[e-med] �tat et assurance maladie dans les pays africains.

E-MED: �tat et assurance maladie dans les pays africains.
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�tat et assurance maladie dans les pays africains.

Communication aux XXVI�me Journ�es des �conomistes fran�ais de la sant�
CERDI, Clermont-Ferrand, 9-10 janvier 2003

ALAIN LETOURMY (CERMES, CNRS)
letourmy@vjf.cnrs.fr

Introduction

La question du financement de la sant� constitue aujourd�hui un th�me
prioritaire pour les partenaires du d�veloppement. Corr�lativement, les
gouvernements des pays concern�s en tirent des �l�ments de programme
figurant dans les r�formes qu�ils ont engag�es.

Pour les partenaires du d�veloppement, cela repr�sente une �volution
significative des axes de la coop�ration dans le secteur de la sant� ou de
la protection sociale. Par exemple, la Coop�ration fran�aise s�est longtemps
sp�cialis�e dans l�appui � l�offre de soins, notamment � l�offre
hospitali�re et dans un appui � la sant� publique, cibl� sur certaines
pathologies. Dans ce cadre elle a contribu� � la cr�ation et � la
revitalisation d��tablissements, � la formation de personnels de tous
niveaux et � l�assistance directe � la distribution de soins et � la
pr�vention. Elle a �volu�, en prenant acte de la vanit� du seul appui � l�
offre, lorsque le financement de la demande est insuffisant. En mati�re de
financement, elle pr�te une attention particuli�re aux mutuelles de sant�.
Autre exemple significatif, le BIT qui s�est longtemps cantonn� dans la
promotion de la couverture du risque maladie par des r�gimes classiques de
S�curit� sociale, met d�sormais en avant l�importance de l�extension de la
protection sociale dans la lutte contre la pauvret�. De ce fait, il s�
int�resse � la couverture maladie dans le secteur de l��conomie informelle
et fait la promotion de la micro assurance de sant�, dont les modalit�s d�
organisation tranchent avec celles des r�gimes de S�curit� sociale, r�serv�s
au secteur de l��conomie formelle. La Banque mondiale enfin attache de l�
importance au d�veloppement de dispositifs de financement de la sant�, mais
avec des plaidoyers de contenu variable selon les d�partements. La lutte
contre la pauvret� y trouve des applications. La gestion du risque int�resse
certains de ses experts, mais la promotion de formes priv�es de couverture
maladie et d�un march� de l�assurance rejoint aussi une pr�occupation de
limitation des fonctions �tatiques que d�autres n�ont pas abandonn�e.

Pour les gouvernements des pays en d�veloppement, le financement est devenu
un ingr�dient essentiel des r�formes et chaque pays a �videmment sa vision
du probl�me. Toutefois, on ne peut pas s�emp�cher de remarquer l�engouement
des �tats pour l�assurance maladie qui, sous des formes diverses (micro
assurance sant�, mutuelles, r�gimes obligatoires) figure dans l�agenda
politique de la plupart des gouvernements. A cet �gard, deux aspects de la
relation de l��tat avec l�assurance maladie m�ritent d��tre distingu�s.

Le premier renvoie aux choix de la politique de financement : quelle place
les gouvernements donnent-ils � l�assurance maladie ? Quelles formes,
assurance obligatoire ou volontaire, assurance publique ou priv�e,
privil�gient-ils ? Comment articulent-ils ce mode de financement avec d�
autres, issus notamment du budget de l��tat et destin�s entre autres aux
indigents ? La premi�re partie de cette communication traitera sommairement
du processus qui a conduit les �tats � promouvoir et/ou mettre en place des
r�gimes d�assurance maladie.

Mais un autre aspect de la relation de l��tat avec l�assurance maladie est
le r�le pratique jou� par les pouvoirs publics par rapport aux r�gimes
existants et en gestation. On se place l� en aval des options politiques,
suppos�es fix�es et l�on veut analyser comment l��tat met en �uvre, aide ou
freine les dispositifs concrets qui donnent acc�s � une couverture maladie
de type assurantiel. La seconde partie de la communication portera sur ce
r�le de l��tat comme acteur du processus de d�veloppement concret de l�
Assurance maladie.

Les exemples cit�s seront pour l�essentiel tir�s d�observations r�alis�es en
Afrique et les pays d�Afrique de l�ouest francophone seront privil�gi�s dans
cet ensemble.

Premi�re partie : l�assurance maladie dans la politique de financement de la
sant�.

1- L��mergence de l�assurance maladie comme technique de financement

Il n�est pas n�cessaire de rappeler ici que le financement de la sant� dans
les pays en d�veloppement souffre de deux d�fauts majeurs : il est
insuffisant et il est inefficient. La question du montant des ressources qui
peuvent �tre consacr�es � la sant� en g�n�ral et aux soins m�dicaux en
particulier d�passe largement celle du contenu de la politique de
financement du secteur de la sant� que peuvent �laborer les �tats. Elle ne
sera r�solue de fa�on durable qu�en fonction de la r�ussite d�un processus
g�n�ral de d�veloppement, m�me si elle peut recevoir une r�ponse partielle
avec la d�marche de remise de la dette qui devrait donner aux �tats une
marge de man�uvre non n�gligeable pour am�liorer le financement des secteurs
de l��ducation et de la sant�. En attendant cette manne, lorsqu�on parle
aujourd�hui de politique de financement de la sant�, on doit rester modeste
en termes d�objectif d�augmentation des ressources apport�es au secteur. Non
pas qu�on ne puisse viser, � travers une politique coh�rente, un apport
int�ressant de ressources que certaines cat�gories d�agents affecteraient
aujourd�hui � d�autres activit�s et qu�ils seraient pr�ts � d�placer en
faveur des soins. Mais cet apport restera probablement marginal et c�est
bien un objectif d�am�lioration de l�efficience du financement qui para�t le
mieux caract�riser les politiques mises en �uvre dans la plupart des pays.
En d�autres termes, il s�agit de faire mieux avec ce qui est disponible, en
esp�rant simplement un l�ger suppl�ment de ressources d�clench� par le choix
de dispositifs ad�quats. A cet �gard, l�int�r�t marqu� pour l�assurance
maladie refl�te en partie l�id�e qu�avec cette technique de financement, on
va gagner beaucoup en termes d�efficience et un peu en termes de quantit� de
ressources consacr�es au secteur.

Les avantages techniques de l�assurance maladie sont connus et donnent
traditionnellement lieu � un plaidoyer qui n�est pas toujours l�gitime. Dans
les pays africains, on attend de cette technique d�abord un abaissement de
la barri�re financi�re d�acc�s aux soins, gr�ce � la mutualisation des
ressources et du risque qu�elle r�alise. On en attend simultan�ment la
solvabilisation de la demande, qui doit �tre un facteur d�am�lioration du
financement des �tablissements, en particulier des h�pitaux de deuxi�me et
troisi�me niveau. Corr�lativement, la qualit� des soins doit profiter de la
s�curisation des ressources du secteur. On en attend enfin une r�duction des
in�galit�s � travers une redistribution op�rant au niveau des cotisations.

