[e-med] Pr Souleymane Mboup : «Nous n’avons pas tout à fait compris le Sida

[bon courage au Pr Mboup pour l'organisation de cette importante conférence et tous nos voeux de réussite. CB]

Pr Souleymane Mboup, aux Marches du Quotidien : «Nous n’avons pas tout à
fait compris le Sida
http://www.lequotidien.sn/index.php?option=com_content&task=view&id=2514&Ite
mid=12

31-10-2008
Pour mettre la main sur le Pr Souleymane Mboup, il faut le traquer dans ses
passions. Alors, la 15e Conférence internationale sur le Sida et les
infections transmissibles (Icasa en anglais) est un prétexte idéal pour
déplacer ce scientifique réputé inaccessible pour les journalistes. Trop
pris par ses laboratoires et autres exigences de la recherche, l’homme n’a
pas souvent beaucoup de temps pour la presse. Mais pour les besoins de
Icasa, Pr Mboup s’est montré fort disponible, pour arpenter Les Marches du
Quotidien afin d’échanger sur divers aspects de cette pandémie qui va
regrouper à Dakar, en décembre prochain, plus de 5 000 acteurs de la lutte
contre le Sida. Une conférence qui a pour thème «Réponse de l’Afrique :
faire face aux réalités.»

HISTORIQUE DE ICASA
«La Conférence internationale sur le Sida et les infections transmissibles
en Afrique (Icasa en anglais), est un nom que nous avons proposé en 1991.
C’est des conférences qui ont débuté, en particulier en Belgique, vers 1986.
On a réalisé que c’était un problème Imagevraiment important en Afrique, et
un Belge a eu l’idée de proposer une réunion sur le problème du Sida en
Afrique. Je faisais partie des Africains qui étaient présents à cette
réunion. Ces Africains se sont réunis pour demander à ce que régulièrement,
il y ait un forum pendant lequel on discutera de ces problèmes.

En 1987, la réunion a eu lieu en Italie, en 1988 à Abuja. Il a donc été
décidé de faire alternativement cette conférence en Afrique et en Europe. En
1990, elle s’est tenu à Kinshasa où a été créé la société africaine
anti-Sida qui a décidé que les conférences sur le Sida en Afrique n’avaient
pas lieu d’être ailleurs qu’en Afrique. De ce fait, la conférence qui devait
être organisée en 1991 à Berlin a finalement été organisée à Dakar, la seule
ville qui a organisé la conférence pour la deuxième fois.

Il y a deux types de conférences. La conférence mondiale sur le Sida, qui
discute de tous les problèmes. Mais l’Afrique est le premier continent à
avoir initié une discussion des problèmes spécifiques. On sera à la 15e
édition alors que la Conférence mondiale en est à la 17e édition. Le
problème du Sida est extrêmement dynamique et il y a une évolution
importante qui nécessite une concertation régulière des différents acteurs
de la lutte contre le Sida.

A l’origine, c’étaient essentiellement des scientifiques. Nous avons été
rejoint par ceux qu’on appelle les communautaires. Ainsi, il y a trois
programmes dans cette conférence : le programme scientifique, le programme
communautaire et le programme du leadership. On a vu que quand on met ces
trois entités ensemble, on arrive à faire des résultats. Les scientifiques
seuls ne feront pas avancer le problème dans sa globalité. La spécificité de
cette conférence sera de réunir ces trois communautés. L’idée serait qu’il y
ait un échange entre ses communautés de manière transversale, et ça sera un
plus que la conférence de Dakar va apporter.

C’est une conférence de défis parce qu’il y a un certain nombre de problèmes
qui sont soulevés après les conférences, notamment le manque d’organisation.
Lors de la dernière conférence, il y avait de sérieux problèmes
d’organisation, de perte de crédibilité et cela avait vraiment discrédité
l’organisation de cette conférence. De même, il y avait un problème de
transparence. Il y avait beaucoup de défis et la prochaine conférence devait
être organisée au Gabon. Mais après un an de préparations, la Société
africaine s’est rendue compte que l’avancement ne permettait pas d’organiser
une bonne conférence. C’est ainsi que nous avons répondu à un appel d’offres
et nous avons été choisis. Nous avons accepté de l’organiser pour relever
tous ces défis : le défi de la qualité scientifique, le défi de la
transparence, le défi de l’inclusion. A ce niveau, nous avons créé un Comité
directeur constitué de 70 des organisations qui soutiennent le plus le Sida,
et qui sont maintenant des parties prenantes de la conférence. Ce ne sont
plus juste des bailleurs de fonds mais ce sont des acteurs importants. En
cela, nous avons réussi parce qu’ils avaient décidé qu’après la dernière
conférence, ils n’allaient pas continuer à supporter. Nous avons fait en
sorte qu’ils reviennent en tant que membres, mais qu’ils viennent aussi à
toutes les réunions de ce Comité directeur pour voir l’état de
l’organisation de la conférence. Cela a créé vraiment un engouement tel que
nous avions à l’origine prévu près de 5 000 participants. A un mois de la
conférence, nous avons au moins près de 7 200 pré-inscriptions dans notre
site web dont plus de 500 journalistes.

