RDC : le Far West pharmaceutique, Sylvestre Saïti Nyota
Le Phare (Kinshasa), 10 Mai 2005
Au cours d'une rencontre tenue la semaine dernière sur les nouveaux enjeux du secteur pharmaceutique en Rdc, dans la salle Virunga de l'Hôtel Memling, le ministre de la Santé, le professeur Emile Bongeli a invité tous les opérateurs à mettre la main à la pâte afin de changer l'image de ce secteur qui ressemble aujourd'hui à une sorte de «Far West pharmaceutique».
Il a émis le voeu de voir le secteur pharmaceutique soumis à une éthique rigoureuse. Le laxisme, l'amateurisme, de même que les essais et erreurs ne sont pas ici tolérés car il n'y a pas de brouillon en cette matière. Il y va de la nécessité absolue de sauvegarder les vies humaines.
Le professeur Bongeli a expliqué que les maisons de vente en gros, au mépris de la loi et de la réglementation, vendent leurs produits à n'importe qui et font transporter des médicaments dans des sacs, mallettes voire bassins pour aller proposer aux prix de gros ces médicaments dans des pharmacies. Et de demander à un ceux qui le font d'arrêter cette pratique tout en en instruisant, pour ce faire, la Direction de pharmacie, médicaments et plantes médicinales de sévir.
Le directeur de la 3ème direction Pharmacie, Médicaments et Plantes médicinales, M. Franck Biayi a souhaité la bienvenu aux nombreux participants. Il a convié chacun à s'imprégner de la vision souhaitée à travers les exposés ayant trait au secteur pharmaceutique, donc à la santé publique. Il s'agit de sujets sur:»Accès au traitement par les antiretroviraux en Rdc dans le cadre de l'initiative 3 par 5: place de la direction de la pharmacie et du médicament» par la pharmacienne Thérèse Tshitende Malangu; «Révision de la politique de traitement du paludisme: Adoption de la combinaison Artesunate-Amodiaquine et défis» par le pharmacien Clément Wetejiwa Lofembe; «Problématique des approvisionnements en Rdc» par le Pharmacien Mbeke; enfin, «les aspects de droit de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et la santé publique» par Franck Biayi, Directeur de la 3ème direction en personne:
Réussite de l'initiative 3 par 5 Pour la première exposante, le déficit d'accès aux ARV a été déclaré comme une urgence sanitaire mondiale par l'Oms et l'Onusida. Ces organisations ont mis en route l'initiative ciblée, en fin 2003, en priorité pour sa mise en ouvre.
Pour évaluer les besoins en traitement ARV en RDC, quelques données de base en étude ont été prises en considération. Il s'agit de: la superficie, la frontière, l'estimation de la population et du pouvoir d'achat, la prévalence du VIH parmi les adultes tuberculeux, le nombre des personnes au stade avancé ayant besoin des ARV, le nombre des personnes sous ARV jusqu'en 2005. Il s'an dégage que la couverture en ARV est de 1,2%. Le coût du traitement revient à 29 $ US/jour/personne et donc 3485 $ US par an par personne pour un traitement de première intention. 56 structures sanitaires offrent un traitement en ARV, 113 médecins prescripteurs formés et 6 pharmaciens seulement dont un seul vient d'être engagé au sein du PNLMS.
Pour que ce programme réussisse, il faut renforcer le système national d'approvisionnement et la qualité des médicaments ARV, 10, IST ainsi qu'un réactif et un intrant de laboratoire; appliquer rigoureusement de bonnes pratiques de distinction et de stockage, respecter rigoureusement la réglementation pharmaceutique en vigueur, renforcer le système national d'assurance.
Thérèse Tshitende a noté que la Faculté de Pharmacie était capable d'analyser certains ARV. En plus, a-t-elle dit, à l'instar d'autres groupes de médicaments, les ARV sont susceptibles d'être falsifiés, décomposés, altérés, substitués. A cet égard, a-t-elle expliqué, les normes pharmaceutiques exigent un contrôle efficient et efficace à tous les niveaux du circuit de distribution. L'assainissement du secteur pharmaceutique demeure un défi à relever pour sécuriser le médicament. Tous les assistants en pharmacie ainsi que d'autres intervenants du système sanitaire doivent être formés en ARV et le gouvernement est appélé à participer financièrement à l'initiative à cause du faible pouvoir d'achat de sa population, malgré les dons reçus de l'extérieur.
Adoption de la combinaison Artésunate-Amodiaquine et défis Le second exposant a parlé de la nouvelle politique, la combinaison actuelle et lé défi à relever contre le paludisme. Il a expliqué que la révision du traitement du paludisme était justifiée par la tenue du forum de novembre 2001, interdisant l'usage de la chloroquine devenue inefficace et le recours à la SP (Sulfadoxine-pyri-méthamine) pendant deux ans en attendant les études de chimiosensibilité. Cette révision est également justifiée par la recommandation de l'OMS. Selon laquelle tout pays confronté à la chimiorésistance de la chloroquine, Armodiaquine et la SP doit passer aux ACT (Combinaison thérapeutique à base d'artémisinine).
Des études effectuées pour évaluer l'efficacité des antipaludiques en Rdc, ont confirmé la baisse de sensibilité) la SP en monothérapie et même en association contenant de la SP dans certains coins: plus de 25% d'échec.
Pour analyser des échantillons prélevés, l'autorité de réglementation a été responsabilisée pour le retrait du marché des produits non efficaces. Elle a eu à élaborer un plan d'élimination en concertation avec le PNAM (Programme national d'Approvisionnement Médicaments), le PNLP et les détenteurs des médicaments concernés.
Le troisième exposant a examiné la problématique des médicaments démontrant que l'approvisionnement en médicaments a marché de l'époque coloniale jusqu'en 1990. Il a indiqué qu'en 1976, à nos jours, le respect des structures pharmaceutiques n'est plus de mise. Les pillages ont affecté le secteur pharmaceutique. Raison pour laquelle, en 1997, le ministère de la Santé avait décidé l'élaboration d'une nouvelle politique pharmaceutique nationale recommandant la décentralisation de la distribution et la centralisation des acquisitions.
L'objectif général de cette politique était d'assurer un approvisionnement suffisant et un usage rationnel des médicaments essentiels génériques de bonne qualité, sûrs, efficaces et à des prix accessibles à la majorité de la population.
Dernier orateur, le directeur Biayi, a mis l'accent sur la mise en ouvre d'un certain nombre des normes par l'Organisation mondiale de commerce. Normes qui concernent les médicaments et les droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Parmi ces normes, le monopole de la vente et du contrôle des prix par les multinationales qui déterminent les brevets, avec comme conséquence le déficit en médicaments pour les populations pauvres, obligées d'intégrer les ADPIC sur les brevets des médicaments dans leur législation sur les brevets.
Résultat: les pays en développement recourent à l'importation parallèle. Celle-ci consiste à importer d'un pays où le même produit breveté dans un autre pays est vendu à moins cher que dans le pays d'importation. La RDC n'a pas encore intégré des ADPIC, en rapport avec la loi sur la propriété intellectuelle de 1982. Pour y parvenir, la RDC doit entreprendre un certain nombre d'actions. Entre autres le renforcement de l'autorité de réglementation dans la lutte contre la contrefaçon et la vente illicite des médicaments, l'adoption des lois sur les brevets avec les ADPIC. Pour terminer, le Directeur Biayi, a déclaré que la RDC ne peut avoir des médicaments que si elle commençait à adapter ces lois et à nettoyer le secteur pharmaceutique.