Cet expos� sommaire pose d�j� un grand nombre de questions, notamment �
propos du dernier apport potentiel de l�assurance, qui fait explicitement
r�f�rence � des formes d�assurance sociale ou d�assurance maladie fond�es
sur la solidarit�. On est d�j� entr� l� dans un d�bat qui d�passe les
simples techniques d�assurance et l�on ne pourrait continuer dans un
registre g�n�ral sur les avantages de l�assurance maladie, sans distinguer
les modes d�organisation de l�assurance maladie et les configurations
institutionnelles qu�elle peut inspirer. On reviendra sur ces questions de
fa�on plus pragmatique dans la suite de la communication. Mais on ne peut
�videmment pr�senter l�assurance maladie comme technique d�int�r�t g�n�ral
pour le financement de la sant� sans �voquer ses limites, qui conditionnent
la mani�re de la d�velopper. On songe bien s�r � la s�lection des risques, �
la s�lection adverse et au risque moral que les �conomistes connaissent
bien. Mais il faut surtout revenir ici � deux probl�mes fondamentaux qui
sont la n�cessit� de trouver une base contributive pour les r�gimes, qu�ils
soient publics ou priv�s et la n�cessit� de construire les garanties en
fonction de l�ensemble des prestataires de soins disponibles et de la
qualit� des services qu�ils rendent. Ces deux caract�ristiques techniques de
l�assurance maladie sont de v�ritables contraintes dans les pays en
d�veloppement et limitent singuli�rement l�int�r�t de cette forme de
financement. Si l�assurance maladie est d�velopp�e en fonction de la
capacit� contributive de la population et de la possibilit� de faire soigner
les assur�s dans des formations de sant� dispensant des services de bonne
qualit�, il n�est pas �vident qu�elle ait un champ d�application tr�s
�tendu. Il n�est pas �vident non plus que sa promotion ne renforce pas les
in�galit�s, en excluant les m�nages les moins favoris�s et les zones o� l�
offre de soins est inexistante, incompl�te ou peu recommandable.

Ces premiers �l�ments font penser que ce ne sont pas uniquement les aspects
techniques de l�assurance maladie qui permettent de comprendre la place qu�
elle a prise dans les politiques de financement, ni les formes qui sont
actuellement privil�gi�es. En fait la plupart des argumentaires officiels s�
en tiennent aux avantages techniques potentiels et renvoient le traitement
des inconv�nients aux processus pratiques de mise en place. Cette posture ne
peut �videmment pas faire long feu et les r�formes ne peuvent g�n�ralement
pas occulter, au niveau des principes, la question des cat�gories de
population qui ne peuvent contribuer, ni celle de l�effort � accomplir pour
que l�offre de soins soit au niveau des attentes des assur�s et des
garanties qui leur sont promises.

2- L�assurance maladie et l��volution des orientations des politiques de
financement

Pour mieux cerner l�int�r�t manifest� par les �tats pour l�assurance
maladie, il est utile de rappeler succinctement comment a �volu� le
financement de la sant� dans la plupart des pays en d�veloppement. Ce
faisant, on verra que l�assurance maladie est aussi le r�sultat d�une s�rie
d��checs et de d�convenues. D�une certaine fa�on, elle appara�t comme un
recours apr�s que diverses formes de financement aient �chou� ou montr�
leurs limites. Cela est particuli�rement vrai lorsqu�on s�int�resse � l�
assurance maladie volontaire et � la vogue de la micro assurance de sant�.
Toutefois, il faudra aller un peu plus loin pour rendre compte de la
r�surgence de l�assurance obligatoire.

Historiquement, le mode dominant de financement de la sant� a longtemps �t�
la dotation budg�taire de l�offre publique, ce qui donnait � l��tat un r�le
tr�s extensif de payeur et de producteur de services. Dans la plupart des
pays africains, apr�s les Ind�pendances, l�id�e g�n�reuse de financer
directement les formations de sant� et de ne pas faire payer les malades
faisait envisager une couverture maladie universelle. En fait elle n�a
jamais �t� v�ritablement op�rationnelle, mais a constitu� la premi�re
r�f�rence en mati�re de politique de financement. En pratique d�autres modes
de financement ont coexist� avec ce financement budg�taire public, mais ils
�taient sans doute secondaires. Il y avait un paiement direct des patients
dans les formations priv�es, � but lucratif ou non, la plupart des
�tablissements caritatifs demandant des contributions modestes. Il y avait
aussi dans certains pays des r�gimes de S�curit� sociale pour les
travailleurs salari�s, qui constituaient l�h�ritage du pass� colonial, mais
peu d�entre eux couvraient compl�tement le risque maladie (Guin�e, Mali,
S�n�gal). Pour l�essentiel, toute personne devait pouvoir se faire soigner
gratuitement dans les centres de sant� ou les h�pitaux publics. La condition
de viabilit� de ce dispositif �tait double : que l��tat consacre une
dotation budg�taire suffisante au fonctionnement de l�offre publique et
veille � investir pour �viter qu�elle ne se d�grade ; que les formations
publiques g�rent correctement leur dotation et se mettent au service des
patients.

La politique privil�giant le financement budg�taire public s�est d�lit�e et
le principe de gratuit� a d� �tre assez vite mis en cause. Fondamentalement
la double condition de viabilit� �nonc�e ci-dessus n�a pas �t� respect�e.
Les �tats n�ont pas d�gag� un financement budg�taire suffisant, ni pour le
fonctionnement, ni pour l�investissement, et l�ajustement structurel a
accentu� de fa�on dramatique le probl�me. Les agents de sant� et les
gestionnaires des �tablissements publics n�ont pas mis non plus les
ressources au service des usagers. Le secteur public des soins s�est
d�t�rior� et il a fallu le soutenir physiquement et financi�rement. La part
prise par les partenaires du d�veloppement dans ce soutien s�est accompagn�e
d�une r�vision des principes de financement. L�id�e de tarification
partielle des services a fait son chemin et des tarifs officiels sont
apparus dans les centres de sant� et les h�pitaux. En m�me temps les autres
formes de financement qui coexistaient ont connu des fortunes diverses. Dans
certains pays, les r�gimes de S�curit� sociale existant se sont effondr�s du
fait d�une mauvaise gestion. A peu pr�s partout, il est devenu probl�matique
que l�extension de la couverture au risque maladie soit r�alis�e dans les
organismes de S�curit� sociale, en tout cas sous la forme h�rit�e du pass�
colonial. En fait le d�veloppement de l�assurance maladie au sein du secteur
de l��conomie formelle s�est alors effectu� de fa�on tr�s d�centralis�e
(mutuelles d�entreprise, contrats priv�s), y compris lorsque l��tat lan�ait
un r�gime obligatoire (cas des Instituts de pr�voyance maladie, les IPM, au
S�n�gal). Pour les fonctionnaires, l��tat a le plus souvent cr�� un r�gime
non contributif d�assurance maladie couvrant uniquement le gros risque, en
laissant un ticket mod�rateur de l�ordre de 20% aux malades (Mali, S�n�gal,
Burkina, B�nin). Dans certains cas des mutuelles � adh�sion obligatoire ont
�t� cr��es (C�te d�Ivoire).

Dans la situation qui vient d��tre d�crite, le partage du financement se met
en place, mais l��tat reste en th�orie le principal pourvoyeur de ressources
et il reste le premier producteur de services. On sait que cette situation n
�a pas pu durer non plus. Le syst�me de soins s�est encore d�grad�. La
tarification a engendr� la surtarification, sans garantie pour les malades
de trouver des m�dicaments ou d��tre soign� correctement. Les partenaires du
d�veloppement ont alors �uvr� pour que le financement donne une part plus
explicite aux usagers, mais aussi pour que l�organisation de l�offre s�en
trouve effectivement am�lior�e et qu�elle passe partiellement sous le
contr�le des communaut�s. On trouve l� les principes de l�Initiative de
Bamako (IB), lanc�e � partir de 1985, d�abord pour trouver une solution au
probl�me de la disponibilit� du m�dicament. Elle repose sur le recouvrement
des co�ts, la d�centralisation et la rationalisation de l�organisation, la
participation des repr�sentants des usagers � la gestion. L�IB officialise
le partage de financement du secteur public des soins entre les m�nages et l
��tat et rogne apparemment les pr�rogatives de l��tat en mati�re de contr�le
et de gestion du secteur. Toutefois, elle ne dispense pas l��tat d�un effort
budg�taire et laisse en pratique les d�cisions � l�administration. D�une
certaine fa�on, l�IB est une forme de privatisation du financement et de la
distribution de soins, mais tr�s partielle. En fait l�augmentation de la
part du financement des m�nages s�est op�r�e aussi � l�ext�rieur du secteur
public, avec le d�veloppement d�une offre priv�e d�origine communautaire
(Mali) ou support�e par des ONG, qui a elle aussi conduit � la diffusion du
paiement direct. Dans ce secteur, un certain nombre d�exp�rimentations ont
�t� conduites en mati�re de financement et ont donn� une existence concr�te
� la d�marche de mutualisation des ressources : formes de pr�paiement,
�pargne sant�, mutuelles. L�id�e selon laquelle le financement priv� pouvait
�tre organis� s�est ainsi impos�e petit � petit.