La conférence se tiendra du 3 au 7 décembre prochain. Durant tout ce mois,
Dakar sera le centre du monde en ce qui concerne le Sida. Le 1er décembre
c’est la journée mondiale du Sida, donc à partir du 2 décembre vont
commencer les activités de pré-conférence dont une marche populaire ; du 3
au 7 décembre ce sera la conférence et le 8 se tiendra le forum des
partenaires du Fonds mondial, qui a été créé pour appuyer la lutte contre le
Sida dans les pays en développement. Le Sida est un phénomène dans lequel
tout le monde est acteur et la presse dans sa globalité doit jouer un rôle
fondamental en dehors de son rôle de relais de l’information.»

BUDGET ET FINANCEMENT DE ICASA
«Le budget de Icasa, c’est trois milliards de nos francs, exactement 2
milliards et 910 millions parce qu’on voit à la hausse ou à la baisse le
budget avec les impératifs du moment. D’où vient cet argent ? Ces 2
milliards 910 millions sont liés aux activités qu’il y a lors de la
conférence. Certains participants contribuent en payant des frais
d’enregistrements et ceci va constituer à peu près 25% de la conférence. Il
y a à peu près 10% qui correspondent aux autres activités, car il y aura des
exposants qui vont venir pour exposer ou organiser des réunions qui sont en
dehors du programme qu’on appelle des symposiums. Ce qu’on doit aller
chercher, c’est à peu près 65% de ce qui reste. Ces 65% sont des
contributions du gouvernement du Sénégal mais également des partenaires de
manière générale. A l’heure actuelle, nous avons une contribution assez
significative de la plupart des partenaires.»

SCIENTIFIQUES ET TRADIPRATICIENS
«Les tradipraticiens sont vraiment des parties prenantes dans la lutte
contre le Sida, dans cette conférence en particulier. On a un programme
communautaire et dans ce programme communautaire, il y aura un village
communautaire, avec le coin des tradipraticiens.

Maintenant, pour la recherche de manière générale, il faut sortir de l’idée
qu’une découverte importante viendra d’une seule personne isolée. C’est
possible mais les chances sont extrêmement rares. C’est presque la
mondialisation, il faut donc mettre ensemble toutes les potentialités pour
arriver à faire des progrès. Le partenariat et la collaboration sont
fondamentaux. Ce que nous faisons de tout temps, c’est d’essayer de montrer
notre spécificité tout en restant ouvert, car c’est le meilleur moyen
d’avoir une référence internationale pour avoir les moyens de travailler et
avec les meilleures équipes du monde. Nos recherches sont faites de telle
manière qu’il y ait ce partenariat bien que nos recherches soient faites
ici.

Nous voulons être ouverts à l’international et au niveau local. C’est-à-dire
tous ceux qui peuvent nous apporter quelque chose. Si on veut réussir, on
est obligé de travailler en synergie avec les meilleures équipes du monde.
Le fait que ces meilleures équipes acceptent de travailler avec nous, c’est
le signe d’une certaine crédibilité.
Le deuxième point est que la recherche quelle qu’elle soit obéit à certaines
règles intangibles et valables pour tout le monde, pour avoir des résultats
qui sont reconnus au niveau international. Si vous ne suivez pas ces règles
quel que soit ce que vous aurez fait, ce ne sera jamais prouvé. Nous ne
rejetons pas nos autres collègues, mais nous sommes obligés d’avoir une
telle démarche. Par exemple, ce n’est pas parce que vous prenez un remède et
que vous le donner à quelqu’un, qu’il guérit que vous allez dire que vous
l’avez guéri. Il y a toute une méthodologie scientifiquement prouvée qui
fait que si vous voulez le faire, vous n’avez pas le choix. C’est cette
démarche-là que nous essayons d’inculquer.

