Un vaccin à ARNm contre la tuberculose
Pr Dominique Baudon | 06 Mars 2025
Un vaccin à ARNm contre la tuberculose, développé par des chercheurs
australiens, a montré une bonne efficacité préclinique, réduisant la
charge bactérienne chez les souris. En complément du BCG, il améliore
également la protection à long terme.
Parmi les maladies infectieuses, la tuberculose demeure l’une des
causes majeures de mortalité dans le monde, malgré plus d’un siècle
d’administration généralisée du seul vaccin approuvé contre
Mycobacterium tuberculosis, le BCG (Bacillus Calmette-Guérin).
En 2022, elle a repris sa position de principale cause de décès lié à
un seul agent infectieux, avec environ 10,6 millions de nouveaux cas
et 1,3 million de décè s. En outre, environ un quart de la population
mondiale est infectée par M. tuberculosis, ce qui représente un
important réservoir humain avec la possibilité d’une réactivation de
la tuberculose plus tard dans la vie (1).
Bien que généralement protecteur chez les enfants, l’efficacité du BCG
contre les manifestations pulmonaires de la maladie chez les adultes
varie, selon les études et les populations, de 0 à 80 %. La
co-infection par le VIH, les taux croissants de résistance aux
antibiotiques spécifiques et le défaut d’observance ou d’accès aux
traitements entravent davantage le contrôle de la tuberculose (2).
Des candidats vaccins
Le développement d’un vaccin plus efficace est donc essentiel pour
surmonter ces défis et réduire le fardeau mondial de la tuberculose.
Un certain nombre de candidats vaccin font actuellement l’objet
d’essais cliniques. Ils comprennent un large éventail de plates-formes
d’administration, notamment des sous-unités protéiques, des vaccins
vivants atténués, inactivés et à vecteurs viraux.
Cependant, le seul candidat de protection clinique à ce jour est le
vaccin sous-unité protéique M72/AS01E, qui a démontré dans un essai de
phase 2 une efficacité de 49,7 % pour prévenir la progression vers une
maladie active chez les adultes infectés par M. tuberculosis (2).
Un essai de phase 3 en cours déterminera si ce vaccin peut atteindre
les caractéristiques de produits validés par l’ OMS nécessitant une
protection d’au moins 50 % chez les sujets avec et sans preuve
d’infection latente de M. tuberculosis, cela dans différentes régions
géographiques.
Aujourd’hui, l a technologie de l’ARNm reste une approche
sous-explorée pour lutter contre les infections bactériennes
chroniques telles que la tuberculose.
Le vaccin ARNm-LNP
Le succès récent de la nouvelle plate-forme de vaccin à ARNm pendant
la pandémie de Covid-19 a démontré que cette technologie était très
efficace contre les infections virales, en raison de la production de
fortes réponses d’anticorps spécifiques neutralisantes l’antigène.
Il n’y a eu à ce jour que trois publications sur les vaccins à ARNm
contre M. tuberculosis dans les modèles animaux. Deux formulations de
vaccins à ARNm encapsulé dans des nanoparticules lipidiques (ARNm-LNP)
contre M. tuberculosis par BioNTech sont également actuellement en
phase d’essais cliniques.
Les vaccins ARNm-LNP permettent une stimulation rapide et ciblée du
système immunitaire. Appliqué à la tuberculose, un vaccin ARNm-LNP
pourrait renforcer la réponse immunitaire du BCG en boostant l
’activation des cellules T (CD4+ et CD8+) spécifiques à M.
tuberculosis , mais aussi en Induisant une meilleure réponse humorale
et cellulaire par la production de cytokines et de cellules mémoire
protectrices.
Ce vaccin représente donc une approche prometteuse pour améliorer
l’immunité protectrice induite par le BCG contre Mycobacterium
tuberculosis. Il pourrait être utilisé, soit en complément du BCG pour
prolonger et amplifier l ’immunité, soit en remplacement du BCG (un
vaccin ARNm-LNP codant pour des antigènes clés de M. tuberculosis
pourrait représenter une alternative plus efficace).