La politique de recouvrement des co�ts a montr� ses limites et son relatif
succ�s en mati�re de mise � disposition du m�dicament n�a pas emp�ch� l�
expression de diverses critiques, notamment sur les th�mes du renforcement
des in�galit�s et de l�incapacit� du paiement direct � donner acc�s aux
soins hospitaliers plus co�teux. Sur le premier point, les populations
attendaient plus de l��tat ; sur le second, elles sont devenues plus
r�ceptives � l�id�e d�assurance. C�est dans ce contexte - et aussi en
fonction de l�insatisfaction chronique de la population � l��gard du secteur
public des soins et des fonctionnaires � l��gard de la couverture maladie
non contributive dont ils �taient cens� b�n�ficier � que de nombreux
promoteurs de mutuelles sont sortis de la soci�t� civile et ont cherch� �
organiser un mode de financement qui soit � la fois efficace et d�gag� de l�
emprise de l��tat et de l�administration. Les bases de l�assurance maladie
volontaire se sont peu � peu consolid�es, au moins au niveau des plaidoyers.
Dans certains pays (Mali, S�n�gal), l��tat a appuy� ce mouvement. Dans d�
autres, des ONG ou organismes ext�rieurs ont fourni un appui et l��tat est
rest� indiff�rent (Burkina, B�nin, Guin�e). Les partenaires du d�veloppement
ont largement contribu� � diffuser l�id�e que la micro assurance �tait
adapt�e � toutes les cat�gories et notamment au secteur de l��conomie
informelle et constituait ainsi un outil de lutte contre la pauvret�. De
nombreux projets ont �t� financ�s, qui promouvaient une organisation priv�e
du financement fond�e sur l�assurance maladie, ce qui devait avoir
simultan�ment pour effet de favoriser l�essor de la d�mocratie dans les pays
en d�veloppement. Apparemment, le r�le de l��tat �tait secondaire dans ce
d�veloppement et, d�une certaine fa�on la politique de financement
commen�ait � lui �chapper.

3- La situation actuelle de l�assurance maladie dans la politique de
financement

L�essor des mutuelles ou de la micro assurance de sant� ne doit pas induire
un jugement erron�, ni sur leur place dans le syst�me de financement, ni sur
la relation entre l��tat et l�assurance maladie.

Il est sans doute trop t�t pour �valuer l�impact de l�assurance maladie
volontaire sur l�acc�s aux soins ou sur la performance de l�offre de soins.
Un tr�s grand nombre de projets sont en cours et l�on commence aussi �
analyser les conditions de leur succ�s. Parmi ces conditions, le r�le de l�
�tat fait l�objet d�un consensus et, dans la plupart des pays, des efforts
sont faits pour qu�il puisse tenir ce r�le. La seconde partie de cette
communication donnera une id�e du chemin � parcourir. Toutefois, il faut
reconna�tre qu�il y a peu de pays o� le d�veloppement de l�assurance maladie
volontaire, sous la forme de mutuelles ou non, r�unisse suffisamment d�
effectifs pour avoir un impact sur le financement du syst�me, sur l�acc�s
aux soins de l�ensemble de la population et sur la qualit� des services. On
observe par ailleurs que la question des indigents revient continuellement
dans les d�bats sur les r�gimes volontaires et que l�appel fait � l��tat en
ce domaine, aussi bien par les experts que par la population, est constant.
De m�me, la capacit� de l�assurance volontaire � faire face seule � des
probl�mes comme la prise en charge des traitements pour le VIH est douteuse.
Ainsi, la situation actuelle se caract�rise :

- par la reconnaissance de l�importance de l�assurance maladie et la volont�
de nombreux groupes de la d�velopper
- par une demande renouvel�e � l��tat pour traiter des probl�mes qui
renvoient plut�t � la solidarit� nationale
- par le maintien des formes existantes de financement (budget, paiement
direct) qui ne sont pas forc�ment devenues plus efficaces.

Ainsi la place de l�assurance maladie est probablement plus importante dans
les discours ou dans les projets que dans les faits et la politique de
financement cherche une coh�rence dans de nombreux pays. Ce contexte peut
expliquer que les r�gimes obligatoires soient revenus en gr�ce aux yeux de
plusieurs gouvernements. L�id�e de mettre en place l�assurance maladie
obligatoire a en effet plusieurs avantages : elle redonne � l��tat un r�le
de premier plan et ne laisse pas la technique aux seuls groupes issus de la
soci�t� civile ; elle r�pond � une partie des demandes faites � l��tat,
notamment par les fonctionnaires ; elle maintient quand m�me le cap du
d�sengagement budg�taire dans le financement qui pla�t � de nombreux
bailleurs. A la limite, l�assurance maladie obligatoire peut tout r�soudre,
c�est la loi sur l�Assurance maladie universelle (AMU) en C�te d�Ivoire. De
toute fa�on, elle doit �tre d�velopp�e ou r�am�nag�e pour le secteur de l�
�conomie formelle : c�est la position du S�n�gal, du Mali notamment ou
encore de la Tanzanie en Afrique de l�est.

L��volution et la relative clarification de la relation de l��tat avec l�
assurance maladie ne signifient pas pour autant que son positionnement
pratique est r�alis�, comme on va le voir dans la seconde partie.

Deuxi�me partie : les relations pratiques de l��tat avec l�assurance maladie

Il est utile de parler des relations pratiques de l��tat � propos d�
assurance maladie, pour plusieurs raisons. La premi�re est que la
p�rennisation des r�gimes d�assurance maladie n�est pas seulement une
question technique et d�pend de fa�on significative des acteurs et des
institutions qui en seront les promoteurs et les supports. Cette remarque ne
vise pas � minimiser l�importance des aspects techniques de l�assurance
maladie, ni des formations qui sont organis�es pour faire conna�tre les
probl�mes pos�s par sa mise en place et les solutions g�n�ralement
pr�conis�es pour les r�soudre. Sur ces points, les pays africains doivent
b�n�ficier d�un transfert de savoir-faire et plusieurs disposent d�j� d�un
vivier de professionnels susceptibles de g�rer les r�gimes obligatoires ou
volontaires. Il reste que ces ressources humaines doivent �tre mobilis�es
dans des institutions et en fonction de principes d�organisation qui
r�sultent de l�interaction de nombreux acteurs. L�histoire des r�gimes d�
assurance maladie des pays du nord est l� pour attester de la complexit� et
de la longueur du processus qui a abouti � la couverture actuelle, dont le
niveau est globalement satisfaisant en d�pit des tensions que conna�t la
protection sociale dans les pays d�velopp�s. De m�me les difficult�s
rencontr�es par les r�gimes obligatoires ou volontaires des pays en
d�veloppement pour atteindre un niveau de fonctionnalit� et d�efficacit�
correct sugg�rent le poids de rapports sociaux et l�importance du jeu d�
acteurs qui se d�roule autour de l�assurance maladie.