Nous avons beaucoup travaillé avec de nombreux tradipraticiens, qui dans
leur logique et dans leur démarche pouvaient faire quelque chose. Quand nous
avons essayé selon ces méthodologies malheureusement on n’a jamais eu de
résultats. Donc ce n’est pas des gens que l’on rejette. Seulement, il faut
qu’on arrive à avoir une méthodologie pour pouvoir démontrer demain que les
résultats dont nous parlons sont des résultats tangibles. Nous avons
beaucoup participé à des essais avec des tradipraticiens qui n’ont jamais
donné de résultats concluants.

Il n’y a pas d’autres méthodologies, c’est universel, comme 1+1 = 2. Ce
n’est pas ma méthodologie ou celle de quelqu’un d’autre. C’est toute une
science, qui permettra de dire si le résultat est acceptable ou s’il ne
l’est pas. Si la méthodologie n’est pas bonne, les résultats ne peuvent être
validés. Si vous ne faites pas ça, votre médicament ne peut pas être
reconnu. Si vous prenez votre traitement et que vous le donnez à deux et
trois personnes et qu’elles guérissent, cela ne signifie pas que votre
traitement peut soigner.

Les tradipraticiens constituent une ressource importante, car une bonne
partie de la population ne s’adresse qu’à eux. Ils ont un rôle fondamental
non seulement pour guérir mais dans d’autres aspects. On a tous vu l’aspect
positif qu’il pouvait apporter sur le Sida. Ce sont donc des partenaires
importants et ils ont des remèdes qui peuvent soigner certaines
manifestations cliniques du Vih. Mais, soigner ces manifestations cliniques,
qu’on appelle les infections opportunistes, ne veut pas dire qu’on a soigné
le Sida. Quand quelqu’un est atteint du Sida, il a un phénomène d’umino
dépression et donc il a des infections opportunistes. Les tradipraticiens
ont des traitements qui guérissent les infections opportunistes telles que
la diarrhée, mais, ce n’est pas parce que vous avez guéri la diarrhée d’un
sidéen, que vous avez guéri le Sida.

Développer un médicament peut prendre 10, 20 ou même 30 ans, juste pour que
vous puissiez montrer que le médicament n’aura pas d’effets secondaires sur
le patient, mais également pour prouver son efficacité d’abord chez l’animal
puis chez l’homme. Tout cela demande des années de travail et de recherches.
Les gens qui cherchent les médicaments travaillent sur une base de centaines
ou de milliers de médicaments. Souvent, il n’y en a qu’un, deux ou trois qui
finissent par traverser tout le processus pour montrer qu’ils sont
efficaces. C’est quelque chose d’extrêmement rigoureux qui prend du temps et
qui nécessite énormément de moyens. Ce qui fait que ce n’est pas le fait
d’une seule personne mais de toute une équipe. Donc, si vous comparez cela
avec une portion qui, peut-être, a une activité, mais n’a pas suivi tout ce
processus pré-établi d’essai public, vous ne pourrez malheureusement jamais
démontrer que votre traitement arrive à donner les effets attendus.»

LES FARCES DU PRESIDENT JAMMEH ET LE ROLE DU LABORATOIRE DE L’HOPITAL LE
DANTEC
«Je ne parlerais pas de farces. Mais c’est encore beaucoup plus compliqué
pour ce qui concerne le Président Jammeh parce que, effectivement, c’est la
même réponse qui a été donnée au niveau international. C’est la façon dont
ces essais sont menés qui ne répond pas à la norme internationale. Tant
qu’on ne respecte pas ces normes, on ne peut pas être reconnu comme ayant
des résultats. C’est cet équilibre-là qu’on essaie de voir et chaque fois
qu’on explique, les gens commencent par comprendre. Mais, il se trouve que
quand on l’applique, on n’a pas du tout de résultat contrairement à d’autres
produits ou médicaments où l’on voit les résultats.
Je sais qu’il y a quelques patients (Ndlr : supposés guéris par le Président
Jammeh) qui sont revenus se faire soigner aux Maladies infectieuses. Mais
je n’ai pas les détails.

