[e-med] Comment réaliser une action internationale contre les falsifications et les produits hors normes

[remerciements à CR pour la traduction.CB]

Comment réaliser une action internationale contre les falsifications et les
produits hors normes
Amir Attaran et al.

Tous les jours des malades reçoivent des produits sous dosés ou faux. Au
mieux ces malades qui reçoivent ces mauvais produits ne ressentent-ils rien,

mais ils peuvent aussi bien en mourir. Dans les pays pauvres, la moitié des
médicaments pour traiter des maladies mortelles sont faux ou ne contiennent
pas ou peu de substance active. Dans les pays riches, l'innocuité des
médicaments est meilleure, mais les produits sous dosés ou faux sont à
l'origine de milliers de réactions secondaires et de quelques décès. Comme
le commerce international et l'origine autre deviennent la norme pour les
smédicaments, partout les patients deviennent vulnérables.

En 2010, après des années de débat, les états membres de l'OMS ont établi
un groupe de travail chargé de trouver comment régler au mieux ce scandale,
mais on a fait peu de progrès. Le groupe de travail, qui s'appelle
maintenant le mécanisme des états membres, est toujours incapable de définir

les différents cas de mauvaises qualité, et très peu s'est traduit en
actions réelles.

Les raisons de ce manque d'avancées sont nombreuses, mais tout est possible
pour réussir. Dans cet article, nous, des auteurs issus des professions de
la santé, d'oeuvres caritatives dans le domaine de la santé, d'universités
du droit ou de la médecine, ou fonctionnaires gouvernementaux dans la santé
présents ou de passé récent, nous saluons le défi et nous propsoons des
solutions possibles.

Intérêt commun

La raison la plus fondamentale pour expliquer le manque de résultat est
l'incapacité de reconnaître des objectifs communs. Même si les labos, les
ONG et les gouvernements sont tous d'accord pour avoir des traitements
efficaces et bien tolérés et regrettent la présence de produits dangereux,
se mettre d'accord sur les actions à conduire reste difficile parce que les
discussions s'enlisent dans des domaines dominés par les prix des
médicaments et la propriété intellectuelle.

Pour arriver à un accord, il faut prendre soin de ne pas avoir l'attention
détournée par ces sujets. L'une des raisons qui empêche de se mettre
d'accord est la législation sur les contrefaçons, dans certains pays elle
s'occupe de protéger les intérêts commerciaux, accordant peu ou pas
d'attention à la protection des intérêts de la santé publique. En Afrique de

l'est, des réformes mal rédigées sur les contrefaçons, soutenues par des
labos, menacent d'empêcher l'accès aux médicaments génériques, dont la
majorité des Africains dépendent. En même temps, en Europe, des douanes
saisissent des génériques autorisés traitant le SIDA et le cancer en transit

d'Inde vers le Brésil sous prétexte d'être en infraction avec la législation

de la propriété intellectuelle, ce qui en fait des contrefaçons évidentes.
Plutôt que de développer la confiance et la compréhension, ces décisions ont

causés de vives réactions prévisibles de la part des activistes sous
prétexte qu'elles sapaient l'accès aux traitements. Si on veut avancer, non
seulement il faut éviter ce genre de réactions si provocatrices, mais il
faut éviter d'ouvrir la porte à la controverse des deux côtés.

Des définitions plus claires

De tels éclats sont dus à un autre problème fondamental : l'absence d'une
terminologie claire, acceptée internationalement, définissant ce qui est
acceptable ou pas.

La législation et la terminologie sont encore plus embrouillées pour parler
de ce qui est inacceptable. Par le passé, l'OMS faisait un distinguo entre
"hors norme" et "contrefait", mais l'an dernier des états membres ont choisi

de se regrouper derrière la nouvelle terminologie "produit médical hors
norme/faux/trompeusement étiqueté/contrefait" SSFFC. Et pourtant, mettre
sous ce titre d'illégitime tous les médicaments conduit à l'impression
trompeuse et fausse qu'ils sont tous déficients de la même façons, alors
qu'il existe plusieurs types de déficiences demandant des solutions
différentes. Nous proposons donc une nouvelle définition, qui améliore la
vision, des états membres de l'OMS.