  Une deuxi�me raison pour traiter du r�le de l��tat comme partie prenante du
processus de d�veloppement de l�assurance maladie est qu�il y repr�sente,
dans tous les cas de figure, un acteur important, voire fondamental. C�est �
peu pr�s �vident lorsqu�il s�agit de r�gimes publics � caract�re obligatoire
; ce l�est peut-�tre moins lorsqu�on parle de r�gimes priv�s volontaires,
comme ceux qui sont organis�s par les mutuelles de sant�. Il est d�ailleurs
n�cessaire de tirer toutes les cons�quences de ce que le r�le de l��tat est
variable selon le type de r�gime, public ou priv�, tant du point de vue des
fonctions que l�administration doit assurer que de la fa�on de les exercer.
Dans les pays industrialis�s, on peut dire que ce r�le est aujourd�hui assez
bien codifi�, compte tenu de ce qu�il y a eu plusieurs d�cennies de
relations entre l��tat et les r�gimes d�assurance maladie publics ou priv�s.
La situation est assez diff�rente dans les pays en d�veloppement et
particuli�rement en Afrique.

  C�est pr�cis�ment la troisi�me raison de traiter du r�le pratique de l�
�tat, pour s�int�resser � la sp�cificit� des pays africains. La question se
pose en effet de l�adaptation de l�organisation de l�assurance maladie aux
soci�t�s des pays en d�veloppement. Constater que l��tat ne con�oit pas son
r�le de la m�me mani�re que dans les pays du nord d�bouche sur deux types de
consid�rations : d�une part des consid�rations de type normatif qui
conduisent � s�interroger sur les cons�quences de cette diff�rence, en
termes d�efficacit� du fonctionnement de l�assurance maladie ; d�autre part,
des consid�rations plus analytiques, visant � comprendre pourquoi il en est
ainsi et quelle relation de l��tat � l�assurance maladie est coh�rente avec
l�organisation sociale et politique des pays africains.

1- Le r�le de l��tat : un cadre d�analyse pour les pays en d�veloppement

Par rapport � un r�gime d�assurance maladie, l��tat a plusieurs domaines
possibles d�intervention dans les pays en d�veloppement. Ils ont trait :

    - � la cr�ation du r�gime
    - � la d�finition de sa configuration
    - � l�appui � sa mise en place
    - � son fonctionnement et sa r�gulation
- � la tutelle et au contr�le

Le r�le en mati�re de cr�ation et de d�finition de la configuration d�un
r�gime

En vue de la cr�ation d�un r�gime, l��tat peut prendre des initiatives et
�tre en quelque sorte le promoteur d�un produit, d�un dispositif d�assurance
ou d�un organisme qui en sera le support.

Il peut aussi aller plus loin, en d�finissant la configuration originelle du
r�gime. Dans ce cas, il fixera les param�tres fondamentaux de ce r�gime, en
indiquant quelles seront les personnes couvertes, les risques couverts et la
garantie. Par exemple, il assignera au r�gime l�objectif de couverture des
seules personnes officiellement actives qui cotiseront, de leurs enfants et
conjoints qui seront leurs ayant-droits, des retrait�s de cette cat�gorie
qui continueront � cotiser et de leurs ayants-droit. Il limitera les
prestations du r�gime � la prise en charge des soins hospitaliers avec
h�bergement et imposera un co-paiement par jour d�hospitalisation. Il pourra
aussi indiquer selon quelle organisation sera g�r� le r�gime, comment les
cotisations seront collect�es et comment seront r�mun�r�s les prestataires
de soins qui passeront convention avec le r�gime.

Le r�le d�appui � la mise en place

La mise en place d�un r�gime d�assurance maladie demande de suivre une
d�marche dans laquelle l�appui de l��tat est important.

En premier lieu, il s�agit de fixer dans la loi la possibilit� d�existence
du r�gime et les caract�ristiques qui ont �t� d�finies par la puissance
publique. Pour un r�gime obligatoire, il s�agira d�une loi cadre, comme, par
exemple, la loi ivoirienne portant cr�ation de l�AMU, puis de d�crets d�
application. Pour les r�gimes volontaires, le cadre l�gislatif et
r�glementaire renverra soit � un corpus g�n�ral existant (par exemple, un
code des assurances), soit � des dispositions particuli�res (par exemple un
code de la mutualit� comme celui du Mali). Le cadre l�gislatif et
r�glementaire est un �l�ment essentiel pour la mise en place et le
d�veloppement d�un r�gime. Il fixe les droits et obligations respectifs des
assur�s et des organismes assureurs, �vitant ainsi que la d�marche
contractuelle qui va �tre mis en �uvre entre eux se d�veloppe de fa�on
incoh�rente et au d�triment de l�une des parties. Des questions comme l�
agr�ment des organismes gestionnaires, la viabilit� financi�re du r�gime,
les obligations d�information des assur�s ou de comptes-rendus aux cotisants
et aux pouvoirs publics ne sont d�finies syst�matiquement que dans ce cadre,
ce qui indique bien le caract�re strat�gique de cette fonction r�galienne de
fixation du Droit dans ce domaine. En outre, la promulgation de textes
juridiques est en soi un �l�ment de promotion des r�gimes d�assurance
maladie. C�est la manifestation la plus directe de la volont� d�encourager
le financement assurantiel de la sant�. Manifestation qui peut d�couler d�un
engagement de campagne �lectorale, comme en C�te d�ivoire, mais qui peut
aussi repr�senter un signe fort comme dans le cas du Mali, o� le code de la
Mutualit� a �t� l�expression claire d�une incitation � d�velopper des
mutuelles de sant�.

  L��tat a aussi la possibilit� de fournir des ressources �conomiques aux
r�gimes qui se mettent en place et cette mise � disposition de moyens est un
�l�ment d�incitation et de faisabilit� du projet. La d�marche la plus
directe consiste � subventionner le r�gime. Dans le cas d�un r�gime
obligatoire, l��tat va pr�voir des lignes budg�taires permettant d�effectuer
les divers investissements qui vont permettre de rendre le r�gime
fonctionnel (C�te d�Ivoire). La dur�e de vie de ces lignes est variable et
fait partie des param�tres qui auront �t� d�finis au moment du lancement.
Ainsi l��tat peut adopter le principe d�une dotation permanente au r�gime,
mais il peut aussi envisager que le r�gime soit autonome et ne fournir qu�
une subvention de montage de l�institution. Dans le cas d�un r�gime
volontaire, le second cas de figure est commun�ment envisag�, mais certaines
situations peuvent entra�ner un soutien sous forme de fourniture de locaux
gratuits et de personnel mis � disposition (Mali). A c�t� de l�appui
financier direct, l��tat peut utiliser l�outil fiscal pour favoriser le
fonctionnement et le d�veloppement d�un r�gime. Cette utilisation correspond
� la reconnaissance de l�utilit� publique de l�assurance maladie et consiste
� donner aux assur�s un avantage qui est en m�me temps un manque � gagner
pour l��tat. Pour les r�gimes obligatoires, les cotisations seront
enti�rement ou partiellement d�ductibles du revenu des personnes. Pour les
r�gimes volontaires, la cotisation ou la prime ne seront pas tax�es, ce qui
permettra de fournir le service d�assurance � un prix moindre.

  En dernier lieu, l�action facilitatrice de l��tat va s�exercer au niveau
des relations entre les r�gimes et les prestataires de soins. En d�autres
termes, l��tat peut jouer un r�le d�cisif dans le processus de
contractualisation entre les organismes d�assurance et les professionnels et
les formations de sant�. Cette action est diff�rente selon qu�il s�agit de
prestataires de soins du secteur public ou du secteur priv�, de r�gimes
obligatoires ou volontaires. Dans le cas d�un r�gime obligatoire, le secteur
public des soins peut difficilement ne pas passer convention avec l�assureur
et le r�le de l��tat est apparemment simple. Il reste toutefois aux pouvoirs
publics � avoir une action coh�rente et �quilibr�e � l��gard d�institutions
qui sont, plus ou moins directement, sous son autorit�. En revanche la
relation du r�gime obligatoire avec les prestataires de soins priv�s peut
�tre facilit�e par l�interm�diation des pouvoirs publics, qui peut notamment
accorder aux professionnels des avantages financiers s�ils acceptent de
passer convention avec un r�gime. Dans le cas d�un r�gime volontaire, c�est
l�intervention de l��tat aupr�s des professionnels du secteur public des
soins qui peut constituer son apport essentiel. Alors que ces derniers
peuvent refuser les exigences du r�gime volontaire, s�il est de statut
priv�, l��tat peut appuyer ce r�gime lorsque ses exigences vont dans le sens
de la politique qu�il veut mettre en �uvre au sein des formations publiques.
L�exemple type est celui de l�interm�diation de l��tat entre les mutuelles
et les agents des formations publiques qui refusent de respecter la
tarification n�goci�e ou d�atteindre le niveau de qualit� des services que
les mutualistes attendent.

