AFRIQUE: L'échec thérapeutique trop souvent mal détecté
JOHANNESBOURG, 7 janvier (IRIN) - Trop nombreux sont les patients
séropositifs qui meurent en Afrique en raison de problèmes de diagnostic et
de mauvaise gestion des traitements antirétroviraux (ARV), dans les milieux
où les ressources sont limitées.
Selon un article d'opinion co-rédigé par plusieurs spécialistes du
VIH/SIDA, publié dans le dernier numéro du journal médical britannique The
Lancet, les critères actuels pour détecter les échecs thérapeutiques en
Afrique ne sont pas fiables : de nombreux patients ne sont pas diagnostiqués
correctement et d'autres doivent abandonner inutilement leur traitement de
première génération pour un traitement de deuxième ligne plus onéreux, et
ce, « à grands frais pour les patients et les programmes ».
La plupart des pays à revenu faible n'ont pas les ressources ou la main
d'ouvre nécessaires pour surveiller les patients sous thérapie ARV. Par
exemple, dans les pays à revenu élevé, les patients subissent régulièrement
des tests laboratoires. En revanche, au Malawi, où seule une clinique ARV
sur quatre dispose des installations nécessaires pour mesurer le taux de CD4
(qui évalue la résistance du système immunitaire) et où les établissements
sont encore moins nombreux à pouvoir faire aux patients des tests de charge
virale (qui mesurent la quantité de virus dans le sang), les travailleurs
sanitaires se fient principalement aux symptômes cliniques pour détecter les
échecs thérapeutiques.
Comme le soulignent les auteurs de l'article, dans les cliniques ARV, « la
demande est généralement élevée et le personnel fait défaut. Dans de telles
circonstances, une évaluation clinique approfondie est souvent impossible et
les nouvelles conditions cliniques peuvent ne pas être détectées ».
Sur les quelque 200 000 patients ayant débuté un traitement ARV au Malawi à
la fin de l'année 2008, 12 pour cent ont succombé à la maladie et 12 pour
cent supplémentaires ont été perdus de vue (les patients ne se sont pas
rendus dans une clinique pendant au moins trois mois). Bien que près des
deux tiers des décès aient été enregistrés au cours des trois mois ayant
suivi la mise sous traitement des patients (ces derniers ayant débuté leur
thérapie trop tard), les auteurs ont noté que de plus en plus de malades
succombaient plus tard à la maladie, après avoir développé une résistance
aux médicaments de première ligne et contracté des infections liées au VIH.
Les examens cliniques peuvent également être trompeurs dans la mesure où
les symptômes d'une toxicité médicamenteuse peuvent facilement être pris
pour ceux de certaines infections opportunistes. En effet, plusieurs études
récentes ont indiqué que des échecs thérapeutiques avaient été diagnostiqués
par erreur chez de nombreux patients et que l'on avait inutilement prescrit
à ces derniers des médicaments ARV de deuxième génération.
En référence aux récents résultats d'un essai sur le Développement de la
thérapie antirétrovirale en Afrique (DART en anglais), qui indiquent que le
suivi laboratoire s'accompagne d'avantages supplémentaires mineurs par
rapport au suivi clinique des patients lors des deux premières années de
traitement, les auteurs de l'article publié dans The Lancet avancent que les
résultats « ne tiennent pas compte de la faible performance du suivi
clinique actuel dans le cadre de pratiques de routine ».
Les auteurs ont souligné dans leur article qu'il était urgent d'élaborer un
outil visant à diagnostiquer les échecs thérapeutiques chez les patients
sous ARV. En outre, cet outil devrait être facile d'utilisation pour un
personnel surchargé travaillant dans des cliniques en sous-effectifs. Cet
outil pourrait s'apparenter à un test visant à déterminer rapidement la
charge virale, semblable à celui utilisé pour diagnostiquer le VIH, fondé
sur un prélèvement sanguin par piqûre du bout du doigt. Un tel test
révolutionnerait la gestion des traitements ARV.
En outre, les auteurs recommandent l'élaboration de régimes d'ARV de
deuxième génération plus simples pouvant être administrés par des
travailleurs sanitaires moins qualifiés qui seront nécessaires pour gérer un
nombre encore plus important de patients sous traitement à vie.
Une possibilité, déjà mise à l'épreuve dans le cadre de divers essais
cliniques, consiste à utiliser une seule catégorie de médicaments ARV connus
comme un inhibiteur de protéase renforcé. Administrer des ARV de deuxième
génération sous forme de monothérapie pourrait réduire le coût du traitement
et les erreurs commises par les professionnels de la santé, ainsi
qu'améliorer l'observance, mais requerrait des tests supplémentaires.
En guise de conclusion, les auteurs ont indiqué que pour tirer profit des
importants progrès accomplis dans le domaine de l'accès au ARV en Afrique
subsaharienne, il serait nécessaire de mettre en ouvre « des systèmes
simples et solides afin d'éviter que les services sanitaires ne soient
submergés ».
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