* Penser aux coûts invisibles du sida
* L'Onusida évalue le coût de l'accès universel au traitement du VIH
AFRIQUE DE L'OUEST: Penser aux coûts invisibles du sida
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=74640
Les coûts indirects liés à l'épidémie de VIH/SIDA sont plus élevés que les
coûts directs, selon des économistes
COTONOU, 3 octobre 2007 (PlusNews) - Lorsque Wilfried Allogni, économiste à
l’Institut international d’agriculture tropicale, IITA, à Cotonou, au Bénin,
pense au poids des coûts non chiffrés des ravages de l'épidémie de VIH/SIDA
sur les personnes infectées et sur leurs ressources, notamment en milieu
rural, il en a presque le vertige.
« Pour être efficient dans la détermination des coûts réels du sida, il faut
tenir compte des coûts d’opportunités », a-t-il analysé, lors de la
conférence « De la recherche à l’action : réduire l’impact du VIH/SIDA sur
l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest », organisée
du 1 au 4 octobre à Cotonou, au Bénin.
Les coûts d’opportunités, ce sont entre autres les pertes de temps, la durée
de la maladie, le nombre de personnes mobilisées autour du malade, les
pertes de revenus en temps normal des personnes mobilisées et celles du
malade.
« Une caractéristique de la maladie du sida est qu’elle tue lentement mais
sûrement son hôte en épuisant tout le stock économique de ce dernier » a
souligné Bénoît Daoundo, coordonnateur sida de IFAD-ONG au Bénin, une ONG
qui lutte pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA.
Or « les politiques ne tiennent pas encore compte de ces coûts, ce qui peut
fausser les résultats en ce qui concerne les impacts réels de la maladie au
niveau de l’individu, du ménage, du village et de son pays », a regretté M.
Allogni, alors que « l’intégration des coûts indirects [permettrait] aux
gestionnaires des ONG et autres structures travaillant sur le VIH/SIDA de
cerner les coûts réels et de mesurer la portée des actions à entreprendre ».
Dans certaines communes du département du Couffo, dans le sud-ouest du
Bénin, les taux de prévalence dépassent près de sept fois la moyenne
nationale qui tourne autour de deux pour cent, et 95 pour cent de la
population vit de l’agriculture.
Dans la mesure où 85 pour cent des personnes vivant avec le VIH/SIDA au
Bénin sont âgés entre 15 et 49 ans, ce sont donc les forces productives qui
disparaissent, entraînant une baisse de la productivité déjà insuffisante
pour nourrir une population toujours plus importante –les coûts indirects
sont donc particulièrement ressentis dans les secteurs qui nécessitent une
forte main d’oeuvre, comme l’agriculture.
« En attaquant une personne productive, le sida amène les autres membres de
la famille à délaisser leur travail pour s’occuper des soins au malade, puis
à pleurer sa mort et à observer les rites d’enterrement et de veuvage qui
durent plusieurs mois, voire des années dans ce département, privant
l’agriculture d’une partie de la main d’œuvre », a rappelé un rapport de
IFAD-ONG, qui travaille avec les agriculteurs de Couffo.
Les coûts indirects sont « plus élevés que les coûts directs », a estimé M.
Allogni.
Ces coûts sont parfois tellement lourds que le malade doit trouver des
solutions, même désastreuses pour sa santé, pour les limiter, comme dans le
cas des frais engagés par les patients pour se déplacer jusqu’au centre de
traitement, souvent éloigné lorsque le malade vient d’une région rurale
isolée.
« En 2005, nous avons acheté des [bicyclettes] pour des associations de
personnes vivant avec le VIH, car nous avons constaté que des malades au
retour de l’hôpital allaient parfois vendre les vivres qu’on leur avait
donnés, afin d’honorer des dettes contractées pour assurer le déplacement »,
a expliqué M. Daoundo.
Il faudrait que « les partenaires mettent désormais l’accent sur les coûts
indirects en termes de traitement [du VIH/SIDA] et de lutte contre les
effets socio-économiques de la maladie, en prenant en compte toutes les
dimensions », a-t-il plaidé.
En Côte d’Ivoire Aman Marie Louise, point focal VIH au Centre national de
recherche agronomique à Abidjan, la capitale économique, a également
regretté l’absence de prise en compte des coûts indirects dans les
politiques de lutte contre le sida jusque là mises en oeuvre.
« Je pense que ces coûts sont plus élevés qu’on ne le pense. Il faudrait
réussir à les quantifier », a-t-elle affirmé.
Cette insuffisance est remarquée dans beaucoup de pays. Des travaux réalisés
par des chercheurs de l’IITA dans une dizaine de pays d’Afrique de l’Ouest
et du Centre permettent actuellement de mettre en route une approche devant
conduire à une évaluation économique des effets du VIH/SIDA sur les ménages.
« Il suffit de considérer l’activité menée par l’individu, soit le malade ou
le garde-malade dans le milieu. On évalue le coût de l’activité menée... ce
qui permet de dégager de façon estimative... les coûts indirects », a
expliqué M. Allogni.
Le défi est d’arriver à apprécier les niveaux d’importance de ces coûts dans
le manque à gagner général dû à l’épidémie, pour pouvoir orienter les
politiques, a-t-il estimé.
L’évaluation du coût réel de l’épidémie de VIH/SIDA est une question que se
pose souvent les économistes, et qui suscite des débats. Mais s’en tenir à
une évaluation chiffrée risquerait de passer sous silence des « coûts » qui
ne sont pas quantifiables, a analysé Abdou Ibrahima, conseiller technique
Sida à la GTZ, l’agence de coopération allemande, au Bénin.
Par exemple, il est « difficile d’évaluer vraiment ces coûts lorsque la
personne ne mène aucune activité avant sa maladie », a-t-il noté. « Les
coûts indirects entrent dans les coûts sociaux qui sont majoritairement
psychologiques. On tomberait dans la spéculation si on se mettait à les
évaluer ».
gc/ail