m�dicaments
essentiels
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E-med:L�OMS refuse d�int�grer les antir�troviraux dans la liste des
m�dicaments
essentiels
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Texte paru dans le n�65 de la lettre mensuelle d'Act Up-Paris
Pour information et � faire circuler.
Gaelle Krikorian.
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L�OMS refuse d�int�grer les antir�troviraux dans la liste des m�dicaments
essentiels
Le sida est devenu la maladie la plus meurtri�re au monde. Elle tue des
millions de personnes, ravage des continents entiers et met en p�ril le
d�veloppement de nombreux pays. Les plus importants acteurs internationaux
(Conseil de S�curit� des Nations Unies, Banque mondiale, UNICEF, ONUSIDA,
etc.) se mobilisent d�sormais pour faire face � l��pid�mie.
Pourtant, au m�me moment, l�OMS �carte de sa nouvelle liste des �
m�dicaments essentiels � les antir�troviraux, les seuls traitements
permettant � l�heure actuelle de lutter contre cette maladie.
Si la liste int�gre d�sormais la n�virapine pour la pr�vention de la
transmission m�re-enfant, l'OMS pr�cise que celle-ci, comme la zidovudine
(d�j� pr�sente dans la liste pour la m�me indication), ne doit �tre utilis�e
qu�� des fins pr�ventives � parce que ces m�dicaments sont au dessus des
moyens financiers de la plupart des pays �.
La liste des m�dicaments essentiels, depuis sa premi�re publication en 1977,
est th�oriquement destin�e � faciliter la s�lection des traitements les plus
� m�me de r�pondre aux besoins sanitaires de la population dans chaque pays.
L�attitude de l�OMS pose donc de graves questions : soit cette organisation
est d�finitivement d�connect�e des r�alit�s v�cues par les populations, soit
sa politique est motiv�e par des consid�rations autres que sanitaires.
Chronologie des derniers impairs commis par l�OMS
Lors de l�Assembl�e Mondiale de la Sant� (AMS) en mai 1999, de hauts
responsables de cette organisation avaient cru bon d�introduire une table
ronde des ministres de la sant� intitul�e � VIH/SIDA : strat�gies propices �
une r�action ad�quate et durable face � l��pid�mie � par la question
suivante :
� Comment les gouvernements peuvent-ils ma�triser les d�penses li�es aux
soins palliatifs et aux soins en phase terminale et freiner la demande
croissante en th�rapeutiques antir�trovirales ? � (ordre du jour de l�AMS,
19 mai 1999).
A l��poque d�j� l�OMS refusait :
- de remettre en question les prix de vente prohibitifs des traitements dans
les pays en d�veloppement � alors que les compagnies pharmaceutiques font
des b�n�fices exorbitants dans les pays occidentaux et d�tiennent le
monopole des m�dicaments sur le march� mondial ;
- de solliciter la mobilisation de ressources suppl�mentaires, publiques
et/ou priv�es, pour mettre en place, dans les plus brefs d�lais, une prise
en charge adapt�e ;
- de d�fendre les principes de solidarit� et d��quit� pour tous les malades
face � l�acc�s aux soins et aux traitements.
Elle pr�f�rait s�interroger sur la fa�on de limiter la demande l�gitime des
malades.
Face � l�indignation soulev�e par ce document dans les associations de
malades et certaines ONG, et r�pondant � un communiqu� de presse d�Act
Up-Paris, l�OMS avait alors invoqu� une malencontreuse erreur administrative
et affirm� sa volont� de tout faire pour soutenir l�acc�s aux traitements
dans les pays en d�veloppement, y compris l�acc�s aux antir�troviraux.
Depuis mai 1999, G. H. Brundtland, directrice g�n�rale de l�OMS, r�it�re cet
engagement chaque fois qu�elle y est contrainte, se pr�servant ainsi des
critiques.
Le premier d�cembre dernier, elle d�clarait dans un quotidien fran�ais : �
Plus de 90% des personnes infect�es par le VIH dans le monde vivent dans
des pays o� il est rare de disposer d�un traitement efficace et o� une
fraction infime de la population en aurait les moyens. Plut�t que de nous
�tendre sur le caract�re terrible de la maladie, nous devons lutter contre
cette in�galit� et veiller � ce que les gens qui ont besoin de pr�vention et
de traitement efficace puissent en b�n�ficier, qu�ils vivent en France ou au
Botswana � (Les Echos, 1.12.99)
Pourtant, personne n�est plus dupe : au-del� de g�n�reuses d�clarations, �
aucun moment, l�OMS n�a r�ellement travaill� dans ce sens, bien au
contraire.
