[e-med] Un vaccin efficace contre le choléra

Un vaccin efficace contre le choléra
Il pourrait être utilisé dans les camps de réfugiés et les bidonvilles qui
sont régulièrement frappés par la maladie
http://www.lefigaro.fr/sciences/20050304.FIG0339.html
Cyrille Louis
[04 mars 2005]

C'est une petite révolution dans l'univers des maladies infectieuses : alors
que les politiques de lutte contre le choléra reposaient exclusivement,
depuis une bonne vingtaine d'années, sur l'amélioration des conditions
d'hygiène dans les zones à risque, un vaccin oral vient, pour la première
fois en conditions réelles, de démontrer son efficacité à prévenir la
maladie sur une période de six mois (1). Un résultat encourageant à l'heure
où cette pathologie diarrhéique semble gagner du terrain, notamment dans
certaines zones d'Afrique où elle provoque des flambées de plus en plus
fréquentes et meurtrières comme à Goma, au Congo, où elle aurait tué 23 800
personnes en 1994, mais aussi plus récemment en République démocratique du
Congo, en Ouganda et au Mozambique.

Causé par une bactérie - ou vibrion - qui prolifère dans l'eau de mer à la
faveur de conditions climatiques spécifiques, le choléra entraîne, quelques
jours après avoir absorbé la bactérie dans la boisson ou la nourriture, des
diarrhées fatales dans 25 à 50% des cas si une réhydratation ne peut être
rapidement apportée. On comprend donc que les régions pauvres et densément
peuplées d'Asie et d'Afrique paient le plus lourd tribut à la maladie. Selon
les statistiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), probablement
sous-estimées, 111 575 cas ayant entraîné 1 894 décès ont été signalés dans
45 pays en 2003. Un bilan qui, sur le terrain, est généralement d'autant
plus lourd que le niveau socio-économique et les conditions d'hygiène sont
faibles.

«Dans ce contexte, et alors qu'il n'existait pas au début des années 80 de
vaccin vraiment efficace contre la ma ladie, l'OMS a longtemps concentré ses
efforts sur la nécessaire amélioration des systèmes d'accès à l'eau potable,
résume Jean-Michel Fournier, responsable du Centre national de référence sur
les vibrions, à l'Institut Pasteur. Une démarche qui a, hélas, montré ses
limites dans certaines zones démunies, jusqu'à laisser des camps de réfugiés
ou des bidonvilles totalement démunis face aux flambées épidémiques.»

Butant sur ce constat, l'OMS a récemment décidé d'affiner sa stratégie en y
intégrant, lorsqu'une épidémie s'annonce, l'emploi en urgence d'un vieux
candidat vaccin conçu en Suède et partiellement expérimenté au Bangladesh il
y a une vingtaine d'années. Une volte-face dont la pertinence vient d'être
démontrée par la mise en oeuvre, au Mozambique, d'une campagne
d'immunisation massive qui a visiblement permis de réduire significativement
l'incidence de la maladie.

Pour évaluer l'efficacité de ce vaccin, l'ONG Médecins sans frontière et
l'OMS ont choisi, en accord avec les autorités sanitaires locales, de le
tester dans la ville de Beira où le choléra, endémique depuis 1998, cause
chaque année des décès durant la saison des pluies - entre janvier et juin.
Un site «idéal» pour mener l'expérience : peuplée de 450 000 habitants et
bâtie sur un site marécageux, la commune présente des infrastructures
sanitaires for tement défaillantes et enregistre une forte prévalence du
VIH. «C'est typiquement dans ce genre de site, alors qu'on sait que la
maladie revient régulièrement et qu'il est impossible d'améliorer en urgence
l'accès à l'eau potable, que l'immunisation à court terme peut se révéler
efficace», observe Jean-Michel Fournier.

Lancée à l'automne 2003, soit plusieurs mois avant la flambée annuelle de
choléra, cette campagne expérimentale d'immunisation a touché 11 070
personnes sur une population totale d'environ 20 000 habitants. Une
couverture dont la qualité a ensuite pu être évaluée grâce à un système de
surveillance des diarrhées : l'étude comparée de groupes immunisés et non
immunisés révèle en effet que le vaccin offre une protection d'environ 80%
dans la population cible. Et ce, jusque chez les enfants.

«Si la faisabilité de ce type de vaccination avait déjà été montrée lors
d'une campagne mise en place à Mayotte en 2000, l'étude de l'OMS montre pour
la première fois que cette stratégie est efficace, analyse Isabelle
Quatresous, épidémiologiste au département tropical et international de
l'Institut de veille sanitaire. Mais attention : jusqu'à présent, les
travaux réalisés à plus long terme montrent que la couverture baisse
fortement six mois après la vaccination.» Un bémol essentiel, car il paraît
inenvisageable de procéder à une immunisation annuelle de populations
entières en Afrique et en Asie. «Certes, concède pour sa part Jean-Michel
Fournier, mais ce résultat montre l'utilité potentielle d'un vaccin
anticholérique efficace, comme celui que nous essayons de mettre au point à
l'Institut Pasteur.»

En attendant d'éventuelles avancées sur ce terrain, l'administration du
produit suédois est d'ores et déjà recommandée par la France aux
travailleurs humanitaires qui s'apprêtent à intervenir dans des camps de
réfugiés situés en zone d'endémie. Tandis que le Canada encourage son
utilisation large dans la prévention de la diarrhée du voyageur.

(1) New England Journal of Medicine, 24 février 2005.