L'un des points forts de notre proposition est qu'il ne traite pas de la
propriété intellectuelle et qu'il n'emploie pas le mot ambigu de
contrefaçon. Selon la réglementation internationale de la propriété
intellectuelle, le terme "contrefaçon" s'applique à un produit qui ne
respecte pas la marque déposée, tout en se présentant de façon très
semblable voire identique au produit original. La contrefaçon délibérée est
un mauvais acte économique, qui peut se produire avec ou sans altérer la
qualité du produit. C'est donc une erreur de parler de "contrefaçon" (mais
l'erreur est courante) par référence aux médicaments dangereux pour la santé

publique. Aussi nous éviterons d'employer ce terme ici.

Les produits "hors normes" sont ceux qui, involontairement, ne respectent
pas les critères de la qualité du pays régulateur (ceux de l'autorité de
réglementation du pays). Comme on peut le voir ailleurs ces produits
présentent différentes déficiences, par exemple les matières premières sont
de mauvaises qualité, des erreurs se sont produites pendant la fabrication
ou bien une mauvaise logistique peut avoir conduit à une dégradation du
produit, ou à son expiration. Chacun de ces problèmes techniques demande une

solution différente.

"Non enregistré" s'appliquera à des produits qui n'ont pas reçu
d'autorisation de mise sur le marché dans le pays régulateur pour être
importés ou vendus là, il en va ainsi de produits volés ou détournés au
niveau international. "Non enregistré" peut être d'origine involontaire,
mais le plus souvent il s'agit de détournements illicites de produits volés,

un crime commis pour ne pas passer par les fourches caudines de
l'autorisation de mise sur le marché.

Qu'ils soient "hors normes" ou "non enregistrés", ces produits ne respectent

pas certains critères légaux. Souvent ces produits sont aussi "trompeusement

étiquetés" parce qu'ils ne correspondent pas à l'emballage autorisé par
l'autorité réglementaire (de médicament expiré, portant clairement la date
d'expiration, sont rarement concernés).

La dernière catégorie est celle des produits "falsifiés". Comparables aux
produits hors normes, ces produits sont illégaux parce qu'ils ne respectent
pas les critères de la qualité du régulateur, mais surtout ce qui les
caractérise est une intention délibérément criminelle. Faire un produit
falsifié va donc bien plus loin qu'une infraction à la législation. On est
face à une intention délibérée de tromper. Par exemple, alors qu'un produit
périmé est simplement hors norme, si la date est modifiée pour laisser
croire qu'il est encore valide, cette infraction délibérée en fait un
produit falsifié. Les juristes appellent ce crime délibéré "mens rea"
(l'esprit coupable), ce qui demande du système judiciaire de poursuivre et
de punir les auteurs de produits falsifiés comme étant à l'origine d'un acte

criminel sérieux, pas simplement de le considérer comme une infraction à la
loi ou une négligence civile.

Nous prétendons que s'attaquer au défi des médicaments de mauvaise qualité
et dangereux demande une stratégie mondiale, et tout le monde en est
d'accord. Les médicaments, tant falsifiés que hors normes mettent en danger
la santé publique, mais les mesures à prendre différent. Un nouvel accord
mondial pourrait les régler tous ensemble et en synergie par une approche
légale, technique et financière.

