vendredi 18 février 2005, 16h49
Sida: deux essais vaccinaux français suspendus
PARIS (AFP) - La suspension de deux essais de vaccin préventif contre le
sida a été annoncée vendredi, au nom du principe de précaution, ce qui
risque d'entraîner un "retard d'un an" dans les essais vaccinaux français,
selon l'Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS).
Cette décision de l'agence française du médicament (Afssaps) est liée à
l'apparition de troubles neurologiques inexpliqués chez un des 174
volontaires américains participant à un essai sur une préparation vaccinale similaire.
"Aucune relation de cause à effet" n'a été établie entre ces troubles et le
vaccin testé, ont souligné vendredi l'Afssaps et l'ANRS.
Mais "tant que l'on ne peut pas l'exclure, au regard de la sécurité des
volontaires sains se prêtant à des essais, nous devons suspendre et
continuer les investigations", a expliqué le directeur de l'évaluation des
médicaments à l'Afssaps, Jean-Hugues Trouvin.
Suite à l'hospitalisation, en décembre dernier, du patient américain
souffrant de myélite (inflammation de la moelle épinière), l'essai américain
HVTN 42 avait été suspendu par l'agence américaine du médicament.
L'ANRS et l'Afssaps avaient alors décidé, le 24 décembre, d'interrompre
également deux essais français : ANRS Vac 18 qui utilise la même préparation
vaccinale, et ANRS Vac 16 qui utilise une préparation de la même famille.
L'essai Vac 16, portant sur 68 volontaires et déjà relativement avancé,
avait été autorisé par l'Afssaps à reprendre le 22 janvier au vu de
résultats jugés "rassurants" après un bilan neurologique et ophtalmologique
concernant une partie des participants.
Mais l'essai Vac 18, prévu sur 132 volontaires - dont 21 avaient déjà reçu
au moins une injection - restait suspendu depuis Noël.
Après une réunion d'experts le 7 février, l'Afssaps a décidé la poursuite de
la suspension de l'essai Vac 18 et une nouvelle suspension de l'essai Vac
16.
Il s'agit "d'introduire un temps de réflexion", alors qu'il existe un "débat
scientifique sur la façon d'interpréter" les données, a expliqué le Pr
Trouvin, précisant que lors d'essais antérieurs de l'ANRS, deux patients
avaient souffert d'inflammations occulaires (uvéites).
"Une fois que nous aurons établi qu'il n'y a effectivement pas de risque
avéré ou qu'on peut considérer que le niveau est tolérable, l'essai pourra
reprendre", a-t-il ajouté.
Tout en souscrivant au "principe de précaution maximale", le directeur de
l'ANRS Michel Kazatchkine a souligné le risque de voir les essais vaccinaux
français retardés d'un an.
Faute d'être autorisé à reprendre rapidement, Vac 18 devra être complètement
arrêté, compte tenu "du délai de péremption" de la préparation utilisée.
Un essai à grande échelle, dit de phase 3, étape ultime avant une éventuelle
autorisation du vaccin, était prévu vers 2008. Il devra alors être "repoussé
à 2009", a-t-il ajouté.
Vac 18, lancé en septembre dernier pour des résultats attendus fin 2006,
était le premier essai de phase 2 d'un prototype de vaccin préventif contre
le sida en Europe. Il faisait suite à un premier essai ayant pour but de
vérifier notamment si le produit est bien toléré.
L'ANRS a déjà réalisé quinze essais vaccinaux de phase I depuis 1992. La
préparation vaccinale testée dans la plupart des essais dont Vac 16 et Vac
18, associe des fragments de protéines (peptides) du virus HIV, synthétisées
en laboratoire, avec des lipides destinés à favoriser leur pénétration des
cellules immunitaires.