Un vaccin OGM contre le paludisme
Une version affaiblie du parasite a été inoculée à des souris
http://www.lefigaro.fr/sciences/20041208.FIG0267.html
Le paludisme tue 1 million d'êtres humains par an (un enfant toutes les
trente secondes). La recherche sur les traitements a été marquée ces
derniers mois par plusieurs avancées : médicaments nouveaux dérivés d'une
plante chinoise (l'artémisine), un vaccin humain testé avec succès au
Mozambique et vingt-cinq autres vaccins en développement. Et voici un
surprenant candidat-vaccin OGM.
Jean-Michel Bader
[08 décembre 2004]
Un nouveau candidat-vaccin contre le paludisme vient d'être testé avec
succès chez la souris (1). La grosse nouveauté, c'est que le vaccin en
question est un OGM : un parasite vivant génétiquement atténué, incapable de
se développer dans le foie de ses victimes. L'équipe de chercheurs dirigée
par Stefan Kappe (Université d'Heidelberg, Allemagne) s'est concentrée sur
la seconde phase de la vie du parasite dans l'organisme de sa victime :
celle où le parasite devient un sporozoïte qui envahit les cellules
hépatiques. Ce n'est qu'après être passé dans le sang et avoir infecté les
globules rouges (un autre candidat-vaccin récemment testé avec succès au
Mozambique cible le cycle sanguin du parasite (2)) que le parasite
Plasmodium atteint le foie. Or, des travaux publiés en 2002 dans le Journal
of Infectious Diseases avaient montré que l'on peut protéger efficacement
contre l'infection du foie des animaux et des hommes, avec des parasites
atténués par irradiation. Ceux-ci provoquent une immunité stérilisante qui
détruit les parasites sauvages. Forte du décodage récent du génome complet
du Plasmodium parasitaire, l'équipe s'est lancée dans les manipulations
génétiques de parasites afin de les affaiblir. L'équipe du Dr Kappe avait
identifié une famille de gènes parasitaires qui ne s'expriment qu'à certains
stades de son cycle de vie. L'un d'entre eux, baptisé UIS3, est essentiel au
parasite pour démarrer son cycle dans le foie. En manipulant le parasite,
ils ont obtenu un Plasmodium berghei (responsable de la malaria chez les
rongeurs) incapable d'exprimer UIS3, mais sans que cela affecte son
développement préalable asexué dans les globules rouges de la victime. Cette
étape est en effet cruciale, puisque ce parasite «vaccin» doit d'abord
infester le foie pour déclencher la réponse immunitaire protectrice. Lorsque
les chercheurs ont ensuite infecté les souris préalablement vaccinées, 100%
des rongeurs ont été protégés. A leur grande surprise, les membres de
l'équipe ont découvert que les parasites ne sont plus jamais capables
d'aller au bout de leur cycle hépatique et de repasser dans le sang.
Ripley Ballou (GlaxoSmithKline Biologicals) est sceptique quant à la valeur
du résultat : «Il y a un risque que le parasite soit parfaitement capable de
remplacer ce seul gène manquant.» Même son de cloche d'une spécialiste
française : «La «bête» dispose d'une multitude de façons de se modifier pour
échapper à la surveillance immunitaire. Quand on veut «jouer» avec ce
parasite, il faut savoir qu'il a infiniment plus d'imagination que nous.»
(1) Nature, publié en ligne le 5 décembre 2004. (2) Le Figaro du 15 octobre
2004