[qu'en pensent les e-mediens ? Que peut-on proposer ? CB]
Intellectual Property Watch
29 January 2009
OMS : l'espoir d'un consensus sur les contrefacons reporté à l'Assemblée
du mois de mai
Posted by Catherine Saez @ 11:01 am
Par Kaitlin Mara
http://www.ip-watch.org/weblog/index.php?p=1409
<http://www.ip-watch.org/weblog/index.php?p=1409>
La semaine dernière, un rapport et un projet de résolution de lOrganisation
mondiale de la santé (OMS) sur les produits médicaux contrefaits ont donné
lieu à un débat animé, bien quaucun compromis nait encore été trouvé pour
mettre fin aux désaccords quant au processus de consultation caché derrière
le rapport sur les contrefaçons et au risque de se tromper de débat entre un
problème de violation de la propriété intellectuelle et la question du
danger que peuvent représenter de faux médicaments.
Lors dune réunion du Conseil exécutif de lOMS, qui sest tenue le 23
janvier, les membres ont convenu que lorganisation devrait établir dautres
rapports sur limpact des médicaments contrefaits sur la santé publique et
présenter dautres notes dinformation (sans résolution) qui seront discutés
lors de lAssemblée mondiale de la santé en mai prochain. Si les États
membres ne parviennent pas à un consensus à ce moment-là, ces derniers
envisageront la mise en place dun groupe de travail intergouvernemental qui
se réunira entre les différentes sessions.
La réunion du Conseil exécutif de lOMS sest déroulée du 19 au 27 janvier.
Le 23 janvier, alors que tous les États membres ont souligné limportance de
protéger la santé publique contre les risques que présentent les médicaments
contrefaits, certains ont cherché à savoir si le projet de résolution
(présenté le 18 décembre et consultable ici
<World Health Organization (WHO); [pdf])
protègerait véritablement les intérêts publics ou sil préserverait de façon
disproportionnée ceux des titulaires de droits de propriété intellectuelle.
Dautres se sont demandé si, à trop se pencher sur la question des
contrefaçons, on ne détournerait pas les yeux dautres problèmes de santé
publique, comme les lots de médicaments autorisés non conformes ou de
mauvaise qualité.
Les principales inquiétudes soulevées ont concerné le débat de fond sur la
définition précise dune « contrefaçon » dans le contexte de lOMS et le
débat sur la procédure suivie par le groupe de travail international de
lutte contre la contrefaçon de médicaments IMPACT (International Medical
Products Anti-Counterfeiting Taskforce), créé en 2006. Le travail technique
de ce dernier
<http://www.who.int/impact/resources/IMPACTthirdgeneralmeeting_%20report.pdf
[pdf en anglais] a beaucoup influencé le projet de rapport, mais certains
pays en développement ont eu limpression que leur voix nétait pas assez
représentée au sein du groupe.
Le Directeur général de lOMS, Margaret Chan, a assuré au Conseil que les
nouveaux rapports qui seraient publiés par lorganisation aborderaient les
questions soulevées par les États membres lors des débats du 23 janvier. Ces
rapports traiteront du processus parallèle de la Stratégie et du plan
daction mondiaux de lOMS pour la santé publique, linnovation et la
propriété intellectuelle, afin de voir si son texte (qui a déjà fait lobjet
dun consensus) peut répondre aux questions de propriété intellectuelle
liées aux produits médicaux contrefaits.
La définition dune « contrefaçon »
« Une contrefaçon est une violation dun droit de propriété intellectuelle
[et] cause du tort au détenteur dune marque commerciale », a rappelé le
Paraguay au nom du Groupe des États dAmérique latine et des Caraïbes, à
louverture des débats. « La caractérisation de cette infraction ne comporte
pas de critère de santé ».
La définition juridique dune contrefaçon
<http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/27-trips_05_f.htm> dans lAccord
de lOrganisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC),
qui établit un lien explicite avec la violation dune marque, a suscité des
inquiétudes chez de nombreux États membres et organisations non
gouvernementales.
Ce qui préoccupe les États et les ONG, cest que le lien fait entre ces deux
concepts conduise lOMS à simpliquer dans lapplication des droits de
propriété intellectuelle et mette les fabricants de médicaments génériques
dans une situation difficile. La récente affaire de larrestation aux
Pays-Bas dun chargement de médicaments génériques contre lhypertension en
partance de lInde et à destination du Brésil a contribué à alimenter ces
inquiétudes. De nombreux pays demandent plutôt de laide pour renforcer les
capacités de leurs autorités de réglementation des médicaments et pour
pouvoir se concentrer sur les médicaments contrefaits, de mauvaise qualité
et portant de fausses étiquettes.