On a été très clair et on a fait à ce niveau un communiqué très clair. Il y
a deux aspects : tant qu’on n’a pas un protocole qui suit ce qui est établi
conventionnellement pour démontrer qu’un médicament est efficace, ce n’est
pas quelque chose qu’on peut endosser. Si quelqu’un dit qu’il a fait tel
résultat, non seulement il faut qu’on arrive à démontrer qu’il a
rigoureusement suivi la méthodologie et même si c’est un scientifique, on
demande à ce que les résultats soit publiés et tous les experts viennent du
monde entier pour voir si on a réellement suivi les procédures et voir s’il
n’y a pas quelque part une faille. En tant que scientifique, on ne peut pas
endosser tant qu’on n’a pas cette information. Si moi je dis que j’ai trouvé
tel médicament qui a soigné tant de personnes, je vais dire comment je l’ai
fait, mais je vais le publier et n’importe qui dans le monde est libre de
venir voir ce que j’ai fait. Tant qu’on n’a pas cela dans une démarche
scientifique, on ne peut pas confirmer que ce médicament est efficace.»

MANQUE DE REACTION FACE AUX PROBLEMES DES HOMOSEXUELS
«Nous ne voulons pas qu’il y ait une stigmatisation. Je crois que le
programme a joué son rôle qui était surtout axé dans l’aspect de la prise
en charge. Personnellement et pour le corps médical, nous avons mis tous les
moyens à ce niveau-là. Les autres aspects sont indépendants du volet
médical. Nous avons fait le nécessaire pour que les gens soient suivis,
qu’ils aient leurs mesures de prévention, etc. Cette mission, nous l’avons
remplie, le reste n’est pas spécifique au programme Sida. Nous ne voulons
pas que l’on fasse une mauvaise association entre le sida et les Msm (Ndlr :
Men having sexe with men). Tous les homosexuels n’ont pas le Sida. Nous
voulions montrer que c’est un problème réel chez eux comme il est une
réalité dans d’autres populations. Parce que nous ne voulions pas que les
gens aient dans leurs esprits que le Msm équivaut au Sida. Nous avons
toujours travaillé dans cette perspective. On continue sur cette démarche.
En tout cas, tous les Msm ont droit au traitement et à la prévention. Je
dois dire qu’ils sont parfaitement organisés et ils font partie intégrante
de la conférence. Ils ont été très impliqués. On va beaucoup discuter de ces
problèmes au cours de la conférence.

Aussi, il y a eu une communication, peut-être pas en direction des
populations en général. Il y a eu beaucoup d’actions qui ont été menées pour
régler ces problèmes. Mais il ne fallait pas accentuer cette phobie-là en
disant que tous les Msm sont des Sidéens. Nous avons travaillé de manière
discrète pour gérer cette situation.
Sur ce point, je vais vous interpeller. Je crois que vous avez un rôle à
jouer. En tant que journaliste, vous avez aussi le devoir d’éviter cette
confusion au sein de la population. J’insiste parce qu’il ne faut pas
forcément lier le Sida aux Msm. On peut avoir une Msm et vivre sa vie sans
Sida. Il n’existe pas un lien direct. D’ailleurs, le thème de la conférence
est : «La réponse de l’Afrique : faire face aux réalités.» C’est-à-dire tous
ses aspects seront abordés à la conférence.»

L’ETAT DE LA RECHERCHE AU SENEGAL
«On ne peut pas parler de la recherche sans aborder celle qui se fait dans
le monde. Parce qu’il y a toujours des priorités, des spécificités en
fonction des contextes. Au plan mondial, la recherche a connu des avancées
importantes, des résultats significatifs dans la lutte contre le Sida d’une
manière générale et par rapport à des maladies qui sont là depuis des
centaines d’années. Nous avons fait des progrès parce que nous avons pu
traiter des patients. Nous pouvons prévenir, en bonne partie, la
transmission de la mère à l’enfant. Nous sommes parvenus à traiter d’autres
maladies sur lesquelles nous n’avons pas eu les mêmes avancées que le Sida.
Mais, nous ne sommes pas au bout de nos peines parce que le problème est
toujours là, avec des chiffres alarmants, surtout en ce qui concerne
l’Afrique.

Nous avons eu pas mal d’avancées sur les moyens de prévention. Nous parlions
justement de l’Abc (Abstinence, be faithful and condom, abstinence, fidélité
et préservatif). Maintenant, nous disposons d’autres moyens de prévention et
particulièrement la circoncision. On a constaté que la circoncision protège
à 60 % contre les infections. C’est une mesure qu’on est en train de
préconiser. Nous essayons d’avoir un éventail de moyens de prévention.