En novembre dernier, MSF (M�decins Sans Fronti�res), HAI (Health Action
International) et CPT (Consumer Project on Technology) organisaient �
Amsterdam une conf�rence sur l�acc�s aux m�dicaments essentiels, destin�e �
explorer, au sein d�un panel d�experts et d�organisations investis sur ces
questions, les perspectives d�un acc�s aux traitements indispensables �
antir�troviraux, notamment � pour les populations des pays en d�veloppement
: production locale de g�n�riquables, production sous licences obligatoires,
importations parall�les, segmentation des tarifs, etc. Deux jours apr�s
l'annonce par l'ONUSIDA des chiffres de l'�pid�mie, � la veille de la
journ�e internationale de lutte contre le sida et de l�ouverture des
ren�gociations de l�OMC � Seattle, l'OMS �ludait syst�matiquement la
question de l�acc�s aux antir�troviraux. En outre, ni G. H. Brundtland, ni
son directeur ex�cutif Michael Scholtz ne s�engageaient fermement � assumer
le mandat confi� � l�OMS au cours de l�Assembl�e Mondiale de la Sant� de mai
1999 pour d�fendre � Seattle les enjeux de sant� face aux int�r�ts
commerciaux � et garantir notamment le recours aux licences obligatoires et
aux importations parall�les pour les pays en d�veloppement.
Au cours de cette conf�rence, l'OMS d�non�ait l�inertie et l�absence de
moyens mis en �uvre pour traiter les malades de la tuberculose dans les pays
en d�veloppement. Elle semblait oublier que cette affection est la
principale maladie opportuniste li�e au VIH et touche un nombre croissant de
personnes s�ropositives. En refusant de d�velopper l�acc�s aux
antir�troviraux pour ces malades, elle reproduit ni plus ni moins une
politique contre laquelle elle pr�tend s�indigner.
Depuis plus de deux ans, aucune des initiatives men�es pour d�velopper et
acc�l�rer l�acc�s aux traitements dans les pays en d�veloppement ne trouve
de soutien aupr�s de l�OMS :
- ni les programmes d�acc�s lanc�s par des gouvernements d�Afrique, d�Asie
ou d�Am�rique latine,
- ni les tentatives de recourir aux dispositions pr�vues par les accords sur
la propri�t� intellectuelle (TRIPS pour produire) localement et � faible
co�t des traitements.
Aujourd�hui, l�OMS va jusqu�� red�finir le concept de m�dicament essentiel
sur la base de consid�rations avant tout �conomiques. Selon ses experts, les
m�dicaments essentiels seraient d�abord des traitements peu co�teux, et non
pas ceux indispensables � la survie des malades. Ainsi, l'OMS se trompe de
logique : elle discrimine les malades pauvres au lieu de remettre en cause
les prix prohibitifs pratiqu�s par l�industrie pharmaceutique. Ce que l�OMC
elle-m�me n�est pas parvenue � faire � Seattle, l�OMS le fait au gr� de sa
routine � Gen�ve : subordonner les imp�ratifs de sant� � des int�r�ts
commerciaux.
Tout porte � croire que l�OMS n�a ni libre arbitre, ni r�elles motivations �
d�fendre prioritairement les int�r�ts de la sant� publique et des
populations.
R�guli�rement les Etats-Unis pratiquent le m�me chantage sur l�OMS,
conditionnant le versement de leur contribution financi�re � des prises de
position qu�ils soutiennent. R�guli�rement, elle se soumet et collabore
activement. En t�moignent diff�rents �pisodes r�cents : le retrait des
d�bats de la Revised drug Strategy (EB105/36) lors de l�AMS en 1998, le
refus de soumettre aux Etats membres une r�solution pour l�acc�s aux
traitements contre le sida dans les Pays en d�veloppement, lors de l�AMS en
1999, l�absence de prise de position lors des d�bats � Seattle en d�cembre
1999.
- Dans son r�cent rapport sur le sida intitul� Faire face � l��pid�mie
(EB105/12), G. H. Brundtland prend d�lib�r�ment le parti de passer sous
silence certains enjeux de sant� fondamentaux. Pourtant, l�OMS ne peut pas
ignorer que de nombreux pays (Tha�lande, R�publique Dominicaine,
Philippines) font actuellement l�objet de pressions de la part de
l�administration am�ricaine et de l�industrie pharmaceutique au sujet des
licences obligatoires et de l�utilisation de g�n�riques. Alors qu�elle
devrait s�engager � assister ces pays, elle refuse de s�impliquer et de
jouer son r�le.
- Le partenariat public-priv� promu par G. H. Brundtland consiste avant tout
� soumettre les politiques de l�OMS � l�agenda et aux int�r�ts des
industriels, moyennant quelques op�rations de sponsoring ; et non pas �
d�fendre les enjeux de sant� et les populations d�munies. L�OMS � force de
compromis et d�opacit� se d�cr�dibilise.
La politique et les arguments de l�OMS concernant les m�dicaments �
essentiels �
Sa politique est simple : les traitements antir�troviraux ne sont pas
essentiels. D�s lors, nul besoin pour l�OMS de prendre part � la
mobilisation internationale et de peser dans la balance pour en permettre
l�acc�s aux populations.
La volont� de certains de ses hauts fonctionnaires de r�int�grer la lutte
contre le sida dans les murs de l�OMS, en favorisant �ventuellement la
disparition de l�ONUSIDA, est depuis longtemps tr�s claire ; et leur lobby
pour y parvenir plus actif que jamais. L�OMS aurait la solution : cr�er un
�ni�me bureau � Gen�ve, perdu dans la multitude. Poursuivre dans cette voie
que l�on sait depuis longtemps sans issue : vouloir pr�venir, mais refuser
de soigner. Eviter aux enfants d��tre contamin�s, tout en laissant mourir
leur m�re.