  L�intervention de l��tat sur le fonctionnement des r�gimes, les r�les de
r�gulation, de tutelle et de contr�le

L��tat peut �tre le gestionnaire d�un r�gime, soit directement, soit
indirectement � travers une d�l�gation � un op�rateur public ou priv�. Il
intervient alors dans le fonctionnement courant du r�gime, de fa�on plus ou
moins �tendue.

Il a aussi la possibilit�, sans intervenir vraiment dans le fonctionnement d
�un r�gime, de le r�guler en modifiant sa configuration ou son mode d�
organisation. On retrouve l� les fonctions exerc�es lors de la cr�ation du
r�gime.

De toute fa�on, l��tat a en g�n�ral un droit de regard global sur les
r�gimes auxquels l�autorisation de fonctionner a �t� donn�e, en r�f�rence
aux textes l�gislatifs et r�glementaires qui les r�gissent. La tutelle de l�
�tat peut n�anmoins �tre plus ou moins �tendue. Au minimum, il s�agit de
v�rifier a priori la conformit� aux textes de la configuration et du
fonctionnement d�un r�gime et sa viabilit�. Cette proc�dure tut�laire se
concr�tise au moment de donner l�agr�ment au r�gime. Mais il s�agit ensuite
de v�rifier que les engagements pris � l��gard des assur�s sont tenus et que
la gestion du r�gime est conforme aux normes l�gales. La tutelle prend alors
la forme de proc�dures de r�glement du contentieux et de contr�le a
posteriori.

2- La relation de l��tat avec l�assurance maladie dans les pays africains

Les observations que l�on peut faire dans un certain nombre de pays
africains o� existent des r�gimes obligatoires et des r�gimes volontaires
appellent plusieurs constats sur le degr� d�intervention de l��tat et la
nature des domaines o� il intervient.

Un premier constat est la faiblesse de la tutelle de l��tat en mati�re d�
assurance maladie et plus g�n�ralement de protection sociale. L� o� il y a
des r�gimes obligatoires de protection sociale en Afrique de l�ouest, il n�
est pas toujours ais� de rep�rer les proc�dures par lesquelles les tutelles
officielles (minist�re du Travail, des Affaires sociales ou de la Sant�)
suivent, contr�lent et r�gulent les caisses centrales (S�n�gal, Mali,
Guin�e) ou les organismes d�centralis�s (S�n�gal) qui ont �t� cr��s pour les
g�rer. Une appr�ciation g�n�rale relative � ces organismes est qu�ils
b�n�ficient d�une grande autonomie par rapport aux pouvoirs publics et qu�
ils constituent souvent � un �tat dans l��tat �. S�agissant des r�gimes
volontaires propos�s par les mutuelles, on peut dire que, dans aucun des
pays d�Afrique de l�ouest o� ils se d�veloppement, l��tat n�est en mesure de
faire rapidement le point sur la situation du secteur : quelles sont les
mutuelles existantes et fonctionnelles ? Quelle est exactement leur activit�
et leur viabilit� ? Les situations les plus favorables � cet �gard sont
celles du Mali o� il existe une l�gislation et o� les relations de la
tutelle avec l�Union technique de la mutualit� du Mali (UTM) permettent d�
avoir, � travers les chiffres issus du mouvement, une id�e assez correcte
(mais �videmment partiale) de la situation ; et celle du S�n�gal o� l�
implication de l��tat dans le d�veloppement des mutuelles lui donne la
possibilit� de fournir des chiffres sur le nombre de groupements cr��s, sans
toutefois produire des donn�es fiables sur leurs effectifs et leur capacit�
financi�re.

Pour les r�gimes obligatoires, on peut consid�rer qu�il y a une implication
faible des services de l��tat en mati�re de d�finition, d�appui, de
fonctionnement, de r�gulation, c�est-�-dire � l��gard des fonctions
techniques essentielles de l�assurance maladie. Les param�tres des r�gimes
sont fix�s une fois pour toutes et l�on ne revient pas ais�ment sur les
prestations couvertes, le niveau de cotisation ou les conventions pass�es
avec les formations de sant�. Quelques exemples sont instructifs � cet
�gard. D�abord celui des IPM du S�n�gal, puisque l��tat a laiss� se
d�velopper des prestations co�teuses (prise en charge de consultations par
les m�decins lib�raux et des sp�cialit�s pharmaceutiques) qui, s�ils elles
ont �t� demand�es par les assur�s, mettent en p�ril la plupart des
institutions qui ne peuvent augmenter les cotisations, ni trouver de
ressources compl�mentaires. Autre exemple : lorsque l��tat est lui-m�me
gestionnaire de r�gime, ce qui est encore le cas pour l�assurance maladie
non contributive des fonctionnaires dans la plupart des pays, il ne joue pas
son r�le correctement, ne payant pas les h�pitaux ou les r�glant
tardivement, parfois au motif qu�il fournit d�j� des ressources aux
�tablissements. Derri�re cet argument il y a une confusion entre l��tat
employeur et l��tat entrepreneur de sant�, confusion qui p�nalise � la fois
les �tablissements lorsqu�ils sont oblig�s de soigner gratuitement les
fonctionnaires et les malades, lorsqu�on les oblige � r�gler les factures,
car leur employeur (l��tat) est r�put� mauvais payeur. Enfin, on note qu�il
n�y a g�n�ralement pas de concertation entre les minist�res impliqu�s dans l
�assurance maladie obligatoire. Le minist�re du Travail a le plus souvent la
tutelle des r�gimes obligatoires (lorsqu�ils sont r�serv�s aux salari�s du
secteur de l��conomie formelle), le minist�re de la Sant� est responsable
des prestations de soins dans le secteur public et de la tarification. Ils
ne mettent pas spontan�ment en place un syst�me de n�gociation qui
permettrait de contribuer � une meilleure prise en charge des assur�s et �
une am�lioration de la qualit� des soins.

Pour les r�gimes volontaires, la faible implication de l��tat dans l�appui
se manifeste � divers niveaux. Fondamentalement les pays tardent � mettre en
place des l�gislations permettant de cadrer le d�veloppement de ces r�gimes.
Le cas des mutuelles et bien connu, puisqu�un seul pays, le Mali, a
promulgu� � ce jour un code de la mutualit�. En pratique c�est le statut d�
association qui sert � l�homologation et � l�agr�ment des nouveaux
groupements. Ensuite, il n�y a pas d�appui financier destin� � aider le
mouvement � se d�velopper. Enfin l��tat laisse souvent s��tablir un contexte
de tension, voire de conflit, entre les mutuelles et les formations
publiques de soins, ce qui rend plus difficile la passation de contrats
entre les premi�res et les secondes. Lorsque les relations sont bonnes au
niveau local, la d�marche contractuelle peut aussi �tre g�n�e par l�
incapacit� dans laquelle sont les formations de soins de s�engager � l��gard
d�un payeur priv�. Priv�es de personnalit� morale, celles-ci doivent
demander au niveau comp�tent de la hi�rarchie de signer les contrats, ce qui
entra�ne des complications, des d�lais, voire des refus.