Par contre, nous n’avons pas d’avancées pour le vaccin. Jusque-là, les
résultats ont été décevants. Tous les essais ont échoué. En matière des
microbicides, c’est-à-dire des produits à utiliser avant le rapport sexuel
qui constituent un système de prévention, tous nos efforts n’ont pas encore
donné de résultats. Qu’est ce que ces échecs ont donné ? Nous nous sommes
rendus compte que le Sida est un virus complexe que nous n’avons pas tout à
fait compris. Nous avons encore beaucoup de lacunes sur le plan scientifique
en ce sens que toutes nos capacités ont été utilisées et pourtant elles ne
marchent pas encore. Ce qui veut dire que nous avons beaucoup d’inconnus.
Donc la recherche en général essaye de générer le maximum de connaissances.
Il faut mieux comprendre ce virus, son contexte, la manière dont les gens se
contaminent. Comment se protège-t-il pour pouvoir concevoir une arme.

Aussi la recherche dans sa globalité est large. On parle de recherche par
rapport à un contexte particulier et une spécialité particulière. Je ne peux
parler que de mon domaine qui est la recherche biomédicale. Il existe des
recherches communautaires, anthropologiques ou économiques. Tous ces aspects
de la recherche sont vraiment menés au Sénégal. Cette approche
multidisciplinaire est intéressante. Le Sida a montré que c’est en mettant
beaucoup de disciplines ensemble que nous arrivons à des résultats.

Pour ce qui nous concerne, nous avons été associés depuis les années 1985 à
tout ce qu’on appelle la diversité virale. C’est de montrer que le virus du
Sida est complexe et au lieu d’un seul, il y a plusieurs virus qui
n’arrêtent pas de changer et donner des nouveaux virus. J’avoue qu’on
continue. Le Sénégal est une des équipes phares parce que nous avons décrit
avec des partenaires le deuxième virus du Sida et nous continuons à
surveiller cette évolution du virus. Car le jour où nous trouverons un
vaccin qui soit efficace contre le virus de ce moment-là, nous serons
dépassés dans quelques années. Nous travaillons sur plusieurs axes pour le
Sénégal et la sous-région, sur la résistance. On a des médicaments mais le
virus, du fait de ses changements, arrive à résister à certains médicaments.
C’est la hantise. Nous nous demandons s‘il n’aura pas un jour l’émergence
d’un virus qui pourra résister à tous les médicaments actuels. Ce sont nos
activités majeures. Mais nous travaillons dans beaucoup de domaines. Nous
collaborons avec les cliniciens sur l’ensemble des traitements. Nous
essayons de travailler sur des traitements plus simplifiés etc. La recherche
au Sénégal est très active et réputée par sa qualité bien qu’étant un petit
pays.»

RELATIVISER L’IMPACT DE LA CIRCONCISION
«Il y a eu plusieurs essais qui sont faits pratiquement tous en Afrique.
C’est important. Finalement l’Afrique contribue beaucoup à la recherche. Ce
sont des chercheurs africains qui ont pu montrer que la circoncision peut
être une solution. C’est vrai qu’il faut le relativiser parce que son
efficacité n’est pas à 100%. Vous pouvez dire qu’elle est efficace par
rapport à une population donnée et à un pourcentage déterminé. Mais, dans
certaines populations, cela n’a pas été fait. Donc il faut relativiser.

On s’est rendu compte avec le dernier essai de vaccin qu’on appelle le
vaccin de Mark que non seulement il n’y a pas de différence entre des
personnes qui ont reçu le produit qui n’était pas le vaccin. Pis, il y a eu
un phénomène de facilitation. C’est-à-dire que ce qui avait reçu le vaccin
avaient plus de cas d’infection que les autres. On voulait montrer deux
choses : que ce vaccin pouvait prévenir une infection ou diminuer la charge
virale. Pour l’Afrique on a dû arrêter. Mais nous avons été depuis quelques
jours plus loin dans l’analyse de cet échec. On s’est rendu compte de deux
choses : d’une part les gens qui avaient cet effet de facilitation n’étaient
pas circoncis et étaient des homosexuels mais qui ils avaient un taux élevé
d’anticorps contre ce vecteur. Ceux qui avaient ces anticorps contre ce
vecteur constituent la population qui a eu l’effet de facilitation. Si bien
que nous allons reprendre les essais mais en éliminant cette population qui
possède ce taux élevé d’anticorps ou non circoncis.»

DISPARITES REGIONALES ET SURVEILLANCE EPIDEMIOLOGIQUE
«Il y a une disparité régionale parce qu’il y a des parties de l’Afrique où
l’infection est à un niveau relativement bas par rapport à l’Afrique de
l’Est ou l’Afrique australe où les taux d’infection sont très élevés. Et au
sein des pays, il y a également des disparités régionales, c’est pareil dans
toutes les parties du monde. Mais lorsqu’on publie des statistiques, c’est
qu’elles sont nationales. On a aussi des statistiques au niveau régional que
je ne veux pas donner pour le moment parce qu’elles seront élaborées dans le
cadre du bulletin à paraître au mois de décembre.

