[e-med] Revue de pesse sur le sida

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JOHANNESBOURG, 31 décembre (PLUSNEWS) - L'intervention, à la mi-novembre à
Arusha, en Tanzanie, d'activistes du sida fustigeant la tentative américaine
de retarder une nouvelle série de subventions du Fonds mondial de lutte
contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a suscité une vague de
protestations sur la toile.

Les Etats Unis, premier contributeur du Fond créé il y a trois ans, ont
remis en question l'efficacité, la transparence, la capacité d'absorption
des pays bénéficiaires ainsi que les subventions accordées aux Etats-voyous
comme la Corée du Nord.

Les participants se sont tout de même mis d'accord sur l'octroi, l'année
prochaine, d'une nouvelle série de subventions d'une valeur d'un milliard de
dollars américains. Cet incident a tout de même rappelé l'incertitude avec
laquelle opère le Fonds mondial et la myriade d'activités liées au sida qu'
il finance, de l'Albanie au Zimbabwe.

Depuis sa création, le Fonds mondial a octroyé, en quatre séries de
subventions, près de trois milliards de dollars de subventions à 128 pays. C
'est bien inférieur aux 10 milliards de dollars annuels fixés comme objectif
trois ans auparavant.
Entre temps, le congrès américain a réduit de 200 millions de dollars la
contribution des Etats-Unis au Fonds pour l'année 2005, qui s'établit
désormais à 350 millions de dollars.

Cette décision prouve, d'après les activistes, que Washington a choisi une
approche unilatérale de la lutte contre le sida, écartant les institutions
multilatérales au profit du PEPFAR, le plan d'urgence américain pour l'aide
contre le sida du Président George Bush, lancé en 2003.

Ce programme controversé doté d'une enveloppe de 15 milliards de dollars est
prévu pour cinq ans et finance le traitement, la prévention, et les soins
dans 15 pays en développement (Botswana, Côte d'Ivoire, Ethiopie, Guyane,
Haïti, Kenya, Mozambique, Namibie, Nigeria, Rwanda, Afrique du Sud,
Tanzanie, Ouganda, Vietnam et Zambie).

Marques contre génériques

La controverse vient du fait que PEPFAR privilégie les antirétroviraux de
marque au détriment de médicaments génériques moins chers, et l'abstinence
sexuelle et la fidélité sur l'usage du préservatif. Les détracteurs de l'
initiative disent que le PEPFAR défend les intérêts des grands groupes
pharmaceutiques américains et de la droite religieuse chrétienne.

Le Réseau pharmaceutique oecuménique (EPN), qui représente les hôpitaux et
associations chrétiennes dans 22 pays développés, s'était lui aussi, bien
avant la conférence d'Arusha, insurgé contre le choix du PEPFAR d'utiliser
des médicaments de marque dans les thérapies antirétrovirales (ART).

Dans les pays en voie de développement, les services de santé traitent le
plus souvent le sida au moyen de médicaments génériques. L'adjonction d'
antirétroviraux de marque crée donc un système à deux vitesses tandis que la
multiplication des médicaments complique les mécanismes d'achats et d'
approvisionnement. Elle alourdit également la tâche des professionnels de la
santé et des travailleurs communautaires qui doivent administrer des régimes
différents à des patients appartenant parfois à la même famille.

Les traitements génériques utilisent des combinaisons de trois cachets en
une pilule à prendre une fois par jour tandis que les ART de marque se
présentent sous la forme de plusieurs pilules à avaler quotidiennement. Cela
peut donc compliquer l'observance et amener les patients à partager leurs
pilules avec les membres de leur famille, d'après EPN.

Le PEPFAR n'utilise pas les ARVs génériques s'ils n'ont pas été approuvés
par l'autorité américaine de régulation, la FDA, même s'ils sont agrées par
l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour les détracteurs du
programme, la FDA ne devrait pas s'octroyer le rôle de contrôleur universel
de la qualité des médicaments mais devrait plutôt renforcer le rigoureux
processus de certification développé par l'OMS au lieu de le désavouer.

Cédant sur ce point, la FDA a amorcé une procédure d'autorisation accélérée
des médicaments génériques trois-en-un pour 2005. Mais pour le groupe de
pression américain Health Gap, la manouvre de la Food and Drugs
Administration n'a d'autre but que d'exclure les génériques de la liste des
médicaments autorisés tout en laissant le temps aux compagnies
pharmaceutiques de développer des médicaments trois-en-un de marque.

Les premiers essais cliniques sur l'innocuité et l'efficacité d'un
médicament trois-en-un effectués au Cameroun par la branche suisse de
Médecins Sans Frontières (MSF) et une agence française de recherche sur le
sida (dont les résultats ont été publiés plus tôt dans l'année) ont montré
que Triomune, un médicament produit par le fabricant indien CIPLA, a aussi
bien fonctionné que les médicaments de marque.

