L’OMS trouve un accord sur la préparation et la lutte contre les
pandémies à venir
Après d’âpres négociations sur la question des transferts de
technologies, un compromis a été trouvé, ouvrant la voie à la
signature du consensus par les pays membres de l’OMS, moins les
Etats-Unis, démissionnaires.
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 05h07, modifié à 07h07
Un père et son enfant, dans le métro à Tokyo, le 9 mars 2020.(Photo by
CHARLY TRIBALLEAU / AFP) CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Après plus de trois ans de négociations, les pays membres de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont approuvé, mercredi 15
avril, par consensus un texte historique visant à mieux se préparer et
lutter contre les futures pandémies.
« Ce soir marque une étape importante dans notre voyage commun vers un
monde plus sûr », a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros
Adhanom Ghebreyesus, aux délégués vers 4 heures, à Genève. « Vous avez
écrit l’histoire », leur a-t-il dit. Pour l’OMS, ses Etats membres «
ont fait un grand pas en avant dans les efforts visant à rendre le
monde plus sûr face aux pandémies, en élaborant un projet d’accord qui
sera examiné lors de la prochaine Assemblée mondiale de la santé, en
mai ».
Il aura fallu une dernière journée et une nuit de négociation, avant
que l’ensemble du texte soit validé. « On a topé à 1 h 58 », a
indiqué, à l’Agence France-Presse, un délégué, tandis que l’OMS
préparait le champagne. « En parvenant à un consensus sur l’accord sur
la pandémie, non seulement elles ont mis en place un accord
générationnel pour rendre le monde plus sûr, mais elles ont également
démontré que le multilatéralisme est bien vivant et que, dans notre
monde divisé, les nations peuvent encore travailler ensemble pour
trouver un terrain d’entente et une réponse partagée aux menaces
communes », a relevé M. Tedros.
Cinq ans après l’arrivée du Covid-19, ses millions de morts et une
économie mondiale dévastée, l’accord doit permettre de mieux préparer
le monde, loin d’être équipé pour affronter une autre pandémie, selon
l’OMS et les experts.
Transfert de technologies
Les négociations avaient pourtant avancé plus lentement que prévu
mardi, après trois jours de pause, butant essentiellement sur le
transfert de technologies pour la production de produits de santé liés
aux pandémies, en particulier au profit des pays en développement.
Le sujet avait été au cœur des nombreux griefs des pays les plus
démunis lors de la pandémie de Covid-19, quand ils voyaient les pays
riches s’approprier les doses de vaccin et autres tests. Plusieurs
pays, où l’industrie pharmaceutique pèse lourd dans l’économie, sont
opposés à l’idée d’obligation de transfert et insistent sur son
caractère volontaire. Un consensus a émergé autour du principe de
transfert de technologies « convenu d’un commun accord ».
Considéré comme une des pièces centrales du texte, ce dernier prévoit
la création d’un « système d’accès aux agents pathogènes et de partage
des avantages », à savoir les produits de santé découlant de leur
utilisation, comme des vaccins ou des tests, par exemple. Le texte
vise également à élargir l’accès à ces produits en établissant un
réseau mondial de chaîne d’approvisionnement et de logistique.
« C’est un accord historique pour la sécurité sanitaire, l’équité et
la solidarité internationale », a déclaré Anne-Claire Amprou,
coprésidente de l’organe de négociation et ambassadrice de France pour
la santé mondiale. « Il est adopté », a-t-elle dit, sous un tonnerre
d’applaudissements, se disant émue et fatiguée.
Virus pire qu’une guerre
Le chef de l’OMS a rejoint les négociateurs mardi en fin de journée et
en a profité pour s’adresser à la presse. Pour lui, le texte est «
équilibré » et apporte « plus d’équité ». Surtout, il a exhorté à ne
pas perdre de vue l’essentiel : « Le coût de l’inaction est bien plus
élevé » parce que « le virus est le pire ennemi, il pourrait être pire
qu’une guerre ».
Les négociations se sont déroulées dans un contexte de crise du
multilatéralisme et du système de santé mondial, provoqué par les
coupes drastiques dans l’aide internationale américaine décidée par
Donald Trump, alors que les Etats-Unis étaient de très loin le
principal donateur humanitaire. Ils étaient aussi absents des
négociations, le président américain ayant décidé que les Etats-Unis
quittaient l’organisation.
« A une époque où le multilatéralisme est menacé, les Etats membres de
l’OMS se sont unis pour dire que nous vaincrons la prochaine menace de
pandémie de la seule manière possible : en travaillant ensemble », a
commenté Helen Clark, coprésidente du groupe d’experts indépendants
pour la préparation et la réponse aux pandémies.