Au tout début, on avait ce problème dans le programme de surveillance
sentinelle qui, lui, ne s’intéressait qu’à des populations sentinelles et
dans une faible proportion. Maintenant, on a établi des Enquêtes de
démographie et de santé (Eds) qui sont de portée nationale. Pour nous, la
population d’enquête est essentiellement celle des femmes enceintes qui sont
plus accessibles. On les utilise comme base et c’est à partir d’elles qu’on
fait nos projections. C’est pour cela qu’au début, il y avait des disparités
car on donnait des chiffres de la population de femmes enceintes. Alors,
quand on a fait l’Eds qui était vraiment la référence, on s’est rendu compte
qu’on avait un taux de prévalence de 0,7% dans la population générale. Et
qu’est-ce qui se passe si on ne prend que des femmes enceintes dans cette
enquête de démographie et de santé ? On arrivait à un taux qui était celui
qu’on avait annoncé pour les femmes enceintes à l’époque. Ce taux était à
peu près de 1,4%. Mais si on prend les femmes enceintes et si on fait notre
modèle de projection, on arrive à un taux national de prévalence de 0,7%. On
sait maintenant qu’on a une bonne mesure de référence, et on sait que notre
taux est de 0,7%.

C’est vrai qu’il y a des problèmes que nous croyions définitivement réglés
surtout celui de la surveillance épidémiologique et du diagnostic. Ils sont
en train de reprendre de la valeur mais dans des méthodes relativement
différentes. C’est-à-dire à l’origine, nous avions des méthodes de
surveillance régulière. Nous avons changé cette méthode qui permet d’avoir
des données appelées les enquêtes combinées. En plus, on utilise les taux de
prévalence basés sur des prélèvements. Cela donne beaucoup d’informations
sur les comportements mais également les impacts. Beaucoup de pays le font.
Le Sénégal est l’un des rares pays à faire tous les types de surveillance.
Nous avons les surveillances sentinelle, comportementale, combinée et
l’enquête de démographie et de Santé.»

TAUX DE PREVALENCE CHEZ LES PROSTITUEES
«Il faut dire que l’épidémie est de type concentré, caractérisée par des
taux de prévalence de plus de 5% dans la population vulnérable des
travailleuses du sexe, et par moins de 1% dans la population générale. C’est
pour cela donc qu’il y a même des régions où le taux dépasse 10%. Donc le
taux dans cette population est à peu près de 15%, mais il y a des régions où
on a plus de 15% et d’autres où c’est plus de 20% dans cette population de
prostituées.
Ziguinchor en faisait partie un moment, de même que Kolda, Kaolack et
Kaffrine (...) De manière plus globale, la prise en charge des prostituées
est un aspect très important de la question du Sida. Le Sénégal a été le
premier à accepter de s’attaquer aux problèmes difficiles pour lesquels les
autres pays hésitent beaucoup.
D’abord notre pays a été un des seuls à accepter une réglementation de la
prostitution de manière générale. Cela date des années 1960. Et pendant
longtemps, beaucoup de pays ont imité notre expérience vis-à-vis de ces
populations vulnérables. C’est pareil pour les Msm (homosexuels), le Sénégal
a été le premier pays à avoir mis en place des programmes spécifiques pour
cette catégorie (…) Ce qu’on veut éviter, ce sont les stigmatisations. Quand
on veut mettre en place des mesures de prévention, elles peuvent cibler ces
populations mais sans créer des facteurs de stigmatisation. Je veux dire par
là que les Msm sont considérés au même titre que toutes les populations.
Quand on fait des traitements également, c’est exactement la même chose, ils
sont accessibles à toute la population du Sénégal, sans distinction.»

STATISTIQUES DANS LES ECOLES
«Je n’ai pas participé à l’enquête sur les écoles. Je n’ai pas encore de
chiffre. Toujours est-il que le Sida est un phénomène dynamique et il faut
pouvoir s’adapter en portant la prévention partout où elle peut avoir un
impact. Depuis longtemps, nous avons ciblé la population scolarisée comme
étant un monde à former pour qu’elle prenne ses dispositions. C’est la
génération de demain. C’est à cet âge-là qu’on peut prendre des mesures de
prévention efficaces. Cette génération qui naît avec le Sida. C’était plus
compliqué avec la génération qui ne connaissait pas la maladie. Le ministère
de l’Education a un programme. Il est très actif dans le Conseil national de
lutte contre le Sida. N’empêche que des mesures de renforcements sont à
prendre.»