Le rapport de lONG Third World Network intitulé « WHO: Approach to
counterfeit drugs may affect access to medicines
<http://twnside.org.sg/title2/wto.info/2009/twninfo20090101.htm> » (OMS :
lapproche concernant les médicaments contrefaits pourrait nuire à laccès
aux médicaments) expose certaines des préoccupations liées au fait que les
définitions établies par lOMS pourraient restreindre lutilisation des
médicaments génériques.
Certains ont évoqué ce que lÉgypte a appelé un « manque de clarté dans les
définitions ». « Nous ne savons pas ce que « contrefaçon » signifie dans le
contexte de la mission de lOMS », a confié le Brésil, ajoutant ensuite
quil sagissait « dune faute cruciale dans le processus » et quil nétait
« pas possible de poursuivre [les négociations] avant davoir compris cela
».
Dautres étaient préoccupés par ce qui sest avéré être une erreur dans le
rapport original de lOMS, qui déclarait que « les conflits liés aux droits
de propriété intellectuelle ou la violation de ces droits ne doivent pas
être confondus avec la contrefaçon ». Dans la version proposée par le groupe
IMPACT, le mot « brevets » a remplacé « droits de propriété intellectuelle
».
« Nous avons été dérangés par le fait quau départ, lOMS a distribué un
document qui élargissait considérablement la portée des exclusions à tous
les droits de propriété intellectuelle », ont expliqué les États-Unis.
LOMS a procédé à une correction
<World Health Organization (WHO); [pdf] en
remplaçant lancienne formulation par « brevets ».
« La falsification dun médicament » est considérée comme « un crime
abominable », a confié le Brésil, et lOMS est là pour trouver le moyen de
garantir la qualité, la sécurité et lefficacité des médicaments. Mais, a
ajouté le délégué brésilien, elle nest pas la tribune appropriée pour les
débats sur lapplication des droits de propriété intellectuelle (bien que
les discussions sur la politique en matière de propriété intellectuelle
telles quelles sont définies par la Stratégie mondiale y ont leur place).
Lidée selon laquelle lapplication des droits de propriété intellectuelle
est mieux gérée par les organisations internationales spécialisées dans ce
domaine a été reprise par dautres délégations, comme lArgentine, le
Bangladesh, lÉgypte, la Thaïlande et lUruguay.
Lun après lautre, deux pays en développement ont confié à Intellectual
Property Watch que la situation rappelait les pressions faites par le passé
pour donner davantage de pouvoir dexécution en matière de propriété
intellectuelle aux gardes-frontières à travers lOrganisation mondiale des
douanes, autre organisation internationale qui nest normalement pas
impliquée dans les questions de propriété intellectuelle.
Mais « nous ne cherchons pas ici à faire appliquer les droits de propriété
intellectuelle », a assuré à Intellectual Property Watch le délégué dun
pays développé qui avait soutenu le rapport original. Même si les actions
visant à lutter contre les contrefaçons de médicaments « favorisent
indirectement les détenteurs de marques », lobjectif principal est bien de
protéger la santé publique et il nest pas question dun « programme
daction caché ».
« Les droits de propriété intellectuelle, comme leur mise en application,
sont des outils que nous utilisons pour combattre la contrefaçon de produits
médicaux lorsque nous pensons que cest opportun, mais notre intérêt est de
sauver les patients », a expliqué Aline Plançon, responsable dun projet de
coopération entre IMPACT et lorganisation internationale de police
INTERPOL. Mme Plançon travaille à plein temps avec lOMS depuis mars 2008
dans la lutte contre la contrefaçon de médicaments. « Nous utilisons
également les lois sur la réglementation des médicaments ou celles sur le
blanchiment de capitaux, soit tous les outils juridiques à notre disposition
», a-t-elle précisé. Un représentant de lindustrie est allé dans le même
sens en affirmant que « les marques servent à lutter contre le faux
étiquetage ».
Étant donné quil serait politiquement impossible de changer le terme «
contrefaçon », la délégation suisse a proposé demployer lexpression «
produit médical contrefait » et une définition propre à lOMS afin de
réduire tout risque de confusion.
Linitiative IMPACT
La Hongrie a déclaré au nom de lUnion européenne quelle « soutenait
activement les efforts de lOMS et son rôle directeur auprès du groupe de
travail IMPACT ». Les États-Unis ont déclaré que le groupe avait rempli son
rôle en luttant contre la contrefaçon de manière « exceptionnelle » et le
Royaume-Uni la félicité pour avoir « largement contribué à sensibiliser et
à éveiller lintérêt des acteurs concernés ».