Tous les arguments sont bons pour tenter de justifier le caract�re �
non-essentiel � des antir�troviraux : efficacit� limit�e des traitements
actuels, difficult�s d�utilisation, mauvais �tat des syst�mes de sant� dans
les pays en d�veloppement, etc.
- Comment, dans le contexte actuel de l��pid�mie, peut-on s�interroger sur
les m�dicaments essentiels tout en �cartant le crit�re prioritaire qui les
d�finit : � ce dont les populations ont besoin pour survivre � ?
Les antir�troviraux sont les seuls m�dicaments qui permettent la survie des
personnes atteintes par le sida. En l�absence de toute autre alternative
th�rapeutique, ils ne peuvent qu��tre consid�r�s comme essentiels.
L�objectif de tout organisme engag� dans la sant� publique devrait �tre de
les mettre � disposition du plus grand nombre dans les plus brefs d�lais. Ce
qui ne dispense pas de recommandations d�utilisation et de prescription.
- Comment peut-on tirer argument des faiblesses des syst�mes de sant� dans
les pays en d�veloppement pour ne rien faire ?
La mobilisation d�efforts concrets en direction des syst�mes de sant�,
qu�aucune autre maladie n�a pu susciter jusqu�alors, le sida l�impose
d�sormais.
En outre, la vision caricaturale des pays en d�veloppement qui est
g�n�ralement propos�e est inacceptable. Les d�tracteurs de l�acc�s aux
antir�troviraux imaginent-ils ces pays comme de vastes terres d�sol�es,
plong�es dans l�obscurantisme et peupl�es de mis�reux ?
Dans tous les pays en d�veloppement, des m�decins d�livrent actuellement des
antir�troviraux. Cela ne concerne que quelques individus dot�s d�importants
moyens financiers ; cette prise en charge est naturellement faite dans le ou
les centres sanitaires d�excellence du pays ; mais cela se pratique
partout.
D�s lors, la question qui doit �tre pos�e est celle de la d�mocratisation de
l�acc�s : l�extension des capacit�s de prises en charge, la formation d�un
plus grand nombre de m�decins qui puissent r�pondre petit � petit aux
besoins en soins et traitements de la population. Ce qui implique
parall�lement de r�duire consid�rablement les co�ts des m�dicaments.
De plus, la situation �conomique et l��tat du syst�me sanitaire ne sont pas
identiques dans tous les pays en d�veloppement. L�OMS consid�re-t-elle que
les Antir�troviraux puissent faire partie de la liste des m�dicaments
essentiels pour les populations de certains pays � prenons par exemple le
Br�sil ou la Tha�lande � sans que cela soit le cas dans les pays voisins �
au Vietnam ou en Argentine ? L�OMS pense-t-elle qu�il y ait un seuil de
richesse et de d�veloppement sanitaire qui d�termine le caract�re essentiel
d�un traitement pour les populations ? Y a-t-il des pays o� l�aide
internationale peut venir en renfort pour d�velopper les structures
sanitaires et former le personnel m�dical de mani�re � lutter contre
l��pid�mie et d�autres pays, jug�s in�ligibles, o� l�on condamne la
population � mourir ?
Il est toujours plus facile de pr�texter l�impossibilit�, et ainsi ne rien
tenter, que de faire. C�est actuellement l�attitude de l�OMS. C�est pourquoi
elle refuse d�inclure les antir�troviraux dans sa liste et ach�ve de se
discr�diter.
Quelques questions � l�OMS :
Si les antir�troviraux sont inclus dans la liste des m�dicaments essentiels
:
- Pensez-vous vraiment que les gouvernements des pays en d�veloppement
soient inconscients au point de dilapider leurs budgets de sant� pour
acheter des antir�troviraux aussi longtemps que les prix resteront � ce
point prohibitifs et inadapt�s ?
- Ne pensez-vous pas que la pression s�exercerait alors plut�t sur les
leaders internationaux et les compagnies pharmaceutiques afin de les amener
� adapter les prix ?
Ne pensez-vous pas que l�inclusion des antir�troviraux � la liste des
m�dicaments essentiels constitue une �tape d�terminante qui permettrait de
faire avancer le d�bat sur les prix � un niveau international ?
- Ne pensez-vous pas qu�il rel�ve de la responsabilit� de l�OMS de jouer un
r�le clef pour atteindre ce but en formulant clairement les besoins
essentiels des populations ?
- Ne pensez-vous pas que le march� des m�dicaments doit s�adapter aux
priorit�s de sant� et non le contraire ?
- Ne pensez-vous pas que cela ferait enfin de l�OMS un acteur qui travaille
v�ritablement afin � que les gens qui ont besoin de pr�vention et de
traitement efficace puissent en b�n�ficier, qu�ils vivent en France ou au
Botswana � ?
Ga�lle Krikorian
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