Cependant, son application contre les infections bactériennes
chroniques telles que la tuberculose reste incertaine. En effet,
l’immunité anti-tuberculose efficace nécessite probablement la
stimulation de cellules T CD4+ multifonctionnelles pour limiter la
croissance et la persistance bactériennes, ce qui présente un défi
unique contre un agent pathogène qui est très évolué pour échapper à
la détection et à la clairance immunitaires.
Un vaccin à ARMm testé chez la souris
Une équipe de chercheurs australiens vient de mettre au point un
vaccin à ARNm -LNP dénommé « mRNACV2 », sur un modèle murin. Leurs
travaux ont été publiés dans le Lancet en mars 2025 (3).
Ce vaccin mRNACV2 module le trafic des cellules innées et favorise les
réponses polyfonctionnelles des cellules T CD4+ Th1* pour renforcer
l’immunité protectrice induite par le BCG contre Mycobacterium
tuberculosis. Il code pour la protéine CysVac2 , fusion de deux
antigènes de M. tuberculosis , l’Ag85B immunodominant et CysD, un
composant de la voie d’assimilation du soufre qui est surexprimé aux
stades chroniques de l’infection (les auteurs avaient montré que
mRNACV2 était immunogénique et protectrice contre l’infection par
aérosol de M. tuberculosis chez la souris).
Le vaccin a été administré par voie intramusculaire à des souris
C57BL/6 femelles en tant que vaccin autonome ou en tant que rappel de
BCG pour évaluer son immunogénicité et son efficacité. Pour
l’infection bactérienne des souris par M. Tuberculosis, la voie par
aérosol a été utilisée, reproduisant la voie d’infection naturelle.
Une réduction du nombre de cas
La vaccination par mRNACV2 a induit : (i) des productions élevées de
cellules T CD4+ de type Th1 spécifiques à l’antigène, y compris de
cellules T CD4+ multifonctionnelles, avant et après l’infection par M.
tuberculosis, cela dans le sang et les poumons des souris, et (ii) un
recrutement rapide de cellules immunitaires innées et adaptatives aux
ganglions lymphatiques drainant le site d’immunisation.
La vaccination mRNACV2 a également fourni une protection pulmonaire
significative chez les souris infectées par M. tuberculosis, réduisant
la charge bactérienne et l’infiltration inflammatoire pulmonaire. De
plus, la combinaison de la vaccination mRNACV2 avec une vaccination
BCG a montré une synergie des réponses immunitaires et la réduction de
la charge bactérienne, améliorant ainsi les réponses immunitaires et
la protection à long terme chez le lot de souris préalablement
vaccinées par le BCG.
Ce vaccin a également induit des concentrations élevées d’anticorps
IgG, qui sont souvent peu pris en compte lors de l’évaluation des
vaccins contre la tuberculose
Selon les auteurs, leurs travaux ont démontré qu’un vaccin à ARNm -LNP
codant pour CysVac2, appelé mRNACV2, était immunogène et protecteur
dans un modèle murin vis à vis de M. tuberculosis. Cette approche a un
potentiel important de traduction chez l’homme, non seulement en tant
que vaccin autonome contre la tuberculose, mais aussi en tant que
rappel du vaccin BCG existant, afin d’en prolonger la protection.
Ils concluent que les résultats prometteurs de cette étude soulignent
la nécessité d’autres recherches et essais cliniques pour compléter
les efforts existants afin d’explorer la pleine capacité des vaccins à
ARNm pour lutter contre la tuberculose chez les humains.
Ce concept novateur de vaccin ARNm-LNP contre la tuberculose pourrait
marquer une avancée majeure dans la lutte contre cette maladie qui
reste une des premières causes de mortalité infectieuse dans le monde.
Pour en savoir plus :
*Les lymphocytes T, CD4 + jouent un rôle essentiel dans l’induction et
la régulation des réponses immunitaires. De plus, les deux
sous-populations Th1 et Th2, à travers leur capacité de synthétiser
différents répertoires de cytokines permettent d’activer diverses
fonctions immunitaires dont l’immunité à médiation cellulaire via les
lymphocytes T cytotoxiques et les macrophages.
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