Mais les autres délégations ont semblé moins convaincues. Les collaborateurs
dIMPACT sont « principalement issus de pays développés et de lindustrie
pharmaceutique, et les pays en développement sont sous-représentés », a
déploré lIndonésie, sexprimant au nom du Bureau régional de lAsie du
Sud-Est.
Daprès sa dernière brochure de présentation
<http://www.who.int/impact/FinalBrochureWHA2008a.pdf> [pdf en anglais], la
commission dIMPACT est composée de membres des gouvernements allemand,
américain, australien, nigérian et singapourien. La commission regroupe
également des représentants de la Fédération internationale de lindustrie
du médicament (FIIM) et de la Fédération internationale pharmaceutique
(FIP), ainsi que deux employés de lOMS et un dINTERPOL.
Lune des principales protestations a porté sur le fait que le groupe de
travail a entamé des négociations en dehors de lOMS et na par conséquent
pas suivi la procédure habituellement dirigée par les États membres selon
laquelle les documents sont normalement rédigés. Le Bangladesh sest montré
préoccupé, « du fait que les décisions devraient toutes être discutées et
prises par les États membres ». Le Brésil, lIndonésie (au nom du Bureau
régional de lAsie du Sud-Est), la Thaïlande et le Venezuela ont exprimé des
inquiétudes similaires.
« LÉgypte est également préoccupée au sujet dIMPACT », a déclaré une
déléguée du pays, « car le groupe na été mandaté par aucun des organes
directeurs de lOMS ». Par ailleurs, le Chili a demandé doù venaient les
financements de linitiative et pourquoi le groupe se réunissait « partout
sauf à Genève ». LArgentine, quant à elle, a rejeté lidée dune
harmonisation internationale des mécanismes de contrôle des contrefaçons.
La Suisse a salué les questions portant sur les motivations, le mandat, le
principe dinclusion et le financement dIMPACT, et a également souligné le
fait que la qualité du travail technique du groupe nétait jamais mise en
doute. Le pays a ajouté que « labsence de résolution en mai permettrait aux
fabricants et aux distributeurs de produits contrefaits de continuer leurs
activités ». Le président a acquiescé et renchéri en disant que le fait de «
ne pas avoir de résolution [du Conseil exécutif] est préoccupant, car cela
met les contrefacteurs dans une position confortable ».
Mme Plançon, qui coordonne lexécution du travail dIMPACT par lOMS, a
rappelé que « le groupe est ouvert et tous les États qui souhaitent en faire
partie sont les bienvenus ». Après avoir décrit la lutte contre la
contrefaçon comme « une course » contre le crime organisé, elle a ajouté que
« si lon souhaite vraiment faire la différence, on ne peut pas se permettre
de passer des semaines à débattre de points de détails. Plus de temps on
perd, plus ils en gagnent ».
Un préjudice causé aux médicaments autorisés ?
Sadressant à Intellectual Property Watch, un diplomate issu dun pays en
développement a souligné que la question de laccès aux médicaments de bonne
qualité à un prix abordable nétait pas examinée dans le rapport, laissant
entendre que lon naccordait pas à la promotion des médicaments autorisés
la même priorité.
« Nous ne connaissons pas limpact quont les prix élevés sur la contrefaçon
», a rappelé le Brésil. Le Sultanat dOman, quant à lui, a demandé des
informations sur la durée de protection des brevets et limportance du
trafic illicite de médicaments.
Si lon se concentre trop sur les contrefaçons, on risque de se détourner de
problèmes plus importants, a affirmé une source non gouvernementale. Parmi
ces autres questions importantes, on trouve le trafic de médicaments non
frauduleux mais de mauvaise qualité en raison dun problème de production ou
de stockage, ou parce que le contrôle de la qualité dans le pays doù ils
proviennent est moins exigeant.
Les médicaments de mauvaise qualité ont davantage de conséquences sur la
santé publique que les contrefaçons, a affirmé lÉgypte. Dans une récente
étude
<http://www.msf.org.za/docs/ScientificDocs/TMIH2008_Vol13_substandards.pdf>
[pdf en anglais], lorganisation Médecins Sans Frontières (MSF) était
arrivée aux mêmes conclusions.
« Il ne doit pas sagir dun jeu politique », a déclaré un délégué africain.
Ce dont nous avons besoin, cest de financement pour pouvoir renforcer les
capacités des autorités de réglementation et arrêter lafflux de médicaments
de mauvaise qualité en Afrique, qui est en train de devenir une véritable «
décharge ».
Traduit de langlais par Griselda Jung