  Paradoxalement, pour les r�gimes volontaires, la faiblesse de l�
intervention de l��tat l� o� on l�attend et o� l�on a besoin de lui est
compens�e par une propension � s�investir dans leur promotion et la
d�finition de leur configuration. Il n�est pas facile de fixer a priori de
limites � l�action de promotion de l��tat en mati�re d�assurance maladie
volontaire et, d�une certaine fa�on il est louable que certains �tats se
soient engag�s dans cette voie. L�engagement politique du gouvernement
malien n�est certainement pas �tranger au succ�s des mutuelles dans ce pays
et l�on peut a contrario d�plorer que certains �tats n�accordent pas � ces
organismes une attention suffisante. Il reste que, dans quelques pays, l�
�tat est all� ou a voulu aller beaucoup plus loin que la promotion et s�est
engag� � la fois dans la sensibilisation des populations et dans le montage
de mutuelles. Dans le cas du Mali, la cr�ation de l�UTM, organisme
mutualiste charg� du d�veloppement des mutuelles, n�a pas �t� sans
difficult�. Le Minist�re de tutelle a cherch� � int�grer la cellule de
d�veloppement des mutuelles au sein de son administration et envisageant que
les agents des services r�gionaux animent des ateliers de sensibilisation
destin�s localement aux populations. Toutefois, la situation s�est
normalis�e et le Minist�re a abandonn� cette tendance interventionniste. Au
S�n�gal, la cr�ation de la CAMICS (Cellule d�appui aux mutuelles de sant�,
aux IPM et aux centres de sant�), institution plac�e sous le contr�le direct
du Minist�re de la sant�, a donn� lieu � une activit� intense de promotion
et d�appui � la cr�ation de mutuelles dans tout le pays. En Afrique de l�
est, on a aussi des exemples de cr�ations par l��tat de r�gimes volontaires
d�assurance maladie (Burundi, Tanzanie) qui illustrent la volont� du
gouvernement de piloter ce secteur. En Tanzanie notamment, les Community
Health Funds, g�r�s par l�administration du district ont pour vocation, en
proposant une cotisation d�assurance maladie, de rassembler un maximum de
ressources issues des m�nages pour s�curiser le financement des formations
publiques. Le taux d�adh�sion des populations est rest� � ce jour assez
faible

2- Comparaison avec le r�le de l��tat dans les pays du nord.

Dans les pays du nord, le champ d�intervention de l��tat est large en
mati�re d�assurance maladie, mais sa l�gitimit� n�est pas syst�matiquement
reconnue pour tous les types de r�gimes. En particulier, il existe une
diff�rence fondamentale entre l�intervention relative aux r�gimes
obligatoires, � caract�re public et celle qui a trait aux r�gimes
volontaires, qui sont g�n�ralement de statut priv�. Dans les pays qui ont
une tradition assez ancienne en mati�re d�assurance maladie, aussi bien pour
les r�gimes obligatoires que pour les r�gimes volontaires, on peut dire qu�
on a abouti � une sorte de une codification des interventions de l��tat.
M�me si les diff�rents pays gardent une sp�cificit� au niveau de la relation
entre l��tat et l�assurance maladie, le domaine de comp�tence de chaque
partie est assez bien d�limit�.

On peut dire qu�en mati�re de relation avec un r�gime obligatoire, l�
intervention de l��tat dans tous les domaines est compl�tement l�gitime et l
�on sait qu�elle est effective. On note simplement qu�en mati�re d�
intervention sur le fonctionnement des r�gimes, la pratique de d�l�gation de
la gestion � des caisses publiques, voire � des organismes priv�s limite un
peu la capacit� d�intervention des pouvoirs publics.

Pour les r�gimes volontaires, la diff�rence est tr�s nette. Si l�
intervention de l��tat est l�gitime au niveau de l�exercice de la tutelle et
pour faciliter la mise en place des r�gimes (l�gislation, subventions
directes et indirectes), elle est particuli�rement mal venue lorsqu�il s�
agit de d�finir la configuration d�un r�gime (cotisation, risques couverts,
garanties) ou de le faire fonctionner. De m�me, l��tat ne s�autorise
g�n�ralement pas � proc�der � la cr�ation d�un r�gime volontaire, bien qu�il
puisse quelquefois en �tre l�inspirateur.

En fonction de ce qui a �t� dit pour les pays africains, on peut sentir les
diff�rences dans la conception du r�le de l��tat ici et l�. Pour les
illustrer, il est commode de repr�senter sch�matiquement le degr� d�
intervention de l��tat selon le type de pays et le type de r�gime.

Tableau : degr� d�intervention de l��tat dans les pays du nord et les pays
africains.

Domaine Pays du nord Pays africain
D�intervention R�gime obligatoire R�gime volontaire R�gime obligatoire
R�gime volontaire
Initiative et
cr�ation +++ - ++ +
D�finition de la
configuration +++ -- + +
Appui � la mise
en place +++ ++ + -
Fonctionnement ++ -- - --
Tutelle +++ ++ -- ---

4- Cons�quences n�gatives du positionnement des �tats africains par rapport
� l�assurance maladie

  Sans contester le positionnement des �tats africains par r�f�rence avec
celui qui est devenu usuel dans les pays du nord, on doit noter qu�il n�a
pas que des cons�quences positives. En premier lieu, l�engagement
relativement modeste des �tats � l��gard de l�assurance maladie semble
vraiment dommageable en termes d�appui coh�rent aux r�gimes, qu�ils soient
obligatoires ou volontaires. L�absence de l�gislation sur les mutuelles
commence � handicaper les pays o� le dynamisme de la base est fort et o� un
grand nombre d�organismes se cr�ent et sont agr��s, sans que les droits et
obligations respectifs des assur�s et des mutuelles soient d�finis. Le cas
du S�n�gal est particuli�rement repr�sentatif de cette situation. Le non
engagement des �tats dans la m�diation entre r�gimes et professionnels de
sant� est �galement peu propice � l��tablissement de bonnes relations entre
les deux parties. Dans des pays comme le B�nin ou la Guin�e, il semble
exister une hostilit� a priori entre agents du secteur public des soins et
mutuelles en gestation ou en cr�ation. L�administration de la sant� se situe
tant�t en faveur des uns, tant�t en faveur des autres. Les repr�sentants des
populations qui g�rent les centres des sant�, dans le cadre de l�application
de l�Initiative de Bamako (par exemple les Comit�s de gestion communautaire,
les COGECs b�ninois) ne comprennent pas toujours qu�une autre source de
financement issue de la soci�t� civile, g�r�e par d�autres se mette en
place. L�inertie des pouvoirs publics � faciliter ou � promouvoir le
dialogue fait que l�apport potentiel du changement se fait attendre. La
confrontation entre agents publics de soins et mutuelles ne contribue
�videmment ni � l�adh�sion aux mutuelles, ni � l�am�lioration de la qualit�
dans les formations.

  En deuxi�me lieu, la quasi absence de tutelle sur les r�gimes obligatoires
et volontaires fait courir des risques � ceux-ci et est source d�
inefficacit� et d�inefficience. Le fait de laisser la situation de certains
r�gimes se d�grader ou de ne pas se donner les moyens d�appr�cier la
viabilit� des organismes gestionnaires revient � terme � donner de l�
assurance maladie une mauvaise image et � engendrer beaucoup de m�fiance � l
��gard de ce mode de financement au sein de la population et des partenaires
du d�veloppement. Un certain nombre de r�gimes � caract�re obligatoire ne
distribuent plus de prestations aux assur�s ou le font dans des conditions
difficiles. Par exemple certaines IPM s�n�galaises ont des retards de
paiement importants qui entra�nent des refus de soins de la part des
professionnels. La couverture non contributive des fonctionnaires est
devenue inop�rante dans la plupart des pays, o� l�on cherche pr�cis�ment �
cr�er des mutuelles pour donner une protection aux agents de l��tat. Lorsque
les organismes fonctionnent, ils affichent fr�quemment des co�ts de gestion
consid�rables, li�s � des d�penses internes qui sont uniquement � la
discr�tion de leurs dirigeants. Enfin, les r�gimes se r�v�lent avoir une
faible capacit� d��volution. Non seulement la tutelle ne provoque pas les
changements n�cessaires, mais le faible suivi n�incite pas les responsables
� tenir les r�unions statutaires et � informer les assur�s ou leurs
repr�sentants de la situation de l�organisme. Ainsi, il y a tr�s peu de
pression externe ou interne � modifier la configuration des r�gimes
existants, quelle que soit leur viabilit�.

