Une clarification par rapport aux stratégies mises en place par MSF
auxquelles nous faisons référence dans notre rapport "Prescription
complète". Quand nous parlons de gratuité, nous parlons de gratuité pour
le patient. Mais bien entendu, comme nous le savons tous, la santé à un
coût, et il faut que quelqu'un le paye.
Notre expérience (et il y en a entre temps bien d'autres), c'est que ce ne
sont pas les patients pauvres qui peuvent le payer. Demander aux patients
dans les contextes de pauvreté répandue de payer a de nombreux effets, et
malheureusement, surtout négatifs: les patients en besoins de soins ne
viennent pas , ou viennent tard, la qualité des soins est souvent affecté
négativement (traitement incomplet ou de moindre qualité), etc. (voir le
rapport MSF "Sans argent, pas de soins!"). Par contre, en mettant en place
les soins gratuits pour les patients nous avons vus un recours aux soins
accrus (pour des maladies confirmées par diagnostique tel que le
paludisme, jusqu'à 10 fois plus de patients confirmés soignés sur une
période équivalente)... une telle augmentation d'utilisation des services
dans des contextes où la mortalité et morbidité est élevée ne peut être
qu'un objectif partagé par tous. J'insiste sur le fait que notre
expérience montre encore qu'offrir uniquement les médicaments gratuits ne
suffit pas: c'est l'entièreté de la barrière financière au niveau de la
structure pour le patient qu'il faut lever (et donc: ticket de
consultation, autres médicaments prescrits, test de labo, etc. voir le
rapport MSF "Améliorer l'accès aux traitements efficaces contre le
paludisme au Mali")
Mais bien entendu, le "manque à gagner" pour les structures doit être
compensé, et payé par quelqu'un d'autre. Dans les projets que nous gérons,
c'est MSF qui paye à la place des patients. Non seulement les recettes qui
étaient auparavant perçues par les structures directement chez le patient
doit être compensées (mais soyons conscients que dans la réalité ces
recettes sont souvent très faibles, vu le peu patients utilisant les
structures... parce-que c'est trop cher), mais également le financement
des coûts qui résulteront de l'augmentation de l'utilisation des services
devront être prévus (vu que plus de patients viendront quand la barrière
financière sera levée).
Je me permet d'attirer votre attention sur le fait que la reconnaissance
de l'impact négatif de la barrière financière sur l'utilisation des
services est à présent reconnu par l'OMS, l'UNICEF, l'Union Européenne,
différentes autorités de Coop et Développement de pays européens mais
surtout - heureusement - par de nombreux gouvernements de pays d'Afrique
qui ont / sont en cours de changé/er leur politique (v. le Niger,
l'Ouganda, la Zambie, le Burundi, etc.) Un article à ce sujet à été
récemment publié dans The Lancet (en anglais...) par Rob Yates.
La barrière financière n'est bien entendu pas le seul élément qui
influence l'utilisation des services, mais elle reste néanmoins une des
barrières principales dans de nombreux contextes. Il est donc plus
qu'urgent de s'y attaquer et de prévoir le support financier nécessaire
aux structures (de santé, d'approvisionnement, etc.) afin qu'elles
puissent assumer leur rôle au mieux, sans dépendre d'un (sous financement)
de patients trop pauvres ... qui se retrouvent finalement exclus des soins
dont ils ont absolument besoin.
Amicalement,
Seco
Seco GERARD
Advisor, Analysis and Advocacy Unit, Gen Dir.
MSF
Rue Dupré 94
1090 Brussels
32 2 475 36 34 (dir off)