Pour l'instant, la question principale entourant la gouvernance des produits

falsifiés est que leur commerce international est autorisé. Les
gouvernements responsables peuvent interdire ces produits falsifiés par leur

législation, et ils le font. Mais dans certains "paradis" ils restent
vulnérables à des entreprises criminelles (pays riches ou pauvres sans
distinction), où faire respecter la législation est laxiste. D'après l'OMS,
30% des pays ont peu, ou pas de législation du médicament. Dans d'autres
domaines, des accords internationaux ont permis à des gouvernements de
renforcer leur législation et de coopérer internationalement pour mettre une

fin à ces "paradis", par exemple à propos de trafic de personnes humaines ou

de blanchiment d'argent. L'absence d'accord souligne qu'il n'existe pas
d'accord sur une définition générale pour reconnaître qu'un produit est
mauvais ou qu'il s'agit d'un crime. Il n'existe pas d'obligation de
coopération entre les forces de police au delà des frontières, pour
poursuivre des enquêtes internationales; pas plus que les procureurs ne
sont obligés de partager les preuves ou de répondre aux demandes
d'extradition qui conduiraient les suspects devant la justice. Tout ceci se
traduit par l'impunité des criminels.

Un bon accord traiterait à la fois de falsification et de hors normes, mais
sur des bases différentes. Nos définitions comme falsifiés pour des fraudes
délibérées et volontaires conduirait à les poursuivre comme des crimes. A
contrario, hors normes qualifierait des erreurs involontaires ou par
négligence demandant des mesures réglementaires correctes. L'action
réglementaire "positive" et les poursuites judiciaires "négatives" sont
synergétiques, comme on peut le voir dans d'autres domaines (les produits
alimentaires sont réglementés pour leur innocuité mais falsifier des
produits
alimentaires est un crime). Ces deux actions dépendent tout d'abord de la
présence d'une autorité réglementaire dans le pays, appuyée comme il se doit

par les douanes, la police, le ministère de la justice et les personnels de
la santé situés en première ligne. Tout en établissant des normes et des
objectifs pour les gouvernements, un accord permettrait de récolter des
fonds grâce à un mécanisme financier approprié qui permettra aux pays dans
le besoin de construire leur capacité réglementaire, assurant ainsi la
qualité des médicaments et formant les personnels de la santé.

Ainsi, l'énergie politique croissante pour lutter contre les falsifications
pourra fournir des financements et renforcer les capacités contre ces deux
dangers.

Plan d'action pour un accord mondial

L'accord aura à répondre à cinq sujets :

            Définir légalement les différents types de produits non
autorisés, si possible en utilisant les termes que nous proposons, de façon
à éviter les ambiguïtés et les sujets parasites contre les produits
autorisés
            Définir au niveau international les crimes contre la santé
publique comme la fabrication, le trafic, ou la vente de produits falsifiés
            Requérir une coopération intergouvernementale pour que les pays
informent, enquêtent et poursuivent les affaires criminelles
transfrontalières et qu'ils puissent saisir les bénéfices du crime
           Créer un forum permanent intergouvernemental pour protéger le
commerce des produits autorisés, en établissant par exemple des normes pour
authentifier les produits en les traçant et en utilisant les dernières
technologies de traçage ou en établissant des normes pour la vente de
médicaments par internet
           Inclure des clauses administratives, en particulier pour donner
une aide financière et technique pour renforcer l'autorité de réglementation

dans les pays pauvres.

Quelles sont les prochaines étapes à envisager? Les états membres de l'OMS
devraient demander au personnel de l'OMS de lancer un processus comparable à

celui utilisé pour la création du FCTC, qui a commencé avec un groupe de
travail et qui a conduit à des négociations formelles entre diplomates dans
une négociations internationales. Ce projet devra connaître les limites que
nous indiquons, comme de ne pas s'occuper de la propriété intellectuelle,
tout en impliquant des organisations autres que l'OMS quand le sujet dépasse

les capacités de l'OMS (par exemple l'agence des Nations Unies contre la
drogue, mieux placée que l'OMS sur les questions de législation). Pour créer

un environnement politique et une volonté d'agir favorables, l'industrie
pharmaceutique et le Pharmaceutical Security Institute devront s'associer
aux travaux avec des chercheurs indépendants sur des travaux pouvant
améliorer la connaissance sur la dimension et la provenance des médicaments
illégitimes. Nous croyons que ce cadre de départ évitera les controverses
inutiles et permettra aux gouvernements, aux entreprises privées, aux
avocats
de ces causes, et aux professionnels de la santé de mieux protéger la santé
publique.