  En troisi�me lieu, il faut s�interroger sur les cons�quences de l�
interventionnisme �tatique � l��gard des r�gimes volontaires, l� o� l�action
publique est contestable, c�est-�-dire au niveau de la sensibilisation des
populations et de la d�finition de la configuration des r�gimes. L�activisme
de l��tat n�est pas syst�matiquement n�gatif, mais il a dans certains cas
des effets pervers. Lorsque l��tat s�investit dans la promotion et le
montage des mutuelles, il tient un r�le qui revient en principe � des
personnes issues de la soci�t� civile. Ce faisant, il n�encourage pas les
vocations et fait de la cr�ation des r�gimes volontaires une affaire d��tat.
D�une certaine fa�on, on retrouve le cas de figure des comit�s de sant�
promus par l�administration dans le cadre de l�Initiative de Bamako et l�on
risque donc de r�duire la motivation des personnes non d�sign�es �
participer au mouvement. Le probl�me est qu�il y a l� un enjeu d�une autre
nature qui est la disposition � cotiser des populations. Celle-ci est
rarement accrue par la pr�sence de fonctionnaires au niveau de la promotion
et de la cr�ation des r�gimes. Plus g�n�ralement, si la population a, comme
on le dira plus loin, des attentes � l��gard de l��tat, elle est extr�mement
m�fiante si elle sent que des agents publics ont une responsabilit� dans l�
organisation de flux mon�taires. Enfin, il faut s�interroger sur le devenir
des r�gimes volontaires fortement impuls�s par l��tat. D�s qu�il s�agit de
gestion concr�te, d�appui au fonctionnement, de tutelle ou de r�gulation,
celui-ci n�a pas de raisons d��tre plus attentif envers ceux-ci qu�il ne n�
est � l��gard des r�gimes obligatoires (qu�il a pourtant cr��s) et des
r�gimes volontaires qu�il n�a pas contribu� � lancer. En d�autres termes, l�
�tat cr�� a priori une situation de d�pendance de certains r�gimes
volontaires, mais il n�aura probablement pas les moyens et/ou le souci de
continuer � les appuyer.

5- El�ments d�analyse du positionnement de l��tat

La diff�rence qu�on observe entre pays africains et pays du nord quant au
positionnement de l��tat par rapport � l�assurance maladie n�est pas
critiquable en soi ou en tout cas sur tous les points qui ont �t� relev�s.
Certes, l� o� le positionnement de l��tat entra�ne inefficacit� ou
gaspillage de ressources, il convient de r�fl�chir aux moyens de rectifier
la situation. Mais il n�est pas s�r que cela soit en suivant strictement
les m�mes voies que celle qui ont �t� trac�es par les pays industrialis�s au
bout de plusieurs d�cennies que l�on r�ussira. Il semble donc surtout
int�ressant d�analyser les raisons de ce positionnement, pour d�finir la
meilleure strat�gie d�action.

La recherche d�explications du positionnement des �tats africains doit
privil�gier a priori plusieurs hypoth�ses. Une premi�re hypoth�se renvoie
aux modes d�introduction de l�assurance maladie comme technique de
financement dans les pays en d�veloppement. La responsabilit� des
partenaires du d�veloppement est ici assez grande. L�histoire coloniale a
incit� les gouvernements � prendre mod�le sur les r�gimes de S�curit�
sociale des pays europ�ens. Une expertise a �t� mobilis�e pour les aider,
mais les aspects politiques et institutionnels des r�gimes ont �t� laiss�s
de c�t� dans cette d�marche. Par ailleurs, dans un certain nombre de cas,
les partenaires du d�veloppement et leurs experts ont largement contribu� �
occulter le r�le de l��tat dans le d�veloppement des r�gimes. Ils ont alors
laiss� entendre que la soci�t� civile �tait en mesure de suppl�er les
pouvoirs publics dans le montage de r�gimes priv�s et ils ont ainsi confort�
une relation complexe sur laquelle on reviendra plus loin. Simultan�ment de
nombreux projets ont �t� lanc�s dans le cadre de coop�rations impliquant l�
�tat et demandant son concours, mais de fa�on vague. Dans ce contexte, il n�
est pas surprenant que les �tats et les administrations aient choisi par
rapport � l�assurance maladie un positionnement pragmatique qui ne
permettait pas toujours de fournir aux r�gimes le meilleur appui possible.

Une hypoth�se compl�mentaire renvoie aux comportements de l��tat et de son
administration. Plus pr�cis�ment, ce seraient les caract�ristiques des �tats
africains et de l�administration qui les sert qui rendraient compte de leurs
modalit�s d�intervention � l��gard de l�assurance maladie. Corr�lativement,
selon cette hypoth�se, c�est en allant dans le sens d�une �volution de l�
�tat et de l�administration qu�on peut modifier la situation, en particulier
pour faciliter le d�veloppement de l�assurance maladie sous diff�rentes
formes.

  Les �tats africains sont des �tats jeunes et, compar�s � ceux des pays du
nord, ils n�ont pas une capacit� tr�s forte d�action. Pour ce qui nous
concerne ici, la faiblesse des �tats s�exprime d�abord en termes de quantit�
de ressources financi�res et humaines disponibles. L�insuffisance des
ressources collect�es, le faible nombre de fonctionnaires interdisent aux
�tats de jouer un r�le important dans les domaines techniques et ce qu�on a
pu constater quant � l�intensit� de l�intervention �tatique en mati�re d�
appui aux r�gimes ou de contr�le de leur fonctionnement n�est pas propre �
ce secteur. Les �tats ne peuvent pas compenser leur d�ficit en personnel par
des moyens financiers et r�ciproquement.

Mais, s�agissant de protection sociale, il faut aussi s�interroger sur la
configuration institutionnelle de l�appareil d��tat et sur le type d�acteur
public qui pourrait �tre mobilis� aupr�s des r�gimes d�assurance maladie.
Dans les pays africains, mais ici ce n�est pas une particularit� du
continent, le Minist�re charg� de la sant� est faible institutionnellement.
Dans la mesure o� la r�ponse � la situation �pid�miologique a toujours �t�
sa pr�occupation prioritaire, il n�est pas vraiment port� sur les questions
de financement de la sant�. En outre la th�matique de l�assurance maladie
est relativement r�cente et il y a peu de comp�tences dans ce minist�re sur
ce domaine. La plupart des pays ont souvent un Minist�re charg� du travail
et de la s�curit� sociale, qui a traditionnellement la tutelle des
organismes et des r�gimes de protection sociale couvrant les salari�s du
secteur formel. C�est g�n�ralement une sous-direction ou un bureau de taille
r�duite en effectifs qui a la charge de cette fonction et qui a plut�t une
approche juridique et administrative de l�assurance maladie. En Afrique de l
�ouest francophone, l�h�ritage de la colonisation fran�aise est assez
pr�gnant et cette organisation ne suffit pas � combler les lacunes du
minist�re pr�c�demment �voqu�, d�autant que les questions de l�extension des
r�gimes au secteur de l��conomie informelle et de la relation avec le
syst�me de soins ne font pas non plus partie de la culture de ce minist�re
tr�s marqu� par les relations traditionnelles avec les syndicats et les
employeurs. Enfin, alors que les questions d�assurance maladie concernent en
fait diff�rents volets de l�action publique (finances, sant�, action
sociale, relations avec la soci�t� civile), l�interminist�rialit� fonctionne
assez mal dans les pays africains. A nouveau, ce n�est pas un trait propre
au continent, mais il est probablement accentu� par la faiblesse des
ressources pr�c�demment point�e.