Après six mois de suivi, 80 pour cent des patients, précédemment au stade IV
du sida (lorsque le système immunitaire est détruit par le virus), avaient
une charge virale indécelable. «Notre expérience de terrain nous permet de
dire que ces combinaisons génériques d'antirétroviraux à dose fixe
prolongent des vies», a dit MSF dans un communiqué.

Tandis que le prix des ARV a considérablement baissé ces dernières années,
passant de 15 000 à 185 dollars par an et par patient en Afrique du sud,
PEPFAR paie le prix fort pour ses médicaments. Le Wall Street Journal a
écrit, au mois d'octobre, que PEPFAR payait les médicaments destinés à
lutter contre le sida au double du prix payé par la Banque mondiale ou le
Fonds mondial, les deux autres sources principales de financement des ART.
Payer le double du prix revient à traiter moitié moins de patients, disent
les détracteurs du programme.

C'est cette baisse du prix des médicaments qui a provoqué ce que le docteur
Eric Goemare de MSF qualifie de "bouleversement sismique" dans la capacité
et la volonté des gouvernements à traiter leurs ressortissants.

Changements de stratégie

Réagissant aux critiques formulées en mai 2004, le PEPFAR s'est engagé à
harmoniser son travail avec les autres bailleurs de fonds et gouvernements.
L'ambassadeur Randall Tobias, coordinateur pour les Etats-Unis de la lutte
contre le sida, s'est engagé à "respecter les décisions des gouvernements
locaux sur la manière de gérer les programmes VIH/SIDA".

Le Mozambique, qui ne fournit que des ARV génériques, est un bon exemple. La
multiplication de protocoles thérapeutiques ajouterait encore au fardeau d'
un système de santé délabré où les professionnels de santé sont rares dans l
'un des pays les plus pauvres au monde.

"Nous ne pouvons avoir des systèmes parallèles et dupliquer les efforts en
matière d'achats de médicaments, de pharmacie, d'informatisation, de
contrôle et de formation", a dit le docteut Mouzinho Saidi du Programme
national mozambicain de lutte contre le VIH/SIDA. "Imaginez un seul instant:
les patients et les docteurs seraient confinés à l'endroit où ils peuvent
trouver un certain type d'ART."

Le gouvernement mozambicain a déclaré que le PEPFAR devrait soutenir la
stratégie nationale et ne pas en imposer de nouvelles. "Nous avons eu des
négociations longues, difficiles et de haut niveau mais nous sommes parvenus
à un accord", a dit Saidi à PlusNews.

PEPFAR a accepté de financer les volets non pharmaceutiques d'ART, d'élargir
les sites de traitement, de former des travailleurs de santé, d'améliorer
les laboratoires, et de garantir la sécurité des transfusions de sang et
leur qualité. Il fournira également des ARV de seconde génération pour les
patients qui présentent des résistances et des ARV pour les enfants, les
plus chers.

Au Mozambique PEPFAR s'est engagé à débloquer 25,5 millions de dollars en
2004 pour financer notamment la prévention, le conseil, la prévention de la
transmission du sida de la mère à l'enfant ainsi que les soins aux orphelins
et à domicile.

EPN a recommandé une meilleure coordination du PEPFAR avec les programmes
existants de lutte contre le sida. Compte tenu de la diversification des
sources de financement, le besoin est grand d'harmoniser et de rationaliser
les procédures des bailleurs de fonds pour mieux utiliser les subventions.

D'après l'Onusida, qui a développé trois objectifs majeurs pour la
coordination ('Three ones'), il est nécessaire de se doter d'un cadre
national de lutte contre le VIH/SIDA, d'une autorité nationale de
coordination et d'un système d'évaluation et de contrôle pour éviter les
duplications et identifier les blocages dans les flux d'aide.

Beaucoup considèrent que le Fonds mondial est plus qu'un mécanisme de
financement. "Le Fonds réécrit les règles de l'assistance. Il essaye de
marrier de ce qui existe : le sens de l'urgence, des programmes adoptés par
les bénéficiaires et auxquels ils participent», a déclaré lors de la
conférence de Bangkok sur le sida Mabel van Orange, directrice du Open
Society Institute basé à Bruxelles.

On reproche souvent au PEPFAR de détourner les financements potentiels du
Fonds mondial. "Les gouvernements donateurs devraient considérer le Fonds
mondial de la même manière qu'ils considèrent leurs autres priorités
nationales, comme les contributions au maintien de la paix dans le monde ou
les investissements dans le système éducatif national", a déclaré le Conseil
international des organisations de lutte contre le sida dans un rapport
publié en 2004.