[e-med] La Cour des comptes fustige le manque de rigueur de la politique du médicament (France)

[le grand ménage continue... peut-être bientôt une liste de médicaments
essentiels en France ? Bon weekend à tous. Carinne Bruneton]

La Cour des comptes fustige le manque de rigueur de la politique du
médicament(France)

08.09.11 | 12h40 • Mis à jour le 08.09.11 | 12h42

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Le scandale du Mediator et les nombreux rapports publiés depuis sa
révélation ont mis en lumière les limites et les dérives du système français
du médicament. La Cour des comptes, dans son rapport annuel sur la Sécurité
sociale publié jeudi 8 septembre, y ajoute son expertise.

S'intéressant à la maîtrise des dépenses de santé, elle estime, sévèrement,
que "le système d'admission au remboursement et de fixation des prix
apparaît insuffisamment rigoureux, peu transparent, pas assez encadré".
Pointant des situations plus favorables à certains médicaments qu'à
d'autres, c'est un système flou et mal coordonné qu'elle décrit.

En matière de fixation par l'Etat du prix des médicaments et de leurs
remboursements, le rapport détaille des "anomalies coûteuses", fruits de
compromis avec l'industrie pharmaceutique et de l'interprétation parfois
extensive des dispositions réglementaires. Le Mediator, par exemple, malgré
son service médical rendu jugé insuffisant, est resté remboursé à 65 %
jusqu'en 2009, date de son retrait du marché. La Cour s'était d'ailleurs
interrogée en 2006 sur ce cas, tient-elle à rappeler.

DES CRITÈRES DE FIXATION DES PRIX "IMPRÉCIS"

Dans son rapport, la juridiction regrette donc que des décisions
ministérielles puissent déboucher sur l'admission au remboursement de
médicaments, sans lien avec l'avis de la commission de la transparence de la
Haute Autorité de santé (HAS) sur l'intérêt thérapeutique – le service
médical rendu (SMR).

La cour relève d'ailleurs qu'alors que le ministre de la santé Xavier
Bertrand avait annoncé, en janvier, que ne seraient plus remboursés les
médicaments à SMR jugé insuffisant, sauf décision motivée, rien ne soit
encore acté. Elle en profite au passage pour critiquer la création en 2010
d'un taux de remboursement à 15 % pour des médicaments au SMR jugé
insuffisant – qui du coup restent en partie remboursés.

Le modèle de décision des prix des médicaments, lui, est jugé "très peu
contraignant" et "imprécis". La Cour estime les critères de fixation flous,
et regrette qu'ils dépendent plus d'une négociation entre le Comité
économique des produits de santé (CEPS), alors que l'innovation constatée
par rapport aux produits existants par la commission de la transparence de
la HAS devrait être décisive. Mais les juges financiers sont aussi sévères
avec cette dernière, estimant que la commission de transparence favorise
parfois des produits qui ne le méritent pas.

Elle critique, entre autres, la fixation des prix des "mee-too", ces
médicaments non innovants qui s'inspirent de produits déjà existants et dont
le niveau de prix n'est pas toujours lié à leur intérêt réel. C'est le cas
par exemple de l'anticoagulant Efient, très proche du Plavix, le médicament
le plus vendu en France. Pour en finir avec ce système, la juridiction
préconise la fixation d'un prix unique pour le princeps (le médicament
d'origine), le générique et le "mee-too". Elle suggère aussi un recadrage de
la politique contractuelle entre le CEPS et les industriels.

UN PROJET DE LOI BIENTÔT DÉBATTU

Le gouvernement ira-t-il plus loin dans la réforme du système ? Certes, le
ministre de la santé a prévu, avec le projet de loi qui sera bientôt débattu
à l'Assemblée nationale, des améliorations de taille, mais celles-ci se
concentrent sur la pharmacovigilance, les procédures de mise sur le marché
et les conflits d'intérêts. Elles ne s'attaquent pas de front à cette
question de la fixation des prix et des taux de remboursements.
Or il s'agit d'un levier à ne pas sous-estimer pour maîtriser les dépenses
de santé, surtout en période de déficit sans précédent de
l'assurance-maladie. Les dépenses de médicaments se sont élevées, en 2009, à
36 milliards d'euros, soit 18 % de plus qu'en 2004.

La Cour des comptes ne manque pas d'ailleurs de rappeler la particularité
française en la matière : une dépense certes moindre depuis quelques années,
mais toujours bien au-dessus de ses voisins européens. La France consomme
ainsi huit fois plus de tranquillisants que l'Allemagne. Un phénomène dû à
une culture de la prescription qui favorise les longues ordonnances et la
forte consommation de médicaments nouveaux et onéreux.

Pour limiter ces dépenses, la Cour insiste cette année sur la nécessité de
s'attaquer aussi aux "faiblesses persistantes" des mécanismes de régulation.
Elle juge ainsi les prescriptions des médecins de ville pas encore assez
maîtrisées. L'hôpital ferait encore moins bien: les juges financiers y
relèvent une "absence quasi totale de régulation". Ils s'inquiètent
également de l'essoufflement potentiel de la politique de prescription de
génériques.

Au final, logiquement, c'est à une "refonte d'ensemble de la politique
suivie depuis vingt ans […], en redéfinissant des règles plus claires et
précises" qu'appelle la Cour des comptes.

Laetitia Clavreul