LE NORD DU PAYS, L’EMIGRATION ET LE SIDA
«C’est un vieux problème. Depuis le commencement nous avions mené une
enquête. On s’était rendu compte que le taux de prévalence était très bas à
l’époque partout au Sénégal, et c’est le Vih 2 qui dominait. Mais chez les
populations du Nord, le taux du Vih I était dix fois plus élevé que le taux
national. De l’enquête de Fadel Kane, nous avions compris qu’il fallait
mettre en œuvre la méthode ciblée en direction des populations du Nord
caractérisées par une forte émigration vers l’Afrique centrale. Nous avions
décidé de faire une mission dans les pays d’immigration pour sensibiliser
les Sénégalais sur le risque de revenir avec le virus du Sida. Le projet n’a
jamais été réalisé. Mais on a mis de gros efforts dans cette région Nord.
Des Ong y travaillent à les sensibiliser depuis très longtemps. J’avoue que
nous n’avons jamais fait une enquête sur les orphelins par exemple. Les
populations qui émigrent dans des régions à forte prévalence ont un taux
plus élevé. Ce qui explique les disparités régionales d’où l’importance de
la surveillance qui permet de ne pas globaliser.»

SIDA EN MILIEU RURAL
«Nous avons un programme qui s’appelle le Pisr (Programme de prévention des
infections sexuellement transmissibles en milieu rural). Il avait été
exécuté dans deux zones : Malicounda et dans la région de Tambacounda.
Pourquoi cette région-là ? Parce qu’elle est proche de la station balnéaire
de Saly Portudal. Le Sida est très fréquent dans cette région à cause de
tout ce qu’il y a comme activités liées au tourisme balnéaire. C’est aussi
une région d’émigration. Avec les études, on s’est rendu compte que
Malicounda et les autres villes avaient des taux de prévalence qui n’étaient
pas, apparemment, en deçà des taux de la population générale. Mais il y
avait des comportements qui pouvaient favoriser cela. Nous avons alors
développé des programmes spécifiques liés aux comportements dans cette zone.
C’est en cela que les enquêtes sont importantes, surtout celles combinées
qui permettent de voir le taux de prévalence et, éventuellement, les
comportements.
Au lieu de faire donc une campagne générique, il est mieux de faire une
campagne qui cible et qui essaie d’être spécifique par rapport à ces
comportements. C’est cela l’intérêt. Et si on fait des enquêtes, ce n’est
pas seulement pour avoir une idée de la situation, mais également pour
connaître quels sont les facteurs en cause et voir comment on peut utiliser
ces informations pour avoir des moyens de lutte contre le Sida.»

PROGRAMME DE TRANSMISSION MERE-ENFANT
«Il continue. Vous verrez qu’il va vraiment être un focus. C’est vrai que le
Sénégal est un pays de faible prévalence. C’est beaucoup plus tard qu’on a
développé le programme de transmission mère-enfant, parce que les taux de
prévalence sont acceptables (...) Il est vrai que le programme n’a pas connu
toutes les avancées attendues, mais des progrès importants ont été réalisés.
Ce sera un point important de la Conférence, parce qu’on essayera de faire
le diagnostic des programmes de transmission mère-enfant pour voir comment
les rendre beaucoup plus performants en Afrique de manière générale. Ce sont
des programmes pour lesquels il faut juste des moyens de prévention qui ne
sont pas encore totalement appliqués. En discutant avec la représentante de
l’Onusida qui faisait le point sur cela, il y a très peu de pays dans la
sous-région qui ont de très bons programmes de transmission mère-enfant.
D’où l’importance du diagnostic à venir.»

PROSTITUTION CLANDESTINE
«A un moment, on s’y est beaucoup intéressé, mais à l’époque, on a commencé
par la prostitution des femmes qui avaient un carnet. C’était beaucoup plus
facile. Pendant des années, on a discuté sur la définition de la
prostitution. Qui était prostituée ? Qui ne l’était pas ? Au début, on a
préféré travailler sur les personnes dûment enregistrées et qui se
reconnaissent prostituées. Après, on s’est attaqué à la population des
prostituées clandestines. Nul ne connaît dans les détails la proportion
réelle de la prostitution clandestine. Il y a eu des chiffres qui ont été
avancés, mais personnellement, je ne suis pas convaincu par l’ampleur réelle
de cette prostitution clandestine. A travers les programmes sur lesquels on
a travaillé, on s’est rendu compte que la prostitution clandestine avait des
taux d’infections plus élevés que ceux des prostituées enregistrées. J’avoue
que faire des programmes est un peu compliqué. Donc, elles ont été comprises
dans les programmes de la population générale. Il y a certains programmes
qui ont été créés, mais c’est pour des types bien définis de prostitution.
Dans la globalité, on n’arrive pas à montrer du doigt celles qui sont
actives dans ce secteur. Ce qu’on fait, c’est tenter de les cibler à travers
des programmes qui sont sûrs pour tout le monde.»

