de recherche et
développement et aux financements du type Banque publique d’investissement
doit être facilité. Un meilleur accompagnement de la recherche et une
meilleure reconnaissance de l’innovation s’avèrent indispensables pour
favoriser l’essor de ce secteur qui devra engager une dynamique nouvelle
pour favoriser la structuration d’une filière puissante et exportatrice. A
quand un grand champion français des dispositifs médicaux ?
Les dispositifs médicaux, facteurs de bien-être, doivent trouver une juste
place dans la stratégie nationale de santé et dans le projet de loi santé
tant ils constituent de formidables opportunités pour développer la
chirurgie ambulatoire, la médecine de parcours et le maintien à domicile.
Ils sont également un levier de croissance pour l’économie. Nous appelons
à une politique des dispositifs médicaux comme il existe une politique du
médicament. Les deux secteurs témoignent de l’excellence de notre
recherche scientifique et industrielle. Ils participent de manière
essentielle au mieux-être de la population.

Thierry Beaudet est président du Groupe Mutualité au CESE, président du
groupe MGEN et rapporteur de l’avis.

Edouard Couty, personnalité associée au CESE, est conseiller-maître
honoraire à la Cour des comptes et rapporteur de l’avis.

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