Le fabricant du Distilbène condamné pour la deuxième fois
C. L.
[18 décembre 2004]
Selon le Réseau D.E.S France, au moins 160.000 enfants, dont la majorité
sont nés dans les années 1970, auraient été exposés au produit.
Pour la seconde fois en deux ans, le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) a
condamné hier le laboratoire pharmaceutique belge UCB-Pharma à indemniser la
famille d'une femme dont la mère avait, durant sa grossesse, été traitée au
Distilbène. Vraisemblablement intoxiquée par ce médicament in utero, la
victime, Catherine Petit, avait depuis lors développé un cancer qui l'a
emportée le 28 novembre dernier à l'âge de 34 ans. Une affection dont le
fabricant a été jugé «responsable»: il devra verser à l'entourage de la
disparue 310 000 euros de dommages et intérêts, mais aussi prendre à sa
charge les frais de justice.
Ce jugement marque une nouvelle étape dans un feuilleton judiciaire entamé
il y a près de quinze ans. C'est en effet au tout début des années 90 que de
premières plaintes ont été déposées contre le laboratoire belge qui, selon
des données récemment communiquées par le ministère de la Santé, a vendu le
distilbène à quelque 160 000 Françaises entre 1950 et 1976. Or, depuis cette
époque, plusieurs dizaines de femmes atteintes de malformations et de
cancers s'estiment victimes de cet ostrogène de synthèse qui, censé prévenir
les fausses couches, se serait en fait révélé toxique pour les enfants des
futures mères ainsi traitées - et pourrait même, selon une étude récente,
entraîner des risques accrus de maladie chez les petits enfants des femmes
qui en ont consommé.
En mai 2002, le tribunal de Nanterre a donné une première fois raison à deux
plaignantes - sur une trentaine regroupées au sein de l'association
«Des-France» - en condamnant UCB-Pharma à leur verser 15 244 euros à titre
de provision. Une décision qui, depuis lors confirmée en appel par la cour
d'appel de Versailles (Yvelines), devrait prochainement être soumise au
verdict de la cour de cassation. En attendant, le tribunal de Nanterre a
porté hier un nouveau coup à UCB-Pharma en lui reprochant «d'avoir manqué à
son obligation de vigilance et commis une série de fautes en ne surveillant
pas l'efficacité du produit, et ce nonobstant les avertissements connus en
littérature médico-scientifique». De fait, dès 1953, une étude américaine a
mis en doute l'efficacité du Distilbène tandis que sa toxicité a été
démontrée au début des années 70.