  Enfin, dans ce contexte difficile en termes de ressources et d�organisation
des institutions, il faut ajouter que l�administration a une logique de
fonctionnement qui ne privil�gie pas la recherche de l�int�r�t g�n�ral. Sans
jeter l�opprobre sur les agents de l��tat, on peut comprendre que certains,
au vu de leur niveau de r�mun�ration, d�veloppent des strat�gies
individualistes et ne compensent pas, par leur engagement ou leur
productivit�, les faiblesses de l�organisation. C�est dire en termes polic�s
que tous les agents n�ont pas de motivation forte � fournir un appui
important aux r�gimes d�assurance maladie, � moins qu�ils ne soient
impliqu�s dans leur fonctionnement. Cela pourrait expliquer la propension de
l�administration � s�investir dans le lancement des r�gimes volontaires,
mais cet argument n�est gu�re convaincant. D�une fa�on g�n�rale, l�
explication qui est d�velopp�e ici permet de comprendre la faiblesse de l�
intervention �tatique, y compris sur les questions de tutelle, mais elle ne
donne pas � comprendre l�engagement des �tats en mati�re de r�gimes
volontaires, particuli�rement en mati�re de d�veloppement des mutuelles. L�
id�e de b�n�fice politique cherch� par les responsables �lus vient � l�
esprit, mais pour qu�il y ait b�n�fice, il faut que la population ait une
attente en mati�re d�assurance maladie et qu�elle trouve avantage � l�
implication de l��tat dans son d�veloppement. Cela conduit � une deuxi�me
hypoth�se susceptible d�expliquer le positionnement de l��tat, selon
laquelle la situation de l��tat et le comportement de l�administration ne
fourniraient pas la seule explication de sa relation avec l�assurance
maladie.

  L�hypoth�se selon laquelle l�interaction de l��tat avec la soci�t� civile
rend aussi compte du positionnement de l��tat par rapport � l�assurance
maladie se fonde sur l�ambig�it� des relations de l��tat avec la soci�t�
civile. La population se m�fie sans aucun doute de l��tat et plus
pr�cis�ment des agents de l��tat, mais elle a, � son �gard, des attentes en
mati�re sociale et sanitaire dont on peut estimer qu�elles sont en partie
issues de la p�riode post�rieure aux ind�pendances au cours de laquelle la
mise � disposition de services sanitaires et sociaux publics gratuits et en
partie issues d�une repr�sentation du d�veloppement o� l��tat providence a
sa place. Les derni�res d�cennies ont marqu� de ce point de vue une rupture
avec le retrait de l��tat comme entrepreneur et comme financeur de la sant�.
On peut consid�rer qu�une partie de la soci�t� civile a pris de la distance
par rapport � l�action publique, comme l�attestent par exemple le
d�veloppement d�activit�s priv�es et le r�le croissant des ONG. Mais en m�me
temps, les �tats ont souvent cherch� � renforcer leur autorit� non pas comme
producteurs de services, mais comme organisateurs ou animateurs. A cet
�gard, ils ont souvent favoris� les initiatives priv�es, mais ont toujours
cherch� � les contr�ler. L�exemple malien des centres de sant�
communautaires est assez r�v�lateur de la nature ambigu� des relations de l�
�tat � la soci�t� civile. D�une part, ce sont bien les carences de l��tat
prestataire de soins de sant� qui provoquent la dynamique communautaire.
Mais d�autre part, il a ensuite �t� possible que l��tat � r�cup�re le
mouvement � et int�gre les centres priv�s au sein de l�organisation du
secteur public. Avec les mutuelles, l��tat a d�abord �t� un promoteur actif
et, apr�s avoir tent� de piloter le mouvement, il a su reculer sur ce point,
puis a donn� une place � la mutualit� dans le secteur de la sant�, si bien
qu�il tire aussi les b�n�fices de son d�veloppement.

  Les rapports entre l��tat et la soci�t� civile ne sont donc pas simples et
ils ne sont pas fig�s, se construisant par des chemins vari�s. Une des
cons�quences de cette interaction est la difficult� de concevoir un r�le
tut�laire sous la forme traditionnelle d�une fonction d�volue � un
minist�re. Pour une bonne partie de la soci�t� civile, c�est probablement
une pr�rogative trop forte, car elle favorise plus l�administration que l�
�tat. Mais dans le cas des r�gimes d�assurance maladie, l�absence de tutelle
est ressentie aussi comme une lacune de l��tat et, comme on l�a vu, c�est
probablement un facteur qui p�nalise objectivement leur d�veloppement. Ainsi
les repr�sentants de la soci�t� civile impliqu�s dans les mutuelles ou dans
certains r�gimes attendent une action de l��tat en leur faveur et acceptent
d�avance une forme de supervision. De m�me, il est possible � l��tat de
jouer un r�le de promoteur � l��gard des r�gimes volontaires, car ce r�le
lui convient et ne lui est pas contest� a priori par la soci�t� civile. Mais
celle-ci attend une suite en termes d�appui et ne veut pas d�une direction
ferme de la part de l�administration.

Conclusion

  La mise en perspective de la politique de financement de la sant� et des
rapports pratiques entre l��tat et les r�gimes d�assurance maladie suscite
une s�rie de questions que cette communication n�a fait qu�effleurer.

En premier lieu, il faut s�interroger sur l�int�r�t qu�il y a � inciter les
�tats de pays � faible revenu � promouvoir et d�velopper l�assurance maladie
; il faut s�interroger aussi sur la mani�re de le faire. Le montage de
r�gimes est un processus complexe et il n�y a aucun profit � tirer d�un
plaidoyer et d�un transfert d�expertise qui minimisent les limites d�une
technique de financement ou les conditions de son application. Il est
probable que d�autres formes de financement seraient aussi appropri�es � la
situation de certains pays que l�assurance maladie obligatoire. De m�me qu�
on a revitalis� le principe de r�gimes obligatoires contributifs, il
pourrait �tre parfois opportun de revenir sur les avantages et les
conditions d�efficacit� du financement budg�taire. Il semble aussi que l�
assurance maladie ait tout int�r�t � �tre mont�e sans �carter d�autres
formes de financement. Un r�le de l��tat est alors de coordonner ces formes
et de veiller � l��quit� qui est produite par ce syst�me. Ainsi, la
polarisation sur les techniques d�assurance ne doivent pas emp�cher de faire
r�fl�chir sur l�exercice de ce r�le de coordination et d�arbitrage.

En deuxi�me lieu, si l�on consid�re que la micro assurance de sant� pr�sente
de nombreux avantages pour une fraction de la population, il faut s�
interroger sur le positionnement correct de l��tat. Ce positionnement doit
probablement tenir compte des caract�ristiques techniques des r�gimes
volontaires et de la taille des groupes concern�s, mais aussi des relations
qui se construisent entre soci�t� civile et pouvoirs publics. La question se
pose notamment de l�allocation des ressources des projets aux diff�rents
acteurs : faut-il d�l�guer � l��tat un r�le de promoteur ? Faut-il au
contraire �viter qu�il soit le pilote des programmes ? La bonne r�ponse est
sans doute entre les deux, il reste � la trouver, dans chaque contexte
national.

Enfin, il faut s�interroger sur l�accent mis sur les questions de
financement, alors que les probl�mes d�organisation et de fonctionnement de
l�offre n�ont pas �t� r�solus. A l��vidence il ne faut pas passer de la
situation d�ignorance du financement � une position excessive de d�connexion
de l�appui au financement et de l�appui � l�offre. L��tat est a priori bien
plac� pour traiter les deux domaines. Dans les pays en d�veloppement, il
convient de l�en persuader et de lui donner les moyens d�une telle
strat�gie.

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