LEGISLATION
«A un moment donné, on a été très actif sur le plan législatif par rapport à
certains aspects très brûlants de l’époque. C’est vrai que dans le contexte
du Sida, il y a toujours ce facteur éthique qui a connu des progrès
fulgurants. Mais il existe des aspects très importants pour lesquels, on n’a
pas encore de statistiques qui mériteraient un débat. Vous avez évoqué le
problème des Msm. Je pense que, par rapport à la législation, il y a des
problèmes. Il y en a aussi autour de l’âge légal de la prostitution. Ce sont
des progrès qu’on ne peut réaliser du jour au lendemain, car ce sont des
questions extrêmement sensibles. De tout temps, les juristes ont été très
actifs dans le programme et ils nous ont permis de faire des avancées. Et ce
volet juridique sera largement traité lors de la conférence.»

BUSINESS SUPPOSE AUTOUR DU SIDA
«Je pense que c’est mal comprendre le Sida dans sa globalité. Ce qu’il faut
dire, c’est qu’il y a une très forte médiatisation. Beaucoup de monde pense
qu’il y a énormément d’argent dans les programmes de lutte contre cette
maladie. C’est certainement vrai quand on fait la comparaison avec les
programmes liés à d’autres maladies. Néanmoins, il faut savoir qu’il n’y a
pas assez d’argent pour arriver à faire toute la lutte qu’on devrait faire.
Il y a des chiffres que je n’ai pas en tête, mais que je pourrais vous
donner pour vous permettre de comparer entre ce qui est disponible et ce qui
devrait l’être si on veut arriver à des résultats bien meilleurs. L’idée est
qu’il faudrait un plaidoyer beaucoup plus important pour mettre encore
beaucoup plus d’argent afin d’avoir les résultats espérés.
Parler de business autour du Sida, c’est également mal connaître comment ces
programmes sont financés par différentes sources. Il y a les bailleurs de
fonds qui imposent des mesures extrêmement strictes, avec des règles bien
établies, des dispositifs de contrôle très rigoureux. Tout franc dépensé, on
sait où il va. Il y a régulièrement des revues sur tout ce qui est donné.
Les bailleurs ne donnent jamais de l’argent pour qu’on en fasse ce qu’on
veut. S’il y a de l’argent, il est destiné à des activés strictes. Dans
beaucoup de pays, il y a eu des arrêts de financement. C’est dû simplement
au fait qu’on s’est éloigné des objectifs initiaux dégagés avec les
bailleurs de fonds.»

PART DU BUDGET NATIONAL
«Le Sénégal a été l’un des premiers pays à voter un budget pour la lutte
contre le Sida. Au tout début, c’était 500 millions de francs Cfa, puis
c’est passé à 1 milliard pour être aujourd’hui à 1,4 milliard de francs. Ce
budget est régulièrement versé.»

Nous sommes très interessés à en savoir plus sur cette conférence. Nous
pensons, par ailleurs, que l'implication des tradithérapeutes dans la lutte
contre le VIH et le SIDA soit indispensable. Au Mali, notre Ong a accompagné
la Fédération Malienne des Thérapeutes Traditionnels et Herboristes; c'est
ainsi que la FEMATH est membre du Haut Conseil de Lutte contre le VIH-SIDA
et est engagée dans plusieurs Projet et Programmes concernant la lutte
contre cette pandémie.

Bon courage au Prof. Mboup. Merci de bien vouloir nous communiquer les
coordonnées de cette conférence.

Dr Rokia Sanogo
Présidente de Aidemet Ong
(Aide au Développement de la Médecine Traditionnelle)
Site web: www.aidemet.org

[pour en savoir plus sur cette conférence voir le site http://www.icasadakar2008.org/fr/index_1.php
CB]

Bonjour

Il faut consulter le site de la conférence
www.icasadakar2008.org

Dr Abdoulaye Dieng chargé de la Communication du Syndicat des Pharmaciens Privés du Sénégal